UNE SOUCHE émergente de Clostridium difficile, déjà responsable de plusieurs flambées infectieuses sévères en Amérique du Nord et en Europe, vient d'être caractérisée par une équipe de recherche internationale. Les travaux de Warny et coll. suggèrent que la virulence de cette nouvelle souche dépend de sa capacité à surproduire des toxines. C'est donc probablement en ciblant les toxines qu'il sera possible d'enrayer le début d'épidémie qui inquiète les autorités canadiennes.
Les infections à Clostridium difficile (C. difficile) provoquent des diarrhées plus ou moins sévères et d'autres pathologies intestinales graves, telles que des colites pseudomembrannaires. Dans les pays industrialisés, C. difficile est la bactérie la plus répandue dans les hôpitaux et les établissements de soins de longue durée. Elle constitue aussi la principale cause de diarrhée d'origine infectieuse chez les patients hospitalisés. En modifiant l'équilibre de la flore intestinale, la plupart des traitements antibiotiques favorisent la multiplication de C. difficile et la survenue des diarrhées. Ce phénomène contribue à la survenue de flambées infectieuses plus ou moins sévères en milieu hospitalier
Aggravation des symptômes associés.
En 2002, plusieurs hôpitaux canadiens ont commencé à signaler une augmentation sensible de l'incidence des infections à C. difficile et une aggravation des symptômes associés à ces infections. Entre 1991 et 2003, l'incidence des infections à C. difficile est en effet passée de 35 pour 100 000 à 156 pour 100 000 (x 4,5). Chez les sujets de plus de 65 ans, l'incidence de l'infection a même été multipliée par 8,5, pour atteindre 866 pour 100 000. Dans le même temps, la mortalité associée à ces infections est passée de 4 à 13 %.
Afin de caractériser la souche à l'origine de cette flambée, Warny et coll. ont recueilli et étudié plus de 120 échantillons bactériens provenant de patients infectés diagnostiqués à l'hôpital de Sherbrooke (Québec). Des échantillons obtenus à partir de patients d'autres régions du Canada, des Etats-Unis et du Royaume-Uni ont également été analysés.
Des méthodes de génotypage ont permis aux chercheurs d'établir que la souche de C. difficile à l'origine de la flambée canadienne est la souche NAP1/027. Cette souche a été retrouvée chez 67 % des malades qui ont contracté la bactérie à hôpital et chez 37 % de ceux qui ont été infectés en dehors du milieu hospitalier.
Vingt-trois fois plus de toxine B.
Warny et coll. ont poursuivi leur analyse en s'intéressant aux toxines produites par la souche émergente isolée. La virulence de C. difficile repose sur la production de deux toxines nommées A et B. La toxine B serait dix fois plus toxique pour l'épithélium colique humain que la toxine A. Warny et coll. ont découvert que la souche NAP1/027 produit seize fois plus de toxine A et vingt-trois fois plus de toxine B que les autres souches de C. difficile recueilli lors de cette étude. Une mutation du génome bactérien serait à l'origine de cette surproduction de toxines : en étudiant l'ADN de la bactérie, les chercheurs, en effet, ont mis en évidence une délétion qui touche un gène dont la fonction est de réguler la synthèse des toxines A et B.
L'ensemble de ces informations suggère que la souche NAP1/027 a acquis sa virulence en perdant un gène qui régule la production des toxines A et B. Cette mutation rend la bactérie beaucoup plus toxique pour l'homme. Elle provoque donc plus facilement des diarrhées sévères. Or ces diarrhées favorisent la dissémination des spores bactériennes dans l'environnement et, ainsi, la transmission de l'infection. C'est pourquoi l'incidence associée aux infections à C. difficile ne cesse de croître.
Dans le contexte actuel de la montée des résistances aux antibiotiques, et compte tenu des informations fournies par les travaux de Warny et coll., c'est probablement en développant des stratégies préventives et thérapeutiques ciblant les toxines A et B qu'il sera possible de juguler la flambée canadienne et d'empêcher la survenue d'épidémie dans d'autres régions d'Amérique du Nord ou d'Europe.
M. Warny et coll., « The Lancet » du 24 septembre 2005, pp. 1079-1084.
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