SI LE RAPPORT de l'Igas et de l'Igaenr inquiète les étudiants en médecine, il n'émeut guère les doyens des facultés et ne dérange pas outre mesure les responsables des présidents de CME des CHU ; pas plus que les directeurs généraux des CHU, qui sont favorables à une réforme et à une adaptation du système des conventions hôpitaux-universités.
Pour l'Association nationale des étudiants en médecin de France (Anemf) et son président Guillaume Muller, ce rapport tend à remettre en cause le lien qui associe les CHU et les facultés de médecine. Les étudiants craignent en particulier que certaines propositions des auteurs de ce travail ne « mettent en péril le système actuel des études médicales » et créent des inégalités au niveau national.
En particulier, si les « petits CHU », considérés par le rapport moins performants en matière d'enseignement et de recherche, sont demain moins bien dotés que les établissements hospitalo-universitaires plus performants, « cela mettrait en cause l'égalité des chances des étudiants à l'heure où viennent de se mettre en place les épreuves nationales classantes » (ECN). Il n'est pas acceptable, poursuit le président de l'Anemf, de privilégier certains étudiants, sous le prétexte qu'ils sont dans un CHU « performant », et « de handicaper d'autres étudiants » simplement parce qu'ils « sont issus de CHU sous-classés ».
Pour les étudiants en médecine qui n'épargnent pas leurs critiques aux rapporteurs, certaines propositions mettent en cause l'autonomie des facultés de médecine au sein des universités. « En supprimant, disent-ils, certaines de leurs compétences en matière de gestion et de pédagogie, on ramènerait entièrement les facultés de médecine dans le giron des universités et on confierait leur gestion à des personnalités étrangères au monde médical. »
Ce qui pourrait se concevoir, mais, demande l'Anemf, « cela est-il imaginable, vu la spécificité et la complexité » des études de médecine ? La question reste posée.
Certes, conclut l'Anemf, tout n'est pas idéal en matière de formation médicale, et des améliorations doivent sans doute être décidées. Encore faut-il que « cela se fasse de manière réfléchie et sans doute en concertation avec les étudiants, car il ne faut pas oublier que les étudiants d'aujourd'hui feront la médecine de demain ».
La critique est forte, mais n'est pas reprise par les doyens des facultés de médecine. Pour leur président, le Pr Bernard Charpentier, l'inquiétude des étudiants est très exagérée. « Il n'est évidemment pas question, dit-il, de mettre en cause la formation des médecins de demain. Ce sont nos successeurs, et comment pourrions-nous accepter une baisse de la qualité de la formation de ces praticiens ? » Toutefois, poursuit-il, il convient de remettre à plat le système des conventions qui lie les universités, les facultés de médecine et les CHU. Un système qui date de quarante ans, et dont les premiers textes ont été publiés dans les années soixante. Mais pour le Pr Charpentier, il ne s'agit pas de bouleverser le système : la philosophie doit rester la même. Il faut surtout adapter ces textes au monde d'aujourd'hui.
D'où la mise en place de coopérations entre CHU et universités au niveau régional, voire extra-régional, en matière d'enseignement et de recherche, comme cela existe pour la mission soins des hôpitaux et des CHU.
Un raisonnement que reprend le Pr Pierre-Antoine Fuentes, président de la conférence des présidents de CME des CHU, qui croit beaucoup en cette coopération interrégionale, ou même extrarégionale, entre des établissements qui peuvent décider d'être complémentaires et d'unir leurs efforts, notamment dans le domaine de la recherche.
Remettre les choses à plat.
Pour le Pr Fuentes, même si le rapport de l'Igas et de l'Igaenr « est parfois accablant, il est en tout état de cause intéressant. Il était nécessaire, et même indispensable », quarante ans après les ordonnances de 1958. « Beaucoup de choses ont évolué, affirme-t-il, et il est plus que nécessaire de remettre les choses à plat pour rénover un système qui doit demain être plus efficace. » C'est dans cet esprit que se réunit périodiquement un groupe du travail au ministère de la Santé, qui planche sur une refonte du système actuel, mais « sans le bouleverser », note également un syndicaliste.
Les directeurs de CHU sont également très attentifs à ces discussions. Pour Paul Castel, directeur des hôpitaux de Strasbourg, mais surtout, en l'occurrence, président de la conférence des directeurs généraux de CHU, il faut absolument adapter le partenariat hôpitaux-universités au monde d'aujourd'hui. « Néanmoins, ajoute-il aussitôt, il ne faut pas que ces adaptations se fassent au détriment de l'université ou de l'hôpital. Chacun doit y trouver son compte. » Pour Paul Castel, il est naturel que l'université appose sa signature au bas des contrats d'objectifs et de moyens des CHU. Mais il serait tout aussi naturel « que le directeur du CHU et le président de la commission médicale d'établissement soient membres de droit des instances universitaires et que le directeur général signe également les contrats quadriennaux des universités. » Afin de bien montrer leur complémentarité.
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