UNE ETUDE a été menée par TNS Healthcare afin de mieux connaître la manière dont la dépression est prise en charge en médecine de ville. Un de ses objectifs était de vérifier si, comme il est classique de l'entendre, la dépression est insuffisamment diagnostiquée et traitée, les antidépresseurs mal utilisés, trop prescrits et pas toujours à bon escient, et si les médecins eux-mêmes sont mal à l'aise dans la gestion du risque suicidaire et la prise en charge des patients déprimés.
Pour évaluer la qualité de la consultation, un questionnaire était remis en fin de consultation au médecin et au patient. On demandait au médecin s'il s'était senti à l'aise, s'il avait rencontré des difficultés, son sentiment de satisfaction, avec des questions en miroir chez le patient visant à explorer les mêmes problématiques. Menée pendant deux semaines en octobre 2006, l'étude a été effectuée auprès de 110 médecins et 598 patients, répartis de façon homogène sur le territoire national. Ces patients devaient être adultes, avoir une dépression caractérisée répondant aux critères du Dsm-IV, qu'il s'agisse d'un premier épisode ou d'une récidive. Il s'agissait des deux ou trois premières consultations pour ce motif.
Les résultats permettent de constater que la première consultation est un peu plus longue que les consultations habituelles en médecine générale, avec surtout une écoute plus attentive, que praticiens et patients jugent bien adaptée. Le diagnostic n'est pas toujours aisé à annoncer, mais les difficultés ne sont pas aussi grandes que ce que l'on pourrait croire. Dans la plupart des cas, il est annoncé au plus tard à la deuxième consultation (1,8 en moyenne) ; lorsque l'annonce est jugée difficile, elle est repoussée à la deuxième consultation, ce qui a été le cas chez 15 % des patients. Le patient n'est pas toujours prêt à accepter le diagnostic. «On se heurte souvent à une dénégation de la dépression qui n'est pas toujours facile à vaincre, avec encore plus de difficultés à convaincre qu'il s'agit d'une véritable maladie, souligne le Dr Marc Vidal, et près d'un tiers des patients ont éprouvé des difficultés à accepter le diagnostic.»
Axer la formation sur les cas difficiles.
Contrairement aux craintes exprimées, dans la très grande majorité des cas, la dépression est bien prise en charge : les médecins connaissent bien les outils d'évaluation et les échelles de la dépression, même s'ils ne les utilisent pas au quotidien. Le diagnostic est plus difficile dans les dépressions masquées ou lorsque la plainte somatique est prédominante, mais quelques examens de débrouillage éliminant les autres diagnostics suffisent généralement à confirmer la dépression. La prescription des antidépresseurs, la posologie et la durée du traitement ne posent pas de problèmes majeurs non plus et sont conformes aux recommandations de bonne pratique et à l'Evidence-Based Medicine. Les patients sont adressés pour un avis spécialisé devant des dépressions difficiles ou masquées, et lorsqu'une psychothérapie est jugée nécessaire (24 % des patients ont un suivi psychothérapeutique en dehors du soutien apporté par le médecin traitant), ils consultent d'abord un psychiatre, parfois un psychologue, éventuellement un psychothérapeute.
Pour le Dr Vidal, «il est surtout intéressant de noter que les problèmes ne se posent pas là où on les attendait, en tout cas pas au niveau du diagnostic, de la thérapeutique ou du risque suicidaire, qui est correctement géré. C'est surtout dans le cadre de la relation avec le patient et de la manière de lui apporter son soutien que les médecins généralistes se sentent le moins à l'aise et souhaiteraient plus de formation. Or le soutien psychologique apporté par le médecin est une composante de la psychothérapie et c'est dans ce domaine que des enseignements devraient être mis en place».
Quatre profils de couples médecin-malade.
Un autre versant de l'étude avait pour objectif de déterminer le type de relations que le médecin met en place avec ses patients déprimés, sachant qu'elles peuvent varier selon les individus auxquels il s'adresse. Quatre formes d'alliances thérapeutiques ont été ainsi décrites :
– l'alliance clinique, une situation où le diagnostic et le traitement sont acceptés sans grande difficulté, la dépression est considérée comme une maladie comme une autre que le généraliste va traiter sans obstacle particulier, dans une relation clinique où l'affect intervient peu, mais qui satisfait le patient et son médecin ;
– l'alliance fusionnelle, diagnostic et traitement sont aussi très bien acceptés, avec des relations teintées d'un peu plus d'affectivité et de chaleur, qui font que les deux partenaires se sentent en confiance ;
– l'alliance de raison, le patient montre quelques réticences et ne fait pas confiance d'emblée, mais, malgré quelques difficultés, le médecin parvient à fournir les explications demandées et finit par mettre en place une relation thérapeutique efficace ;
– enfin, l'alliance difficile au cours de laquelle la relation est mise en échec, le médecin n'est pas satisfait et le patient non plus. L'instauration d'une relation thérapeutique favorable n'est pas toujours possible.
«On a retrouvé déjà ce type de relations dans d'autres études, commente le Dr Marc Vidal, avec les deux premières alliances qui sont relativement faciles et satisfont le patient et son médecin, la troisième qui demande un certain travail mais qui finit par se résoudre favorablement, et la quatrième où les difficultés persistent. C'est dans ces cas particulièrement délicats, mal vécus par les patients et les médecins, que les généralistes expriment le souhait d'être formés.»
D'après un entretien avec le Dr Marc Vidal, médecin généraliste (Castres), professeur associé de médecine générale à la faculté de Toulouse.
* Jeudi 15 mars 2007, session d'actualité médicale en psychiatrie : « Alter ego : optimisation de la prise en charge des patients déprimés lors des visites initiales », parrainée par les Laboratoires Lundbeck Pour s'inscrire : www.lemedec.com ou secretariat@lemedec.com.
Renseignements : 02.38.90.80.06.
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