Une moyenne de deux consultations par an, de rares vaccinations en milieu scolaire, des maladies considérées à tort comme bénignes, des convictions idéologiques … autant de raisons expliquant l’insuffisante couverture vaccinale des adolescents français récemment soulignée, entre autres, par l’InVS (1). La mise au point d’un calendrier vaccinal « spécial ado » et destiné aux médecins (2) est l’occasion de rappeler une situation française guère satisfaisante….et la possibilité de plusieurs solutions de rattrapage.
ROR : 61% de couverture à 15 ans
La vaccination contre la rougeole est recommandée en France depuis 1983. En dépit de la gratuité de la vaccination et des nombreuses campagnes d’incitation, la couverture vaccinale permettant l’élimination de la maladie (95 % pour les deux doses) est loin d’être obtenue. Ainsi, pour le vaccin rougeole/rubéole/oreillons, la couverture vaccinale est de 52 % pour les enfants de 11 ans et 61% pour ceux de 15 ans. Surtout, ces 25 années se sont soldées par la création d’un réservoir de plusieurs centaines de milliers de personnes qui, ayant échappées à la fois à la vaccination et à la maladie, risquent maintenant, à l’âge adulte, non seulement de déclarer la rougeole (à un âge où la probabilité de complications est élevé), mais aussi d’être à l'origine de flambées épidémiques. Pour preuve la très forte résurgence de la rougeole observée en 2008. Alors que cette maladie semblait avoir disparu (une quarantaine de cas déclarés en 2006 et 2007), près de 600 cas ont été notifiés en 2008 ce qui, compte-tenu du non respect de l’obligation à déclarer, présume de la survenue de plusieurs milliers de cas. La situation épidémique, accélérée fin 2008, se poursuit actuellement, affectant toutes les régions. La rougeole n’est plus une maladie du jeune enfant : un tiers des cas déclarés est âgé de plus de 15 ans. Or, la rougeole est plus grave chez l’adolescent et l’adulte, ce que confirment les données épidémiologiques françaises : 19 % des cas déclarés et 54 % des adultes ont été hospitalisés (le plus souvent pour pneumonie). Parmi les cas déclarés dont le statut vaccinal est connu, 88,5 % n’étaient pas vaccinés et 9 % n’avaient reçu qu’une dose. Il y a donc tout lieu de craindre que la situation épidémique actuelle perdure, à l’instar de ce qui se passe dans les pays européens à couverture vaccinale comparable, notamment la Suisse où la rougeole sévit depuis 2006. Outre l’amélioration de la couverture vaccinale des nourrissons à l’âge de 2 ans, l’urgence est de réduire le réservoir des réceptifs par le rattrapage des sujets non vaccinés, avec notamment l’administration, chez les personnes nées entre 1980 et 1991 et n’ayant jamais été vaccinées contre la rougeole, d’une dose de vaccin trivalent.
Coqueluche : 57% à 15 ans
La couverture vaccinale complète pour la coqueluche (cinq injections en tout) n'est que de 57% à 15 ans, ce qui fait courir un risque aux nourrissons de l'entourage et peut mettre en jeu leur pronostic vital. L’objectif là aussi est de « rattraper » les sujets non ou mal vaccinés, en proposant notamment à ceux ayant échappé au rappel des 11-13 ans, l’administration d’un vaccin quadrivalent DTCaPolio à l’âge de 16-18 ans.
Hépatite B : 42% à 15 ans
Même s’il a été réduit par la vaccination, le poids épidémiologique de l’hépatite B reste très important en France métropolitaine. En 2004, 0,65 % des adultes (soit plus de 280 000 personnes) étaient porteurs chroniques de l’antigène HBs ; seul un sur deux se savait séropositif. Pour l’année 2001, 1 327 décès ont été attribués à l’hépatite B (essentiellement par cirrhose hépatique ou cancer primitif du foie), soit un taux de mortalité de 2,2 pour 100 000 personnes. Enfin, en prenant en compte la sous-déclaration et la fréquence des formes asymptomatiques, 2 500 à 3 000 infections dues au virus de l’hépatite B (symptomatiques ou non) surviendraient chaque année, dont 7 % entre 11 et 15 ans. L’InVS estime que, chez les enfants vaccinés entre 1994 et 2007, environ 20 000 nouvelles infections, 8 000 hépatites aiguës, 800 infections chroniques et 40 hépatites fulminantes ont été évitées, chiffres qui reflètent en grande partie la couverture vaccinale élevée obtenue entre 1994 et 1997 chez les adolescents (76 % chez les 11 ans et 65 % chez les adolescents plus âgés). Malheureusement, cette couverture ne s’est pas maintenue : actuellement, la couverture vaccinale pour l’hépatite B est de 42% chez les enfants de 15 ans…et inférieure à 30% chez les nourrisssons, sans doute du fait de la polémique qui perdure autour du vaccin. D’où la récente décision du Haut conseil de la santé publique d'étendre à 15 ans l'âge limite de la vaccination avec possibilité d’utiliser un schéma à deux doses espacées de 6 mois (3).
HPV : 33% à 14 ans
Enfin, la vaccination contre le papillomavirus (qui peut causer le cancer du col de l'utérus) a un taux de couverture de seulement 33% à 14 ans. Rappelons que malgré le dépistage, avec près de 3 500 nouveaux cas chaque année, le cancer du col de l’utérus reste la deuxième cause de décès par cancer chez les femmes de moins de 44 ans. Là aussi, une mesure de rattrapage est prévue : le vaccin est également proposé aux jeunes filles et jeunes femmes de 15 à 23 ans n’ayant jamais eu de rapports sexuels ou au plus tard, dans l’année suivant le début de leur vie sexuelle.
Tous ces résultats confirment une réalité inquiétante : les grandes difficultés à mettre en oeuvre les recommandations de santé publique. Quel que soit le germe visé, l'absence de vaccination fait courir un risque non seulement à l'individu non vacciné, mais aussi à la collectivité. En ces temps de pandémie grippale, où l’attention est focalisée sur le seul H1N1, il n’est pas inutile de le rappeler.
- Gaudelus.J. Vaccinoscopie : couverture vaccinale vis-à-vis de la rougeole, de la rubéole, des oreillons et de l’hépatite B en France en 2008. Médecine & Enfance avril 2009
(2) Conférence de presse Adovac –sanofi pasteur MSD
(3) Haut Conseil de la santé publique. Avis relatif à la vaccination de rattrapage contre l’hépatite B chez l’adolescent utilisant un schéma à deux doses – 13 février 2009
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