LE 13 FÉVRIER dernier, un patient souffrant de rétinopathie pigmentaire, complètement aveugle depuis une dizaine d'années, à l'exception de la vision d'une vague lumière, a été équipé d'un matériel de haute technologie destiné non pas à lui faire recouvrer la vue, mais à lui donner la possibilité de reconnaître des formes et de s'orienter. Bref, à lui rendre une autonomie, ce qui est déjà énorme pour quelqu'un voué à la cécité définitive.
Il est encore trop tôt pour donner des informations précises concernant ce patient actuellement en rééducation à l'Institut de la vision, si ce n'est qu'il va très bien. Mais les résultats obtenus aux Etats-Unis chez des patients équipés du même type de matériel, parmi la dizaine qui ont pu en bénéficier, montrent des personnes capables de désigner une fenêtre, une porte et de retrouver un ustensile sur une table.
Le système est développé par la société américaine Second Sight (Pr Humayun). L'équipe qui réunit le Pr Sahel, le Dr Serge Picaud (neurobiologiste à l'INSERM), le Pr Safran à Genève et son collaborateur le Dr Pelizzone, travaillent depuis des années sur ce thème, raison pour laquelle les américains ont proposé de collaborer. Le système est destiné à des personnes qui ont perdu la vision après l'avoir eu au moins dans l'enfance et qui ont encore des cellules ganglionnaires actives sur la rétine.
Stimuler les neurones encore intacts de la rétine.
Appelé Argus II (développé par la compagnie Second Sight), le système qui équipe le patient français est destiné à stimuler les neurones encore intacts de la rétine (cellules non photoréceptrices) qui se prolongent dans le nerf optique, en envoyant des signaux pour remplacer ceux que les photorécepteurs ne sont plus capables d'envoyer. Une caméra digitale est installée sur des lunettes que porte le patient. Elle capte une image transformée par un vidéoprocesseur en un message électronique qui va être traité par un émetteur inclus aussi dans les lunettes. Ce message est ensuite envoyé par le récepteur à radiofréquence implanté à la surface de l'oeil à des électrodes situées sur une puce placée sur la rétine du patient. Chaque électrode émet une série d'impulsions électriques qui stimulent les cellules nerveuses de la rétine. C'est le message lumineux relayé au cerveau par le nerf optique que va percevoir le patient, sous la forme d'un ensemble de taches claires ou noires, selon la façon dont les électrodes ont été stimulées. Il y a ensuite une période de rééducation du patient qui doit apprendre à interpréter ces images dans différentes situations.
Des implants plus performants en développement.
La prothèse actuelle ne comporte que 60 électrodes, qui ne peuvent prétendre remplacer les quelque 130 millions de photorécepteurs rétiniens. Le système nécessite donc d'être amélioré et d'autres implants plus performants sont en développement. Comme celui sur lequel travaille actuellement l'équipe du Pr Sahel et du Dr Picaud à l'Institut de la vision qui est quelque peu amélioré. Les interfaces de la puce implantée sur la rétine et des électrodes seront dans un matériau à base de diamant, le carbone ayant une meilleure biocompatibilité. Il aura 600 électrodes, conçues en trois dimensions pour une meilleure connexion avec les neurones et pour éviter la gêne due à la réaction microgliale qui se produit lors de la cicatrisation. Cette approche est développée avec la collaboration du Dr Philippe Bergonzo au CEA et de Lionel Roussau à l'ESIEE (Ecole supérieure des ingénieurs en électronique).
Pour l'heure, ces techniques ne s'adressent qu'à des patients qui ont conservé des neurones ganglionnaires. Elles ne peuvent aider les patients qui ont perdu la vue à la suite d'un AVC, d'une rupture du nerf optique ou d'un glaucome terminal. Jusque-là, les implantations ont été réalisées chez des patients qui souffrent d'une rétinite pigmentaire. Les chercheurs prévoient d'aborder par la suite des DMLA, où les patients conservent souvent une vision périphérique, en fonction des résultats optiques qu'ils auront obtenus dans cette première indication.
Si les résultats sont bons avec le système à 600 électrodes, les indications s'élargiront.
L'équipe prépare aussi une deuxième expérience qui va avoir lieu dans le service de la fondation Rothschild, avec une technologie du même ordre développée par une autre compagnie, l'Intelligent Medical Implant (IMI).
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