QUELLES STRATÉGIES articulatoires, vocales ou posturales un chanteur adopte-t-il pour émettre le son le plus juste possible ? Que se passe-t-il au niveau de l'onde sonore émise ? Comment le spectateur le perçoit-il ? Depuis 2002, la science de la voix chantée a un nom, l'odologie. Nicole Scotto Di Carlo, directrice de recherche au CNRS (laboratoire Parole et Langage, université de Provence, Aix-en-Provence), créatrice de la discipline, a construit le terme à partir du grec odê (chant) et logos (science), puis proposé au Conseil international de la langue française. Depuis, l'odologie a fait son entrée dans le dictionnaire. Une science du chant au carrefour de l'anatomo-physiologie, de la psycho-physiologie, de la biomécanique, de l'acoustique, de la linguistique, de l'éthologie, de la musicologie, qui permet de découvrir les mystères des voix des plus grandes divas. C'est ainsi que à partir du tableau clinique établi gâce à des documents d'archives, la chercheuse d'Aix-en-Provence a pu montrer que les problèmes vocaux qui ont contraint Maria Callas à interrompre prématurément sa carrière n'étaient pas la conséquence d'un amaigrissement trop important comme on a pu le dire mais relevaient d'un dysfonctionnement de son diaphragme. «En réalité, l'appareil vocal de la cantatrice était en parfait état, comme le lui ont confirmé les médecins qu'elle a consultés, mais elle n'avait plus la force d'alimenter sa soufflerie», explique Nicole Scotto Di Carlo dans un article publié dans « Pour la science ».
Selon la chercheuse, ses problèmes, qui, avant sa période de déclin (1966-1974), fluctuaient en fonction de son état affectif et de ses angoisses (le diaphragme est fortement lié aux émotions), se seraient ensuite aggravés du fait des effets des psychotropes que la chanteuse avait commencé à prendre à plus forte dose après sa rupture avec Onassis. Les documents filmés à l'époque sont révélateurs : ils montrent «qu'elle cherchait à compenser, par une posture lui permettant d'utiliser ses muscles respiratoires accessoires, un défaut du soutien du souffle consécutif à une perte de tonus du diaphragme et du muscle transverse».
Émotionnellement fragile.
L'interaction du diaphragme et du muscle transversal permet une régulation fine de la pression intrathoracique, mais «lorsque l'un de ces muscles est déficient, la tenue du souffle du chanteur ainsi que l'intensité, la justesse et la stabilité de sa voix se trouvent sérieusement compromises», souligne l'odologue. Chanteuse hypersensible, émotionnellement fragile, la Callas a eu tout au long de sa vie des périodes de méforme vocale. Mais elle était passée maître dans l'art de transmettre ses émotions en maîtrisant l'art des mimiques. «Avant de chanter une phrase, on doit préparer son visage. On se concentre, on prépare son visage et après, seulement, on chante», conseillait d'ailleurs Maria Callas aux jeunes chanteurs. Là aussi, l'odologie permet de montrer que l'art de la mimique qu'utilisent aussi les imitateurs est essentiel à l'art lyrique. «Lorsque l'on ressent une émotion, la mimique qui l'accompagne modifie la forme et le volume de la cavité buccale et tout ce que l'on va dire ou chanter sera coloré par cette émotion», souligne Nicole Scotto Di Carlo (« l'Orthophoniste », avril 2008). C'est le même effet qui permet de deviner au téléphone l'état d'esprit d'un interlocuteur. La mimique affecte la configuration du résonateur buccal dont les caractéristiques acoustiques vont être modifiées et vont fournir les indices auditifs qui pourront être décodés par l'auditoire. Maria Callas en faisait une utilisation virtuose, ce qui lui permettait «d'exploiter toutes les nuances de sa palette vocale pour caractériser les personnages qu'elle incarnait, créant une voix différente pour chacun de leurs sentiments et de leurs émotions en fonction de leur psychologie, mais également de l'évolution de leur état d'esprit au cours du déroulement de l'action».
Des conclusions étonnantes.
L'analyse a posteriori de la voix de Maria Callas en dit long sur la voix chantée et la psychologie du chanteur. Mais Nicole Scotto Di Carlo travaille surtout sur le vivant. Elle accueille dans son laboratoire des chanteurs et des chanteuses à qui elle fait subir toute sorte d'épreuves, palatographie, télexéradiographie, endoscopie. Pendant une vingtaine d'années, elle a ainsi observé Mady Mesplé, et les plus jeunes sollicitent son avis. Ses recherches aboutissent parfois à des conclusions étonnantes. Un chanteur wagnérien développe par exemple des intensités de l'ordre de 120, voire de 130 dB à 1 m, ce qui correspond à l'intensité sonore d'un réacteur d'avion au décollage. Une étude radiologique systématique du rachis cervical des chanteurs d'opéra lui a permis de montrer que, au cours du chant, le rachis cervical pouvait subir des déplacements antéro-postérieurs très importants (de 6 à 7 cm au niveau de la septième vertèbre) et qu'après plusieurs années de pratique intensive des déformations fonctionnelles du squelette finissent par apparaître (réduction de la lordose cervicale). La moindre lésion du rachis cervical susceptible de réduire sa mobilité (torticolis, par exemple) a une incidence sur l'émission vocale. L'odologie permet non seulement le comprendre certains caprices des divas, mais ses domaines d'application peuvent concerner les phoniatres, les orthophonistes ou autres spécialistes de la voix, en particulier pour la rééducation de certains patients.
Dans les hôpitaux
Brassage des styles, des époques, des publics, la fête de la Musique anime aussi les hôpitaux.
À Paris, par exemple, l'hôpital Sainte-Anne propose chansons, jazz, rock et flamenco, Broca a choisi le classique, Broussais la musique malgache, et Saint-Louis les musiques du monde, tandis que l'institut Curie fait place à la chanson. Grâce à l'association Music'ament, qui organise régulièrement des concerts pour les enfants et les adolescents hospitalisés, le service psychiatrique de la Pitié-Salpêtrière reçoit la visite de MC Solaar et Necker accueille des musiciens de l'Orchestre philharmonique de Radio France.
À Clichy, Beaujon reçoit la visite d'ensembles de clarinettes et de flûtes traversières et, à Saint-Maurice, l'orchestre de jazz La Marsangue anime l'hôpital Esquirol.
Les régions ne sont pas en reste. L'hôpital de jour de la MGEN présente la création de son atelier musical à la chapelle de Mussonville. Les CH d'Orléans et de Blois sont investis par le festival d'Artures, avec une programmation éclectique. À Poitiers, le clown-musicien Albert Knüt et une chorale pour enfants visitent les services pédiatriques. À Besançon, à l'hôpital Saint-Jacques, des chansons du folklore étranger et des variétés françaises sont au programme.
Et ce ne sont que quelques exemples. Le programme complet est sur :
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