« Bashing », de Masahiro Kobayashi

Une société sans pitié

Publié le 13/06/2006
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LORSQUE LES JAPONAIS pris en otage en Irak sont rentrés dans leur pays, en avril 2004, ils n’y ont pas été accueillis en héros mais en coupables, pour avoir mis le gouvernement en difficulté. L’une d’entre eux, bénévole d’une association humanitaire, a été totalement rejetée par la société. C’est ce qui fournit à Kobayashi la trame de son récit du terrible harcèlement dont est victime Yuko. «Le Japon est une “société village”, explique le réalisateur. Si l’un de ces villageois sort du rang, il sera victime d’un rejet de masse.» Mais le mot Irak n’est jamais prononcé et tous les détails du scénario relèvent de la fiction pure.

C’est donc bien le portrait de la société japonaise, fermée, rejetante, qu’il brosse. Un portrait bien noir. La pauvre Yuko (Fusako Urabe), six mois après son retour, est sans cesse insultée et même agressée dans la rue. Elle perd son emploi de femme de chambre et son père va bientôt subir le même sort.

Le réalisateur se concentre sur la frêle jeune fille, et son noyau familial, dans un quartier pauvre d’une grande ville. On la plaint beaucoup, Yuko, mais la mise en scène sans effets, voire minimaliste, de Kobayashi, introduit une certaine distance. Peut-être pour mieux suggérer le total isolement de la jeune fille.

Il s’agit de savoir, aussi, pourquoi Yuko a voulu partir. Justement, on le comprendra peu à peu, parce qu’elle n’avait pas réussi à trouver sa place dans cette société qui ne veut voir qu’une seule tête. «Au Japon, dit encore le metteur en scène, le harcèlement ne s’applique pas seulement aux otages, mais à toutes sortes de minorités. Et ces minorités n’ont d’autre choix que de supporter ce mépris et cette violence.»«Au Japon mais pas seulement», souligne Kobayashi, qui estime que son film «a une portée universelle». On voudrait ne pas le croire.

> R. C.

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7978