NOUS IMMERGER pendant six cents pages dans la fange des basses œuvres du grand capitalisme était une gageure, et l'on s'essouffle à le suivre sur la longueur. Alors qu'on sent qu'il aurait pu poursuivre encore sa diatribe, libérant dans ce premier roman des mots peut-être trop longtemps contenus.
De l'auteur, on sait par la rumeur - outre que Stéphane Osmont n'est pas son véritable nom - qu'il est âgé de 43 ans, qu'il est énarque, qu'il a travaillé au ministère des Finances avant d'intégrer le privé, notamment chez Havas où il fut directeur des investissements. Il connaît donc de l'intérieur l'univers impitoyable qu'il décrit à travers l'irrésistible ascension d'un roi du capitalisme actuel, son règne tout-puissant et mégalo et sa chute programmée ; le tout aura duré cinq ans.
Jeune loup surdoué, major de l'ENA, Marc Tourneuillerie a 41 ans lorsque, inspecteur des finances, il est promu à la tête du Crédit Général. Allant au-delà des vœux des actionnaires qui veulent toujours plus d'argent, il instaure la terreur dans l'entreprise, favorisant la délation, noyautant les syndicats, incitant même, dans un gigantesque opéra-bouffe au Stade de France, sous le regard béat des médias, les cent mille salariés à précipiter leur licenciement. Non sans s'être assuré au préalable de toucher une prime confortable sur chacun desdits licenciements !
Ces pratiques et cette mégalomanie - on le salue comme le « messie du business » - ne vont pas sans réveiller des souvenirs récents et cuisants ! Mais ce n'est pas fini.
Après avoir soumis le monde des affaires, croit-il, il prend en mains sa propre vie et sa libido : tandis que son fils s'abrutit devant les jeux vidéo, il répudie son épouse
- de bonne famille mais trop guindée à son goût -, s'excite sur des sites pornos avant de céder aux charmes agressifs d'une call-girl de luxe.
Qu'est-ce qui va le faire craquer en premier, la bourse ou la fille ? Car bien entendu, plus dure sera la chute, que Stéphane Osmont décrit avec un malin plaisir. Comme pour mettre définitivement un terme à cette entreprise d'envoûtement.
Editions Grasset, 589 p., 21,50 euros
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