Première française pour l'ostéo-intégration

Une solution innovante pour les prothèses d'amputation

Publié le 09/01/2008
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LES AMPUTATIONS de cuisse au-dessus du genou (transfémorales) posent de délicats problèmes d'appareillage prothétique. Les moignons tolèrent souvent mal la prothèse et appellent à des «retouches» chirurgicales répétitives. L'interface emboîture prothétique-extrémité du moignon est, encore plus que dans toute autre amputation, soumise à très rude épreuve amenant les appareilleurs à aller rechercher des zones alternatives d'appui (ischiatique). Il existe dans ce type d'amputation une concentration de contraintes mécaniques sur la racine du moignon. On rencontre même certaines situations de quasi-impossibilité technique d'appareillage de ces amputés.

Un phénomène biologique, « l'ostéo-intégration ».

Il y a plus d'un demi-siècle, un chirurgien orthopédiste reconverti à la chirurgie maxillo-faciale, le Dr Branemark, a introduit un procédé reconstructif qui a révolutionné la chirurgie dentaire : l'implant dentaire. Ce procédé qui consiste en la mise en place sur le squelette maxillaire ou mandibulaire de l'équivalent métallique d'une racine dentaire (sur laquelle sera montée une dent prothétique) voit son succès, durable, dépendre d'un phénomène biologique « l'ostéo-intégration ». Il désigne en fait l'acquisition immédiate ou différée d'une solidarité intime, quasi inébranlable de l'élément métallique au sein de son support squelettique. C'est sur la base des observations mécaniques, biologiques et biomécaniques dentaires qu'a été imaginé, par le fils du concepteur de la méthode, un développement tentant de lui redonner (par un curieux retour de l'histoire médicale familiale) une dimension chirurgicale orthopédique.

D'où la démarche d'implanter, dans la partie distale du squelette du moignon d'amputation, un élément métallique à la fois susceptible de prolonger discrètement ce moignon, mais également de servir de pièce d'amarrage et de support de la prothèse d'amputation avec un degré inégalé de solidarité avec le moignon. Cette solidarité a pour ultime objectif de réduire à leur plus simple expression les situations d'inappareillabilité.

Solidité d'ancrage mécanique de la prothèse.

L'élément métallique mis au point se visse « en force » dans l'extrémité distale du canal fémoral du moignon et dispose d'une butée destinée à éviter la migration de l'implant vers la racine du moignon. L'élément mécanique pointe, évidemment, à travers la peau du moignon. S'il se produit une ostéo-intégration de qualité de cette pièce métallique avec le squelette sur lequel elle s'implante, on comprend facilement les avantages procurés pour l'appareillage : protection de l'interface cutané et des parties molles, solidité d'ancrage mécanique de la prothèse, optimisation de la transmission des contraintes.

Les moignons transfémoraux ont été presque les seuls à faire l'objet de ces tentatives de prothèses d'amputation dites « ostéo-intégrées » et qu'il serait préférable de qualifier à « amarrage ostéo-intégré ».

Comme le confirme l'expérience de l'école suédoise, la plus ancienne, les complications prévisibles les plus redoutables de ce type d'assemblage sont d'ordre mécanique ou infectieux. Sur le plan mécanique, la butée peut cesser de remplir son rôle antimigratoire, amenant alors à réintervenir.

Sur le plan infectieux, la très vaste majorité des opérés a présenté des phénomènes d'infection superficielle et près de la moitié d'entre eux d'infection profonde compromettant la pérennité de l'implantation. Une telle observation confirme que ce qui est possible au sein d'une muqueuse buccale n'est pas obligatoirement réalisable (ou transposable) dans l'environnement des parties molles d'un moignon d'amputation.

Un taux d'utilisation de l'ordre de 80 %.

L'expérience initiale du Dr Branemark a porté sur des amputés tous insatisfaits des solutions classiques en raison de problèmes de peau, de douleurs d'appareillage ou de non-utilisation prolongée de leur prothèse en raison de difficultés constantes (par moignon très court en particulier). L'étiologie de l'amputation était majoritairement, mais non exclusivement, un traumatisme. Les patients candidats à cette technique doivent comprendre le côté un peu « probabiliste » de ses chances de succès. Le succès d'une méthode d'appareillage prothétique se juge, en autres variables, à l'aune de son taux d'utilisation sur le long terme. Le concepteur reconnaît lui-même que la prothèse dite « ostéo-intégrée » bénéficie d'un taux d'utilisation de l'ordre de 80 % sur un échantillon de patients strictement sélectionnés (lire encadré).

Compte tenu de toutes les réserves d'indication, il apparaît qu'au mieux 10 % des nouveaux amputés fémoraux soient candidats à ce type de démarche d'appareillage. Sur l'échantillon réduit des sujets les plus motivés, malgré quelquefois la survenue des complications déjà citées et des analyses de marche peut-être moins probantes qu'avec les nouvelles prothèses d'amputation bio-électroniques (à assistance informatique incorporée) et, enfin, malgré un coût un peu rédhibitoire (environ 12 000 euros, mais compensé par les économies ultérieures de moindre renouvellement prothétique), les succès obtenus font la satisfaction des sujets ayant bénéficié de ce type de méthode. A ce jour, près de deux cents amputés à travers le monde ont bénéficié de la méthode, en majorité en Suède, mais, également, une vingtaine en Angleterre, une douzaine en Espagne et, pour l'instant, quatre sont en tout programmés en France, dont deux finalisés en ce début d'année.

Bien que d'application restreinte, et quelque peu controversé dans son usage, l'implant métallique ostéo-intégré d'appareillage des moignons d'amputation est sans doute une voie de recherche thérapeutique non dénuée d'intérêt, mais qui réclame encore un certain temps de mise au point, pour un usage large, fiable et reproductible dans la durée.

Les critères de sélection des patients

Pour bénéficier d'un implant métallique ostéo-intégré d'appareillage des moignons d'amputation, les patients doivent répondre à certains critères :
- il doit en principe, mais non obligatoirement, s'agir d'amputés unilatéraux ;
- le segment squelettique résiduel récepteur ne doit être ni ostéopénique, ni atteint d'une anomalie congénitale ou de toute autre condition susceptible de compromettre la qualité de l'ancrage initial de l'implant métallique ;
- le terrain du sujet candidat doit être très favorable, amenant à exclure les sujets diabétiques, ceux porteurs d'une vasculopathie des membres inférieurs ou les sujets tabagiques chroniques, c'est-à-dire, en général, tous ceux chez lesquels les conditions de cicatrisation se révéleront sub-optimales ;
- le degré de coopération des patients, enfin, est également à prendre en compte. Il doit accepter un projet chirurgical incluant une première intervention (mise en place de l'implant de titane endo-canalaire accompagné d'une greffe osseuse), puis une deuxième intervention six mois plus tard (mise en place de la pièce intermédiaire traversant le revêtement cutané, accompagnée d'une plastie du moignon). Tout ce programme implique l'usage d'une prothèse d'attente, avant l'intervention finale, puis de prévoir une rééducation prolongée postimplantatoire afin d'apprendre à l'amputé à protéger sa zone d'amarrage lors de la mise en charge et de la déambulation.

> Pr CHARLES MSIKA

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8286