« Hamlet (un songe) », d’après Shakespeare

Une rêverie envoûtante

Publié le 02/05/2006
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N’ATTENDEZ PAS Hamlet. N’attendez pas que l’on vous joue la tragédie du Prince de Danemark. Attendez le manifeste d’un homme de théâtre qui, dans la maturité de son art, et dans le droit fil des retrouvailles avec son passé qu’a si bien symbolisé la reprise, vingt-cinq ans après sa création de « La Rose et la Hache », s’interroge sur ce qu’il sait faire.

C’est Georges Lavaudant qui rêve et qui produit, littéralement, du rêve et ce qui pourrait ressembler à un manifeste poétique en même temps qu’un geste d’amitié et d’hommage au talent profond de son ami de toujours, son acteur légendaire, Ariel Garcia-Valdès. Sur le plateau nu du théâtre de l’Odéon entièrement réhabilité, Lavaudant propose une sorte de précipité dramatique à la manière de Carmelo Bene. Dans « La Rose et la Hache », le poète italien reprenait Richard III. Il avait fait subir un traitement drastique à Hamlet avec « Un Hamlet de moins » dont il fit un film... Ici, ce serait plutôt, un acteur qui aurait autrefois joué Hamlet – et c’est le cas d’Ariel Garcia-Valdès qui l’a joué il y a trente ans sous la direction de Daniel Mesguich – et qui se souviendrait de fragments, de questions.

Pas d’autre décor que des images projetées sur un grand écran, un jeu de rideau de tulle, des images étranges, mouvantes, des morceaux, des bribes. Des costumes simples et baroques en même temps de Jean-Pierre Vergier, le scénographe, des lumières magnifiques réglées par Lavaudant lui-même, un travail très sophistiqué sur le son – chaque acteur porte un micro HF et l’on ne pourra donc juger avec ce spectacle de l’acoustique de la salle, l’une des plus fines du théâtre en France avant les travaux et il n’y a aucune raison que cela ait changé... –, tout un ensemble qui porte la griffe Lavaudant.Il est parfois difficile de tout comprendre, dans les bouffées musicales, notamment. C’est très personnel et la rêverie appartient entièrement à Georges Lavaudant et à Ariel Garcia-Valdès. Jean-Claude Gallotta signe les moments de danse avec esprit, fluidité.

C’est très bien joué par Lavaudant qui fait le méchant oncle, Astrid Bas, la jeune Astrid qui joue la maman, Gertrude, Babacar M’baye Fall, Horatio, belle silhouette, le toujours formidable Philippe Morier-Genoud qui est Polonius et le fossoyeur, Joseph Menant qui est Guidenstern et Osric et Pascal Rénéric qui est Rosencrantz et Laërte. Il y a trois Ophélie qui sont musiciennes, petites, fragiles, troublantes, ce sont Anna Chirescu, Estelle Galarme, Axelle Girard.

Et le seul Hamlet. Un acteur qui est clairement trop vieux pour jouer Hamlet. Un acteur immense qui se joue du texte comme de lui-même. Apporte une pureté enfantine au personnage et quelque chose de si douloureux que l’on en suffoque.

Plus que « Hamlet (un songe) », c’est bien la déambulation sensible, sentimentale, mélancolique et ironique de deux amis de tréteaux, des frères indéfectibles, Georges Lavaudant et Ariel Garcia-Valdès.

Odéon-Théâtre de l’Europe, à 20 h du mardi au samedi, en matinée le dimanche à 15 h. Durée : 1 h 20 (01.44.85.40.00). Jusqu’au 27 mai. Le texte de l’adaptation est publié avec un ensemble documentaire par « L’Avant-Scène théâtre » (12 euros).

> ARMELLE HÉLIOT

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7952