DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL
HOSPITALITÉ Notre-Dame-de-Lourdes ; bureau médical ; poste de secours. En accédant par la porte Saint-Michel à la grande esplanade des sanctuaires, pavoisée d'oriflammes jaunes et blancs (les couleurs du Vatican) et hérissée d'échafaudages pour installer les caméras et les 1 200 journalistes accrédités, la toponymie, déjà, est explicite. En ces lieux voués à la guérison, les médecins sont traditionnellement présents et veillent sur la santé des pèlerins, installés dans le long bâtiment néogothique qui borde, à droite, l'allée centrale des sanctuaires. Afortiori en cette année dite du jubilé (150 ans des apparitions), avec 8 millions de visiteurs, contre 6 pour un millésime standard. Et ce week-end prolongé, avec l'apothéose annoncée, la venue du pape et des 200 000 pèlerins, l'alerte est générale pour les médecins. État de saint-siège médical, donc.
«Le poste de secours, c'est toujours le coeur de Lourdes», assure même un des médecins bénévoles. Un coeur qui bat au rythme de 10 à 30 patients par jour en période habituelle. Avec deux véhicules électriques, les équipes de l'Hospitalité, alertées par les gardes des sanctuaires, tous formés aux premiers secours, prennent en charge les victimes de malaise ou d'accident. «Soit ils sont orientés vers le CH de Lourdes, par l'intermédiaire du SMUR, soit ils sont traités sur place», précise Agnès Labarthe, l'une des deux infirmières permanentes, grâce à une salle d'urgence dotée d'oxygène et de DSA (défibrillateur semi-automatique, un cadeau de Jean Paul II lors de son dernier voyage, en août 2004), de deux box, d'une salle de petite chirurgie et d'une salle de repos. «Ce n'est pas ici que vous pourrez tourner un épisode d'“Urgences”, nous n'avons pas de cas dramatiques», note le Dr Maurice Combes, un des nombreux généralistes qui se relayent toute l'année dans cette unité, bénévole, tout comme les quatre infirmières qui l'assistent.
Deux PMA.
Évidemment, la venue du pape modifie l'ambiance. Au fond du poste de secours, une double porte communique avec la chapelle Saint-Maximilien-Kolbe, qui sera transformée en poste médical avancé. «Nous disposerons de deux PMA, explique Hélène Rouland-Boyer, sous-préfète d'Argelès-Gazost, qui planche sur le dispositif sanitaire de la visite papale depuis avril dernier, à raison de deux réunions mensuelles. Le second sera installé sur la prairie, face à la grotte, là où BenoîtXVI présidera la messe dominicale, avec le maximum d'affluence attendue. Treize postes de secours seront déployés dans les sanctuaires, armés par le SDIS (sapeurs-pompiers), et les associations, chacun avec un médecin, une infirmière et un secouriste. Tous seront reliés à la régulation médicale du SAMU. Dix-sept véhicules de secours et d'assistance aux victimes (VSAV), treize fourgons pompes, dix-huit véhicules de liaison seront prêts à intervenir. Également prévus, deux hélicoptères et des plongeurs avec jet-ski, car nous sommes sur les bords du Gave. En tout, à l'intérieur des seuls sanctuaires, ce sont 263agents qui sont mobilisés, dont 130pompiers.»
Officiera au PMA de la prairie le Dr Pierre Sallerin, PH au département urgences pédiatriques du CH de Tarbes-Bigorre et du SAMU 65 (Hautes-Pyrénées). Nommé directeur médical par le préfet, c'est lui qui va superviser les quatre postes de réanimation, avec un lot PSM (pharmacie de campagne). Et qui activera, ce qu'à Dieu ne plaise, les plans catastrophe.
Sous sa houlette, se félicite-t-il, le climat entre tous les partenaires engagés est au beau fixe. Entente parfaite, proclame-t-il, entre les blancs (SAMU) et les rouges (SDIS, pompiers). Et entre les professionnels et les bénévoles.
Ces derniers ont été recrutés par l'intermédiaire du bureau médical et de l'Association médicale internationale de Lourdes. C'est une réanimatrice du CH de Rodez, le Dr Monique Bouge, qui a été chargée par l'évêque de Tarbes et Lourdes, Mgr Jacques Perrier, d'encadrer la manoeuvre. Depuis un an, elle y a sacrifié RTT, congés et compte épargne-temps, assurant la préparation de 46 praticiens, tous en activité, des généralistes, anesthésistes, urgentistes, neurologues, cardiologues, psychiatres. La plupart sont français, mais on compte dans leurs rangs quelques Italiens (omniprésents dans la cité mariale, avec un quart des pèlerins) et des Canadiens. «Servir et accompagner nos frères malades, c'est notre mission», commente-t-elle, réjouie, fidèle à l'esprit de l'Hospitalité Notre-Dame-de-Lourdes. Une association créée en 1885 et que préside Antoine Tierny, fier de ses 20 000 membres, venus d'une soixantaine de pays (dont la Chine et l'Australie) et qui, chaque année, passent de huit à quinze jours aux sanctuaires pour prendre en charge les pèlerins handicapés et invalides, les cornaquant à bord de fauteuils dernier cri ou de petites voitures tricycles peintes en bleu. «Le vrai miracle de Lourdes, estime le Dr Philippo Boscia, un cardiologue de Bari (Italie), qui vient depuis vingt ans, c'est le fonctionnement impeccable de cette énorme machine des bénévoles, qui partagent un même sens de la solidarité, du respect de l'autre et de l'autre qui souffre.»
Des humanitaires ?
«Sans occulter le côté religieux de notre démarche, nous pratiquons tous en effet ici une médecine humanitaire, assure le Dr Combes, plus à notre portée dans le Sud-Ouest que les missions des french doctors du fin fond de l'Afrique ou de l'Asie.»
À la manoeuvre, c'est donc le Dr Sallerin qui va diriger ces troupes hétéroclites répandues sur les verts pâturages des bords du Gave. De même qu'il supervisera les troupes présentes en ville. «C'est la différence principale avec l'organisation de 2004 [pour la venue de Jean Paul II , NDLR], souligne-t-il, le pape va circuler pour effectuer le chemin du jubilé et nous devons réagir aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur des sanctuaires.» D'où les 123 agents qui vont prêter main forte aux six postes de secours créés dans la ville, également relayés au SAMU et au SDIS. Et, bien sûr, les libéraux sont appelés à la rescousse, installés cette fois dans une maison médicale de garde, au CH, pour éviter de rééditer les erreurs de 2004 (lire ci-dessous) : la ville avait été bouclée. Et les médecins, même munis de laissez-passer, empêchés de circuler.
Pour le dispositif hospitalier, tous les établissements du département ont été mis en préalerte et les équipes du CH ont été renforcées, précise encore Hélène Rouland-Boyer (lire ci-dessous). L'ensemble des hôpitaux du Sud-Ouest, jusqu'à Toulouse, seront informés. Les données d'activités et les informations épidémiologiques circuleront vite : collectées toutes les heures en provenance des PS et des PMA, elles seront recueillies toutes les 4 heures dans l'ensemble des établissements et analysées en temps réel par la DDASS et le SAMU. Les données environnementales (eau potable, légionnelles, déchets, air, alimentation) seront soumises au même régime.
Fort de toutes ces mesures, les oracles ont le choix entre deux types de pronostics. Celui d'un médecin habitué de longue date des sanctuaires : «Il n'y a jamais eu de gros pépin à Lourdes. Mais le jour où ça pétera, la configuration du site nous expose forcément au pire.» Et celui d'une infirmière non moins familière des lieux : «Les médecins les plus sceptiques qui travaillent au SMUR et au SAMU le reconnaissent: il règne ici une atmosphère de compréhension et de solidarité qui prévient toutes les catastrophes.» Le vrai miracle, en somme, comme disait le Dr Boscia…
Un programme très dense
Accueilli ce matin à Orly par Nicolas Sarkozy pour son premier séjour en France en tant que pape, Benoît XVI multipliera les interventions publiques pendant quatre jours, à Paris, puis à Lourdes. Il doit prononcer onze discours et homélies, qu'il adressera tour à tour aux responsables politiques, aux représentants du monde de la culture, au clergé et aux fidèles. Après une visite à l'Institut de France, puis une messe célébrée sur l'esplanade des Invalides, il atterrira demain après-midi à Lourdes, où il effectuera le chemin du jubilé pour marquer les 150 ans des apparitions. Dimanche, il présidera l'eucharistie dominicale sur la prairie, face à la grotte. Lundi matin, le pape visitera l'oratoire de l'hôpital de Lourdes, avant de prononcer une homélie en la basilique Notre-Dame-du-Rosaire, en évoquant notamment les questions d'éthique médicale.
Le précédent Jean-Paul II
Pour la venue du pape Jean-Paul II, les 14 et 15 août 2004, 250 000 pèlerins avaient été accueillis sur la prairie des sanctuaires. Deux cent vingt interventions médicales avaient été comptabilisées, dont l'une avait nécessité une évacuation sanitaire par hélicoptère.
Pour organiser la sécurité sanitaire autour du voyage de Benoît XVI, les autorités se sont appuyées sur les enseignements de 2004, en retenant l'hypothèse d'une foule de 200 000 pèlerins présents pour la messe dominicale. Un chiffre revu à la baisse au début de la semaine : la préfecture des Hautes-Pyrénées table à présent sur un maximum de 120 000 personnes pour le grand rassemblement de dimanche sur la praire. Le dispositif de sécurité devrait donc être surdimensionné par rapport aux besoins réels de prise en charge.
Mais il ne sera pas revu à la baisse. Comme en 2004, deux rampes de lance-missile sol-air Crotale seront installées à Julos et Bartrès, deux communes qui surplombent Lourdes, avec trois radars de surveillance, tandis que des chasseurs Mirage seront prêts à décoller de la base aérienne de Mont-de-Marsan en cas de besoin.
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