LES CHIRURGIENS ont fourni beaucoup des instruments qui remplissent aujourd'hui les cabinets de curiosités médicales. «Ce n'est rien de feuilleter les livres, de gazouiller, de caqueter en chaire de la chirurgie, si la main ne met en usage ce que la raison ordonne», affirmait Ambroise Paré, le premier d'entre eux, qui a su représenter les instruments de son temps et la manière de s'en servir. Beaucoup les font fabriquer artisanalement, qui une pince, qui un écarteur ou une valve dont le nom leur sera à jamais attaché. La médecine n'est pas en reste et la découverte d'un nouvel instrument a souvent ouvert la voie à une discipline médicale nouvelle avec de nouvelles possibilités et de nouveaux concepts. L'histoire des instruments reflète l'état de la pratique à un moment donné. Corvisart et Laennec, en s'appuyant sur la percussion et l'auscultation médiate, inaugure l'ère de la clinique « au chevet des malades ». Le besoin de techniques d'investigation simples susceptibles de guider le diagnostic se fait pressent. Le stéthoscope, le sphygmomanomètre (tensiomètre), la balance, le thermomètre médical ou la montre pour la prise du pouls y aideront.
En neurologie, Babinski dira à propos des réflexes ostéo-tendineux et de l'instrument qui porte son nom : «La main, munie du marteau percuteur, interroge le système nerveux qui, par l'intermédiaire de ces réflexes, répond avec netteté aux questions posées. Précieuses sont les révélations que l'on obtient ainsi de lui: il fait part de dégâts que sa texture a subis, désigne les départements où ils se sont produits; parfois même, comme un géomètre, il en précise le siège et l'étendue et met en garde contre les dangers graves qui le menacent. Un pareil entretien, d'où le mensonge et l'erreur sont exclus, pour qui connaît ce langage, peut en quelques instants dévoiler des secrets qu'il eût été impossible de surprendre autrement.» La cardiologie bénéficiera de l'apport de l'ECG avec un premier tracé enregistré par Waller en 1887. L'abaisse-langue aide à voir le fond de la gorge tandis qu'un « glottiscope » formé de deux spatules combinées à un miroir solaire est inventé en 1829 par un jeune étudiant, Benjamin-Guy Babington. Mais c'est Emile Moure qui rapportera de Vienne (1889) le miroir de Clar qui deviendra un emblème de l'oto-rhino-laryngologie alors naissante.
Mouvement de fond.
Mais déjà un mouvement de fond se dessine. Les premiers laboratoires d'analyses médicales commencent à intégrer l'hôpital sous l'impulsion de Widal : ils peuvent quantifier l'urée (1828), la glycémie, la glycosurie (1848), l'albuminurie (1874). La radiologie (rayons X découverts en 1895) est rapidement utilisée pour dépister la tuberculose, et l'endoscopie, permettant l'exploration interne des organes et des conduits creux, bénéficie, grâce à Max Nitze, de l'introduction d'un circuit de refroidissement à eau dans les instruments.
La médecine devient plus technique et la vague se poursuit. Les instruments se perfectionnent, sont de plus en plus précis, sortent du champ purement diagnostique pour permettre certains gestes thérapeutiques fins et ciblés. Miniaturisés et automatisés, voir même capables de télétransmettre, ils autorisent des actes plus complexes (spiromètre, oxymètre de pouls, tensiomètre, ECG...). Avec les tests rapides, le laboratoire est entré au cabinet et parfois chez le malade. Plus experte, la médecine évolue vers une médecine de proximité qui regarde vers la prévention. La saga des objets médicaux n'a pas fini de l'ébranler.
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