« Si l'arrivée du scanner a été une révolution en neurologie, on peut aussi affirmer qu'il existe dans notre spécialité un avant et un après IRM », analyse pour « le Quotidien », le Pr Jacques Touchon, chef de service de neurologie à l'hôpital Lapeyronie de Montpellier. C'est en effet avec l'arrivée de l'IRM que les parties molles du système nerveux central ont pu être visualisées avec une bonne résolution sans artefacts liés à l'os. Deux régions cérébrales ont pu ainsi être analysées avec précision, ce qui était impossible jusqu'alors : la fosse postérieure et le tronc cérébral. Mais l'une des avancées fondamentales qu'a aussi permise le développement de l'IRM est venue des techniques dites fonctionnelles apparues dans les années 1990.
« L'IRM fonctionnelle a été décrite pour la première fois par un chercheur japonais, le Dr Ogawa, qui s'aperçut sur un rat décédé en cours d'examen IRM que le niveau de flux sanguin influe sur le signal mesure. C'est de cette façon qu'il a développé une technique d'étude indirecte de l'activité neuronale fondée sur l'analyse des concentrations tissulaires en oxygène (mesure de la désoxyhémoglobine) », explique Jean-Luc Anton, responsable technique du centre d'IRM fonctionnelle de Marseille (partenariat CNRS/INSERM/faculté de médecine). Pour le Pr Francis Brunel, chef de service de neuro-radiologie à l'hôpital Necker - Enfants-Malades, Paris), « les programmes de recherche sur la fonctionnalité en IRMf des différentes zones du cerveau ont permis d'imaginer la mise en place d'une collaboration internationale de cartographie du système nerveux central : The Human Brain Mapping, qui propose la mise en commun des résultats obtenus dans les différents centres. Par ailleurs, un gros travail de caractérisation par IRMf des différentes pathologies pouvant être à l'origine des retards mentaux a récemment pu voir le jour ».
. Sclérose en plaques
Pour le Dr Jean Pelletier, neurologue à l'hôpital de la Timone de Marseille, « la reconnaissance du rôle primordial de l'IRM chez les patients atteints de SEP a été entérinée par l'adoption en 2001 des critères de Mac Donald qui sont fondées à la fois sur la clinique et l'imagerie ». Jusque-là, en effet, un diagnostic de SEP n'était posé que sur l'évolution clinique du patient et le caractère répétitif des épisodes déficitaires restait un élément indispensable. Or, chez certains patients, ce délai pouvait être parfois très long. « Actuellement, il est possible de diagnostiquer une SEP dans les trois à quatre mois suivant la première poussée et mettre en place un traitement préventif par interféron alpha », précise le Dr Pelletier.
En outre, le développement de nouvelles techniques dérivées de l'IRM (spectroscopie, transfert d'aimantation, imagerie de diffusion) pourrait permettre de détecter, avant même l'apparition de signes cliniques, des perturbation précoces du métabolisme et de l'architecture en rapport avec cette pathologie démyélinisante.
Maladies neurodégénératives
Si pour certaines affections telles que la maladie de Parkinson, l'apport de l'IRM a été limité, pour d'autres, telles que les démences vasculaires ou la maladie d'Alzheimer, il s'agit d'un progrès net. « L'IRM a, en effet, permis la mise en évidence de lésions précoces telles que des atrophies hippocampiques dans la maladie d'Alzheimer, ou la visualisation des lésions cérébro-vasculaires des démences vasculaires », analyse pour « le Quotidien », le Pr Thierry Gallarda, psychiatre à l'hôpital Sainte-Anne à Paris. En outre, l'imagerie par résonance magnétique a aussi permis une classification plus précise des démences neurodégénératives. Mais l'un des progrès les plus attendus actuellement tient au développement de l'IRMf dans les pathologies de la cognition.
Epilepsies
Le Pr Michel Baulac explique au « Quotidien » qu' « en matière d'épileptologie l'IRM a apporté deux victoires nettes : d'une part, elle a permis la caractérisation du processus à l'origine de la majorité des épilepsies temporales - la sclérose hippocampique - et, d'autre part, des anomalies du développement du système nerveux central (migration neuronales hétérotopiques, dysgénésies) ont pu être mises en relation avec des épilepsies complexes jusqu'alors non étiquetées. Par ailleurs, l'apport de l'IRM a été fondamental dans le développement de la chirurgie stéréotaxique de l'épilepsie ». A l'avenir, des progrès sont attendus dans la cartographie des zones épileptogènes et des mesures couplées de l'activité EEG et IRMf devraient permettre la localisation précise des foyers épileptogènes.
Neurochirurgie
L'IRM a pris dès son développement une place essentielle en neurochirurgie, explique au « Quotidien » le Pr Christian Sainte-Rose, neurochirurgien à l'hôpital Necker - Enfant-Malades à Paris. Si le scanner avait déjà permis de passer d'une évaluation indirecte de la localisation des lésions du système nerveux central fondée sur l'analyse sémiologique, l'IRM a permis une visualisation directe en trois dimensions de ces affections. L'existence possible de différents plans de coupe du cerveau permet de préciser le diagnostic sans recours à des gestes invasifs, de guider le chirurgien lors de son geste en lui indiquant la voie d'accès la moins traumatique possible et de contrôler, au cours du temps opératoire et en postopératoire, la qualité du geste. Pour le Dr Christoph Segebarth, directeur de l'unité de recherche INSERM/université Joseph-Fourier 594 « neuroimagerie fonctionnelle et métabolique » à Grenoble, « les progrès en imagerie fonctionnelle ont aussi contribué à faciliter la tâche des neurochirurgiens en leur donnant, outre des renseignement morphologiques, une analyse de la structure fonctionnelle du tissu nerveux sur le trajet opératoire. Enfin, on peut imaginer à l'avenir qu'en colligeant les données structurant sur les différents types de tumeur du système nerveux central appréciées en IRMf on puisse obtenir un diagnostic histologique préopératoire sans recours à la biopsie ».
Imagerie anténatale
Depuis 1987, le Pr Charles Raybaud (chef du service de neuroradiologie à l'hôpital de la Timone à Marseille) pratique des IRM dans le cadre du diagnostic anténatal chez des enfants suspects de lésions suspectes du système nerveux central. « Actuellement, cette technique est indiquée en complément de l'échographie lorsque des anomalies sont détectées par cet examen, dans le cadre d'infections materno-foetales (CMV ou toxoplasmose) à examen échographique normal. Elle est enfin pratiquée lors d'une grossesse suivant la naissance d'un enfant atteint d'anomalie cérébrale d'origine possiblement génétique », analyse le Pr Raybaud qui pratique en moyenne huit de ces examens chaque semaine.
La mesure de la vitesse du LCR
Par les techniques d'IRM il est possible d'apprécier la vitesse de déplacement d'un liquide. « L'utilisation de cette technique pour la mesure du flux du LCR a été rapidement imaginée par les neuroradiologues. Elle est actuellement pratiquée dans des situations d'obstacle à l'écoulement du LCR », explique au « Quotidien » le Dr Pierre Brugière, neuroradiologue à l'hôpital Henri-Mondor (Créteil). Chez les sujets atteints d'hydrocéphalies, la vélocimétrie permet de préciser la localisation exacte de l'obstacle en mesurant la vitesse de part et d'autre. Une autre situation privilégiée dans laquelle la vélocimétrie trouve sa place est l'existence d'une sténose de l'aqueduc de Sylvius. Cette pathologie, en effet, peut bénéficier d'un traitement endoscopique (perforation du plancher de V3 vers les citernes de la base). Or la fonctionnalité de ce geste ne peut être appréciée que par la mesure du passage du LCR.
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