Grâce à une manipulation génétique ingénieuse

Une régression du syndrome de Rett chez la souris

Publié le 08/02/2007
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LE SYNDROME DE RETT, qui touche une fille sur 10 000, est provoqué par des mutations du gène MECP2 situé sur le chromosome X.Des mutations de ce gène sont également retrouvées dans d’autres troubles neurologiques (troubles de l’apprentissage, encéphalopathie néonatale, autisme, retard mental lié à l’X).

Chez les patients atteints d’un syndrome de Rett, on observe, certes, une morphologie neuronale anormale mais pas de mort neuronale ; ce qui est en faveur d’un trouble du développement neurologique plutôt que d’un trouble neurodégénératif. La protéine MeCP2 est exprimée un peu partout, mais c’est dans les neurones du système nerveux mature qu’elle est la plus abondante.

Chez la souris, la délétion du gène Mecp2 montre que le phénotype mutant est dû spécifiquement à l’absence de protéine MeCP2 dans les neurones.

Chez les patients atteints du syndrome de Rett, la persistance de la viabilité des neurones mutants suggère que la réexpression de MeCP2 pourrait entraîner une restauration intégrale de ses fonctions et, ainsi, faire régresser le syndrome. Autre possibilité : MeCP2 pourrait être essentielle au développement neuronal pendant une fenêtre de temps spécifique, après laquelle des lésions causées par son absence sont irréversibles.

Une cassette pour réduire le gène au silence.

Pour faire la différence entre ces deux hypothèses, une équipe britannique (Jacky Guy, Adrian Bird et coll.) a créé des souris dans lesquelles le gène Mecp2 endogène est réduit au silence par l’insertion d’une cassette Lox-Stop (les souris Mecp2 lox-Stop/y ne produisent pas de protéine MeCP2) , mais peut être réactivé par la délétion de cette cassette. Comme les souris nulles pour Mecp2, les mâles Stop/y développent des symptômes de Rett à six semaines et survivent en moyenne onze semaines.

Pour contrôler l’activation de Mecp2, les chercheurs ont mis au point un ingénieux système : ils ont créé une fusion entre, d’une part, une cre-recombinase et un récepteur aux estrogènes modifié ( cre-ER) et, d’autre part, l’allèle Mecp2 lox-Stop. La protéine cre-ER reste dans le cytoplasme sauf si elle est exposée au tamoxifène (TM) qui provoque son transfert dans le noyau. On a alors testé la capacité du TM à déléter la cassette Lox/Stop chez des souris mâles Stop/y, cre). Cinq injections quotidiennes de trois à quatre semaines après la naissance ont provoqué une délétion de 75 à 81 % de la cassette dans le cerveau et ont conduit à la réexpression du gène Mecp2 et à la détection, par immunomarquage, de la protéine MeCP2 dans les neurones. Mais l’activation de Mecp2 chez ces mâles Stop/y,cre à ce stade, avant la survenue des symptômes, a révélé une toxicité associée à la brutale réactivation de Mecp2: 9 souris sur 17 ont développé des signes neurologiques et sont mortes peu après les injections quotidiennes. Les 8 autres n’ont pas développé de symptômes, ont eu une survie comparable à celles d’animaux « sauvages » et ont été capables de se reproduire.

La toxicité observée n’était pas liée au TM mais à la surexpression de Mecp2. Les auteurs ont alors montré qu’une réactivation plus progressive de Mecp2 par des injections hebdomadaires de TM, suivies par trois traitements « boosters » quotidiens permet d’éliminer la toxicité.

A un stade avancé.

Les auteurs ont voulu savoir si, avec ce schéma, des souris mâles Stop/y-cre ayant des signes avancés de la maladie pouvaient être sauvés. Résultat : 5 souris sur 6 ont été améliorées. Initialement, ces animaux avaient des scores symptomatiques (inertie, marche, tremblements, troubles respiratoires…) de 2 à 3 et leur espérance de vie était de quatre semaines quand on leur a fait leur première injection. Or ils ont eu des symptômes modérés et ont survécu dix-sept semaines.

«En conclusion, notre étude montre que des troubles neurologiques Rett-like liés à l’absence du gène murin Mecp2 peuvent être rectifiés par la restauration différée de ce gène. Les expérimentations ne suggèrent pas une approche thérapeutique immédiate dans le syndrome de Rett mais elles établissent le principe de la réversibilité dans le modèle murin et, donc, soulèvent la possibilité que des troubles neurologiques dans ce syndrome et dans des troubles humains apparentés ne soient pas irrévocables.»

« Sciencexpress », 8 février 2007.

> Dr EMMANUEL DE VIEL

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8102