Axel Kahn se dit convaincu des avantages éthiques de l'activation ovocytaire comparé au clonage thérapeutique : « Avec la parthénogenèse, finie la crainte d'une dérive vers le clonage reproductif. En plus, c'est une technique beaucoup plus efficace et rentable que le clonage. Du coup, le risque de trafic d'ovules tombe aux oubliettes. »
Mais l'argument choc avancé par le généticien est le suivant : « Ce que l'on qualifie d'embryon parthénogénétique, en réalité, n'est pas un embryon. » La raison en est simple : les blastocystes obtenus ne contiennent que du génome maternel. L'absence d'empreinte paternelle de l'ADN entraîne « systématiquement » des troubles du développement : le placenta est rabougri, certains tissus embryonnaires sont anormaux. « Il est intéressant de voir, note le généticien, que l'équivalent masculin de ces embryons existe, on les dit androgéniques (ils sont obtenus à partir de certains tératocarcinomes). De la même façon, leur développement est anormal, et s'interrompt prématurément. » En conséquence, « aucune naissance chez les mammifères n'est envisageable par cette voie de recherche, affirme Axel Kahn. Or, pour pouvoir être considéré comme un vrai embryon, l'amas de cellules issues d'une parthénogenèse devrait coller avec la définition fournie par le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) en 1986, qui considère l'embryon humain comme une personne humaine potentielle. Un ovule activé n'en est donc pas un ».
C'est à partir de cette même définition que le président du CCNE, Didier Sicard opte pour une conclusion opposée. « Certes l'état actuel de la science ne permet pas d'aboutir à un bébé viable à partir d'une parthénogenèse. Mais on ne peut présager des progrès à venir. Je ne vois donc pas pourquoi on se refuse à considérer les blastocystes d'ACT (Advanced Cell Technology) comme des embryons humains. Pour moi, ce sont de vrais humains potentiels. » Avec un tel point de vue, la dérive reproductive ne peut être définitivement écartée. C'est en partie cette perspective qui fait tenir à Didier Sicard un discours virulent sur la parthénogenèse. « Persister dans cette voie de recherche n'a pas de sens. En court-circuitant le hasard de la rencontre entre deux gamètes, l'humanité recule de façon dramatique. Il faut cesser de croire aveuglément que la recherche du but thérapeutique autorise le gommage de tous les risques propres aux nouvelles technologie. Je trouve malsain le fait de vouloir à tout prix réparer du vieux avec de l'embryon. » Le message est clair, Didier Sicard est hostile à la parthénogenèse.
Autre détail intéressant : le fait qu'ACT fasse son annonce à ce moment précis aux Etats-Unis n'est pas innocent, pour Axel Kahn. « Dans un mois, le Sénat se prononcera sur une loi qui vise à interdire toute forme de clonage. Parallèlement, les laboratoires publics ne sont pas autorisés à détruire des embryons, et donc à travailler sur les cellules souches embryonnaires, jusqu'à nouvel ordre. Du coup, la parthénogenèse pourrait constituer une nouvelle piste alléchante de recherche en thérapie cellulaire. » Dans un tel contexte législatif et politique, le généticien est convaincu que l'article d'ACT n'est en fait qu'un nouveau coup de pub.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature