TOUT LAISSE penser que les débats pourraient se poursuivre au Sénat et à l'Assemblée jusqu'au début de juillet, date à laquelle le Congrès, réuni à Versailles, est censée adopter la réforme. Le travail consensuel accompli par la commission Balladur, chargé de présenter un texte pour le débat parlementaire, a été profondément modifié. Les parlementaires ont finalement accepté que le président de la République puisse s'adresser aux élus, mais seulement s'ils sont réunis en Congrès. Après avoir estimé, au nom de la séparation des pouvoirs, que le président ne devait pas disposer d'une tribune parlementaire, les socialistes ont donc fini par l'admettre : ils étaient obnubilés par le désir de ne pas céder à ce qui leur apparaissait comme un caprice personnel de M. Sarkozy, comme s'il n'était pas appelé à laisser la place un jour à un autre président qui pourrait être socialiste.
Le « groupe des 17 ».
Cette seule bataille montre qu'on a introduit dans un débat sur la loi fondamentale les querelles et bisbilles qui font les chroniques des gazettes au quotidien, avec un manque de respect total pour le fonctionnement des institutions : elles doivent s'adapter à la gestion moderne de l'État, ce qui explique la réforme attendue.
Les élus socialistes sont en réalité divisés : un « groupe des 17 » s'est prononcé pour l'adoption de la réforme. Jack Lang, membre éminent de la commission Balladur, la réclame. Aussi bien les députés PS n'ont-ils adressé à la réforme qu'un « non » temporaire. Ils se réservent le droit de changer d'avis si les navettes Assemblée-Sénat finissent par leur donner satisfaction.
Du coup, ils en rajoutent : s'ils ont raison de vouloir modifier le mode d'élection du Sénat (les sénateurs sont élus par de grands électeurs et non au suffrage universel, ce qui est une incongruité fort peu démocratique), on ne voit pas vraiment pourquoi ils ont tellement résisté au droit du président de parler devant les élus, qui existe à peu près partout ailleurs. Sur d'autres points, leur position est fondée, comme le nombre d'élus français de l'étranger qui devrait passer à douze, alors que, d'une façon générale, les Français de l'étranger votent à droite ; ou comme le redécoupage des circonscriptions électorales, que la majorité prépare en secret et auquel l'opposition souhaite légitimement être associée.
UNE REFORME MENACEE MOINS PAR SON CONTENU QUE PAR L'ENVIE DE DIRE NON A SARKOZY
M. Sarkozy est donc placé devant un sérieux problème : la loi fondamentale ne peut être modifiée que par une majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. La majorité absolue ne suffit donc pas et la réforme ne peut être adoptée qu'avec le concours de l'opposition. Personne n'est dupe : dans le comportement des socialistes, il y a le rare plaisir de faire lanterner ou même échouer un projet de l'Élysée. C'est ce qui désespère les socialistes favorables à la réforme, qui estiment qu'elle est indispensable et qu'on ne devrait pas placer les intérêts tactiques de l'opposition avant l'intérêt général des Français.
La majorité elle-même, dont plus personne n'ignore le mécontentement, dénonce la manière dont la réforme lui a été présentée et le rôle de chambre d'enregistrement qu'elle joue. Si on ajoute les divers mouvements de mauvaise humeur que la réforme inspire, la réforme ne pourra pas être adoptée, bien que les diverses propositions des élus aient modifié les propositions de la commission Balladur, par exemple au sujet du cumul des mandats, qui donne lieu à une belle bataille parlementaire. De la même manière, un élu de la majorité a fait adopter par surprise, dans la nuit de mardi à mercredi, un texte qui fait de la parité hommes-femmes une contrainte absolue, mais probablement inapplicable en l'état, de sorte qu'il faudra attendre que le Sénat fasse disparaître cette disposition. On voit que la guérilla parlementaire n'est pas seulement liée aux rapports entre l'Élysée et l'opposition de gauche.
Les Français ne comprennent pas.
Enfin, il faut tenir compte du climat dans lequel se poursuit ce débat, dont le contenu échappe à la plupart des Français : ils attendent des mesures en faveur de leur pouvoir d'achat, ils réclament des baisses du prix des carburants et pensent souvent que les deux pouvoirs, législatif et exécutif, se chamaillent sur un dossier qui n'a rien à voir avec leurs préoccupations du moment. Mais ce qui peut être difficile à comprendre n'est pas moins essentiel à la démocratie que la résolution des crises qui gênent directement les électeurs. La réforme de la Constitution n'est pas une réforme de trop : elle s'inscrit seulement dans un foisonnement exceptionnel d'actions voulues par Nicolas Sarkozy, ce qui relativise en quelque sorte sa nécessité. On va voir si les élus, de gauche ou de droite, vont préférer à un travail d'importance historique la volupté extrême que leur procurerait un échec du président.
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