LE PROJET prévoit la possibilité pour le chef de l'Etat de s'adresser directement au parlement ; de limiter à deux le nombre des mandats présidentiels de cinq années chacun ; de réserver à chacune des deux assemblées la moitié de son ordre du jour (il s'agit d'un effort de démocratisation) ; de limiter les recours à l'article 49.3 ; de mettre fin à la présidence, par le président de la République, du Conseil supérieur de la magistrature ; de réduire le recours au référendum pour toute nouvelle adhésion à l'Union européenne.
Certaines de ces modifications partent du meilleur sentiment : il s'agit d'augmenter le rôle des deux assemblées, qui se plaignent d'avoir été transformées en chambres d'enregistrement, et de diminuer l'influence du président, dont le nombre de mandats n'était pas limité depuis que le septennat a été transformé en quinquennat.
Le moyen de pression des socialistes.
La gauche, cependant, a son propre projet. Elle souhaite d'abord que le mode d'élection du Sénat soit modifié, ce qui, il est vrai, n'a que trop tardé. Les sénateurs sont élus par de grands électeurs, dont elle veut augmenter le nombre, tout en introduisant la proportionnelle dans les départements qui élisent trois sénateurs ou plus. Le Parti socialiste ne veut pas que le président de la République puisse s'adresser au parlement. Il veut aussi introduire la proportionnelle dans les élections législatives et exige enfin que le pouvoir et l'opposition disposent du même temps de parole à la radio et à la télévision.
LA NEGOCIATION DROITE-GAUCHE SUR LE PROJET SERA TRES RUDE
Pour changer la Constitution, Nicolas Sarkozy a besoin d'une majorité des deux tiers au Congrès car la majorité absolue ne suffit pas. En l'état actuel du rapport de force, il n'a pas 66 % des voix. Autant dire que l'opposition dispose cette fois d'un moyen de pression considérable : ignorer la gauche, c'est se passer de la réforme. Certes, les positions de départ sont, comme toujours, très tranchées. Il y aura nécessairement une négociation parlementaire qui aboutira à des amendements. Mais l'Elysée peut-il satisfaire certaines revendications de la gauche ? Si M. Sarkozy a lancé ce projet, c'est principalement parce qu'il juge inacceptable le fait que le président de la République ne puisse pas s'adresser aux élus de la nation en l'état actuel de la Constitution. C'est le point principal, à ses yeux, de la réforme ; et si les socialistes résistent sur ce point, l'accord sera impossible. La proposition du PS d'instaurer l'égalité audiovisuelle pose moins la question de savoir si elle est acceptable pour le pouvoir que l'invraisemblable comptabilité bureaucratique qu'elle va imposer aux médias ; elle pose aussi le problème de la liberté d'expression et de la liberté des choix professionnels des journalistes : le gouvernement, par définition, met l'actualité en mouvement ; l'opposition n'apporte qu'un contrepoint. En outre, la perméabilité des médias fait que toute information importante est répercutée par tous ; et on n'a jamais vu que l'opposition, de droite ou de gauche, n'ait pas réussi à faire entendre son point de vue. A tel point que la contestation permanente complique beaucoup l'action politique en France.
De Chirac à Sarkozy.
Le gouvernement risque enfin de faire l'unanimité contre lui à propos de l'usage à la carte du référendum pour l'adhésion d'un nouvel Etat à l'UE. Certes, l'expérience a montré que la consultation systématique du peuple met parfois l'Union en danger. Curieusement, c'est Jacques Chirac qui a fait inscrire cette disposition dans le texte constitutionnel. L'idée de revenir sur une décision aussi récente désacralise quelque peu la loi fondamentale. M. Chirac voulait notamment rassurer les Français sur l'adhésion de la Turquie qu'il n'a jamais cessé de soutenir ; M. Sarkozy a eu l'occasion, lors de son entretien télévisé de jeudi dernier, de préciser sa pensée : si la Turquie est admise à l'Union, il y aura bel et bien un référendum en France sur ce point. Voilà qui déplaira beaucoup aux Turcs. En même temps, l'élargissement de l'UE à la Turquie, auquel le président est personnellement opposé, apparaît comme un processus fort mal engagé.
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