Généralement, les médecins rencontrés, qui sont en secteur 2 depuis leur installation en clinique, ne regrettent en rien leurs choix, et ce malgré « la pression politique sous la houlette de la Mutualité française et la pression médiatique. Partir dans le privé correspond à une envie de travailler autrement, d’individualiser davantage le soin. » témoigne le docteur Jean-Claude Ducloy, anesthésiste uniquement en maternité.
La contrepartie, ce sont souvent consultations plus longues, et davantage d’écoute du patient : « Je suis ainsi passé de huit à trois patients par heure. » précise le docteur Jean-Claude Ducloy, « Cette diminution d’actes pratiquée en secteur 2 n’est pas sans problème pour certaines cliniques, notamment obstétriques souvent déficitaires, et ce depuis la tarification à l’acte en 2007. Heureusement qu’elles font partie d’établissements généralistes bénéficiaires. » Plusieurs cliniques du Nord ont été sollicitées pour réagir sur ce point, mais sans succès. Leur silence s’explique selon une anesthésiste d’une clinique lilloise, par le contexte de notre époque : « c’est une période difficile pour les directeurs de clinique. Nous sommes dans le collimateur de la Sécurité sociale et il y a des négociations nationales. Par ailleurs, nombre de directeurs ne sont pas médecins et n’osent pas, dans ces conditions, prendre des positions qui ne seraient pas acceptées par les médecins de leurs propres cliniques. » Avis partagé par d’autres médecins du secteur 2.
Médecin chef d’entreprise
Tous constatent avec regret l'inadéquation des rétributions du secteur 1, non revalorisées depuis des dizaines d'années, par rapport à l'évolution de l'inflation, la complexité de certains actes, la nécessité d'une surspécialisation, le doublement des assurances professionnelles depuis douze ans et la charge de travail avec parfois 120 heures sur le terrain par semaine. « Nous sommes les médecins les moins bien payés d'Europe ! » selon le docteur Ducloy. Certaines femmes médecins savent néanmoins s'en accommoder, comme cette psychiatre travaillant dans le public : « Pour rien au monde, je ne passerai dans le privé. J’apprécie de pouvoir caler mes horaires professionnels sur ceux de mon rythme familial. »
Cette non-reconnaissance financière oblige par conséquent les médecins du secteur 2 à se comporter en véritables chefs d’entreprise et d'adapter les honoraires aux coûts de fonctionnement des cliniques. Le secteur 2 leur permet également d’investir dans du matériel de pointe et d’embaucher suffisamment d'assistants pour faire face à un besoin croissant de consultations. « C’est une manière de faire face à une pénurie de praticiens. Nous répondons à un service public ! », précise le Dr François Malbrel, ophtalmologiste.
Tous avouent rester sensibles à la situation financière des patients et leurs satisfactions du service rendu. Le tarif est alors personnalisé, comme l’explique le Dr Olivier Montaigne, urologue : « Je m’adapte à la situation de chacun. En fin d’année, mon relevé indique qu’un tiers des actes effectués étaient au tarif Sécurité sociale. Cela concerne les patients bénéficiaires de la CMU ou ceux ayant des difficultés financières. Mais avec la crise économique depuis 2008, de plus en plus de gens discutent les honoraires et le nombre d’impayés augmente. » Au sein de la clinique du Dr Malbrel, c’est une question de savoir-être : « Avec mes douze autres associés, nous partageons tous le même souci de bien soigner les gens, tout en tenant compte de leur situation financière. Au final, notre taux de dépassement n’excède pas 1,2 » Soit un équilibre à trouver, pas toujours simple. Selon le Dr Montaigne : « En dessous de 1,35, le secteur 2 n’est pas rentable. »
Mieux communiquer
Tout l’art est alors de bien expliquer les raisons des dépassements d’honoraires auprès des patients. En plus de la délivrance de devis obligatoire, certains médecins du secteur 2 n’hésitent pas à remettre une grille de tarifs par acte réalisé : « Malheureusement, les mutuelles ne jouent pas le jeu de la transparence sur leurs niveaux de remboursement. Très peu de patients savent quels actes sont pris en charge par leurs mutuelles. J’ai même entendu dire que certaines d’entre elles n’hésitent pas à appeler leurs clients pour les informer du dépassement d’honoraires et leur conseiller d’aller dans le public », témoigne le Dr Ducloy. Pour le Dr Montaigne, « C’est regrettable que beaucoup de mutuelles remboursent la chambre particulière, la TV, la garde du chien, mais pas le dépassement d’honoraires. » Tous rappellent en tout cas qu’aujourd'hui les plus importants dépassements d’honoraires sont surtout appliqués dans le public ! En attendant une revalorisation des tarifs, les médecins du secteur 2 attendent une plus grande transparence des mutuelles.
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