En 2009, la loi HPST fait le plaidoyer des coopérations hospitalières. L’heure est à la mutualisation, à la synergie, au rapprochement entre établissements. Les coopérations, et singulièrement les communautés hospitalières de territoire (CHT), sont le grand espoir de la loi Bachelot. Près de trois ans plus tard, force est de constater que les rapprochements entre structures hospitalières ont été menés tambour battant. Si 10 CHT ont été constituées en 2011, selon un rapport des agences régionales de santé (ARS), 70 existaient déjà en 20101. De même, au 30 juin 2010, pas moins de 124 groupements de coopération sanitaire (GCS) avaient été composés entre établissements de santé de droit public et de droit privé. « Il y a une prise de conscience de l’ensemble des acteurs que les coopérations peuvent être un point de passage intéressant et utile. Ce sont des outils dont les acteurs s’approprient bien les grands principes », relève Alain Arnaud, en charge du sujet à l’Anap (Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux). Du côté des agences régionales de santé, on ne cache pas son enthousiasme : « L’idée, c’est de déployer des coopérations tous azimuts », reconnaît ainsi François-Emmanuel Blanc, directeur général de l’ARS Poitou-Charentes qui, en la matière, n’y va pas avec le dos de la cuillère. Depuis 2009, des coopérations ont été développées un peu partout dans sa région. On citera les exemples du CHU de Poitiers avec l’hôpital de Châtellerault ; les hôpitaux de Royan, Saintes et Saint-Jean-d’Angély ; le GCS concernant les urgences entre l’hôpital de Royan et deux cliniques de la ville ; le partenariat entre l’hôpital et la clinique de Cognac ou encore la dernière coopération en date, la CHT Atlantique qui rapproche les établissements de La Rochelle, Rochefort et Oléron. Le support législatif importe guère au DG de l’ARS : « Peu importe le récipient, l’important c’est que les équipes coopèrent sur le plan médical comme sur le plan logistique. Notre manière d’approcher le sujet consiste à travailler sur la stratégie de chacun des établissements. » Il faut en effet s’assurer que l’organisation permette à chacun de trouver sa place. Un élément du succès consiste, selon Alain Arnaud, à avoir « des acteurs très mobilisés qui se connaissent bien et ont confiance les uns dans les autres : si la coopération donne l’impression que le gros va manger le petit, ça ne peut pas marcher. »
Pas que des succès
Des erreurs et des échecs, il y en a déjà eu quelques-uns, plus ou moins retentissants. Des groupements de coopération sanitaire montés à titre expérimental n’ont pas été reconduits. Des rapprochements entre établissements sont parfois difficiles à mettre en place. C’est le cas notamment de l’activité de pédiatrie du CHU de Nice et de la Fondation Lenval, un GCS initié dès 2010 et qui a connu depuis de nombreuses tempêtes. Aujourd’hui, le ministère de la Santé continue de juger cette coopération pertinente et la bataille fait rage pour déterminer qui du CHU ou de Lenval doit prendre les rênes du GCS. Une lutte de pouvoir usante, notamment pour les professionnels de santé des deux structures.
Autre projet, autres difficultés d’importance : l’hôpital sud-francilien, dans l’Essonne. En 2005, le ministre de la Santé Xavier Bertrand avait donné son accord à la signature d’un partenariat public-privé avec le groupe Eiffage. Il était prévu qu’un hôpital soit construit par cette entreprise BTP à Corbeil-Essonnes, qu’elle soit propriétaire des lieux et qu’elle les loue à l’établissement hospitalier pour la somme de 40 millions d’euros par an, projet qui permettra qui plus est le rapprochement des deux établissements existants de Corbeil et d’Évry. Or, une expertise menée en 2011 a révélé pas moins de 8 000 malfaçons. Rapidement, le directeur de l’établissement pas encore ouvert a démissionné de ses fonctions. L’hôpital a finalement pu ouvrir ses portes en janvier dernier, avec plus de six mois de retard. Mais en juin, le conseil de surveillance de l’hôpital avait néanmoins voté la sortie du partenariat public-privé (PPP).
Gare au dogmatisme !
Le PPP de l’hôpital sud-francilien restera sans doute dans les mémoires comme le contre-exemple des coopérations. À sa décharge, il associe un groupe hospitalier à une entreprise du bâtiment, deux secteurs bien différents. De manière générale, on encourage plutôt les coopérations entre les secteurs hospitaliers public et privé. « Il n’y a pas d’obstacle à des coopérations avec des cliniques », note ainsi François-Emmanuel Blanc. Il importe simplement, de son point de vue, « d’écarter tout risque de perception idéologique ». Gare au dogmatisme ! En revanche, ce type de coopérations engendre par essence des questionnements autour « des éléments de tarification, des charges financières ou encore des différences de statuts », liste Alain Arnaud. Sans oublier une inquiétude des acteurs du secteur privé qui, lorsqu’ils nouent un partenariat avec un établissement public, veulent d’abord s’assurer qu’en cas d’échec, ils retrouveront l’autorisation d’exercice dont ils disposaient précédemment.
Les professionnels de santé, eux, ont encore souvent tendance à voir dans ces coopérations une façon de leur limiter les moyens dont ils disposent, une façon de gérer la pénurie (Cf. interview de Hakim Bécheur). Ils craignent la complexité qu’il peut y avoir à travailler de façon éclatée sur plusieurs établissements. Pis encore, s’il s’agit d’une coopération public-privé. Ainsi, dans le cas du rapprochement du CHU de Nice de la Fondation Lenval, un rapport accablant du cabinet de conseil Altao évoquait, début 2011, les difficultés des équipes des deux structures, l’une publique, l’autre privée, à travailler ensemble. Un « choc des cultures » ayant pour corollaire une « incompréhension du fonctionnement de l’autre (qui) aboutit aujourd’hui à une coexistence sans collaboration. Ce flou engendre maladresses et conflits ». Les coopérations ont beau se développer, la pédagogie à l’intention des personnels hospitaliers, médicaux, soignants et autres reste à faire.
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