DOMINIQUE DE VILLEPIN n’aura fait que gagner du temps avec le long week-end du 8 mai. Ses explications, lors de sa conférence de presse de jeudi dernier, n’étaient pas convaincantes. Il s’est contredit et il n’a pas expliqué la discordance entre les minutes de l’instruction telles qu’elles ont été publiées par « le Monde » de mercredi dernier et ses propres déclarations.
Le coup de théâtre provoqué par Michèle Alliot-Marie, qui a annoncé jeudi qu’elle aussi était visée par la calomnie, tout comme M. Sarkozy, et qu’elle n’en a pas été informée alors que Philippe Rondot, patron des renseignements, était son subalterne, accroît la consternation générale.
Il y a, en France, deux histoires : l’histoire officielle dont rendent compte les médias tous les jours ; et l’histoire secrète, celle des coups fourrés, des manipulations et des traîtrises.
Machination.
On peut toujours se dire que les complots des officines ne vont pas loin et qu’ils ne peuvent rien, par exemple, contre la popularité inattendue, mais écrasante, de Ségolène Royal. Mais ce n’est pas sûr. Après tout, dans la nébuleuse chiraquienne, ce genre d’affaires n’est pas inédit. Tout le monde sait comment Chirac a trahi Chaban pour assurer la victoire de Giscard ; puis comment il a contribué à celle de Mitterrand en abandonnant Giscard ; tout le monde sait que le ressentiment entre Chirac et Balladur fut aussi vif que l’antipathie que nourrisent l’un pour l’autre aujourd’hui Chirac et Sarkozy.
Dès lors, comment ne pas croire aujourd’hui que cette infâme machination destinée à compromettre des hommes et des femmes politiques en les accusant d’avoir des comptes à l’étranger a été soit imaginée au plus haut niveau, ce que l’on refuse d’envisager pour le moment, soit une occasion pour Villepin de se débarrasser d’un ou deux concurrents potentiels ?
Il est vrai que nous avions vécu les affaires de jadis, ou des scandales avérés de naguère, comme l’affaire des écoutes de l’Elysée, avec une relative sérénité et, au fond de nous-mêmes n’avons-nous pas pardonné à ceux qui avaient commis leurs mauvaises actions ? En dehors de ses victimes, encore scandalisées aujourd’hui et à juste titre, l’opinion n’en a pas trop voulu à Mitterrand d’avoir protégé le secret de la fille qu’il avait conçue hors des liens du mariage. Il est vrai qu’il est mort avant que n’eût lieu le procès des écoutes, ce qui arrangeait tout le monde. La France ne tenait pas à s’acharner sur la dépouille du cher disparu.
Oui, mais quelles moeurs ! Et de quel mauvais matériau la politique d’aujourd’hui est encore faite ! Et comme ils nous la baillent belle, ceux qui se destinent très patriotiquement au « service de leur pays » mais passent leur temps, non pas à gouverner, mais à faire des crocs-en-jambe à leurs rivaux, à l’intérieur même de leur camp !
Qu’est-ce qu’ils nous font ?
Certes, dès lors que le présent reproduit le passé et que nous redécouvrons aujourd’hui les errements, les fautes, les délits d’hier, ne sommes-nous pas déjà blindés contre des comportements qui ont à peine changé depuis les Borgia ? Ne sommes-nous pas blasés, contaminés par le cynisme de nos gouvernants, et ne renvoyons-nous pas dos à dos la droite et la gauche qui ont beaucoup à se faire pardonner ? Notre crainte, en vérité, c’est que le désordre s’installe dans les esprits, que les électeurs ne voient plus rien de bon à la politique, qu’ils s’en aillent vers les extrêmes où resplendissent l’ascèse, comme à l’extrême gauche, et la vertu, comme à l’extrême droite. Qu’est-ce qu’ils nous font ces Chirac, ces Villepin, et d’autres quand, non contents d’avoir si peu convaincu les Français que ceux-ci se sont détournés de l’Europe, ils tentent de truquer le parcours qui conduit aux élections en tendant des pièges à leurs adversaires ? Non seulement ils ne sont pas très honnêtes, mais ils se font prendre la main dans le sac, comme des bleus.
UNE CRISE DEJA DRAMATIQUE QUE LES ECHEANCES ELECTORALES AGGRAVENT
Deux éléments contingents aggravent une crise déjà dramatique par ce qu’elle révèle de la réalité du pouvoir : l’affaire Clearstream succède à une série accablante de revers politiques de la majorité, depuis la déroute des élections régionales à l’échec du CPE, en passant par le « non » au référendum ; et elle se produit à onze mois des élections présidentielle et législatives. Le président peut toujours changer de Premier ministre, mais peut-il en consommer deux en un an ? Il peut aussi dissoudre l’Assemblée, mais il avancerait simplement la défaite annoncée de 2007 ou favoriserait celui à qui il voulait barrer la route, M. Sarkozy. Il peut enfin mettre un terme à son mandat, ce qui, franchement, le grandirait, mais prendrait de court un pays dont on ne dira pas qu’il jouit d’une grande stabilité.
La colère de l’électorat sera cette fois violente : on écrit des scénarios, un 21 avril bis, un 21 avril inversé (qui laisserait Le Pen face au candidat de la gauche, avec une oblitération de la droite classique), un vote massif pour l’extrême gauche. Toutes ces hypothèses sont effrayantes. Mais si l’une d’elles se confirme, les vaincus ne l’auront pas volé.
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