C'EST L'ANCIEN ministre de la Santé, Jean-François Mattei, qui avait sollicité l'avis du Ccne (n° 84), en juillet dernier, sur les propositions énoncées dans un rapport intitulé « Ethique et professions de santé ». Ce rapport, établi sous la direction de l'ancien directeur de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, Alain Cordier, contenait, d'une part, des recommandations relatives à l'enseignement universitaire de l'éthique médicale et, d'autre part, des propositions de collaboration hospitalo-universitaire (« le Quotidien » du 22 mai 2003).
A propos de la formation des étudiants en médecine, le rapport Cordier recommandait un travail « de sensibilisation des consciences aux questions éthiques ». Une formation éthique doit comporter, « outre la transmission du savoir des normes (comme le code de déontologie ou la charte du patient hospitalisé), une plage de cours centrés sur l'éveil des dispositions au questionnement devant les cas particuliers à la lumière de la pluralité des situations et des contextes », ajoute le Ccne. Faut-il enseigner l'éthique en première année de médecine ? Dans le rapport Cordier, il était suggéré d'organiser au profit des futurs praticiens des stages préparatoires qui commenceraient dès avant la première année de médecine. Mauvaise idée, estime le Ccne, qui précise que le « nombre de nouveaux étudiants qui s'inscrivent chaque année à la faculté de médecine, le volume des connaissances ainsi que les modalités de leur transmission en Pcem1 ne s'accommodent guère d'une sensibilisation aux cas de conscience soulevés par la clinique ». Selon les Sages, il serait préférable de « concevoir que les heures qui sont actuellement dispensées en Pcem1 laissent une plus grande place à quelques exemples dont on privilégierait la forme contradictoire d'exposition ».
Par ailleurs, le Ccne juge opportun d'intégrer, au sein du stage infirmier de deuxième année, un volet consacré à la dimension éthique des pratiques médicales sous la forme d'un atelier de réflexion de deux jours. Il appartiendrait ensuite à l'étudiant de construire une réflexion éthique méthodologiquement organisée sur la base d'un cas qu'il aurait privilégié, dans un rapport de stage « qui serait présenté et évalué au cours d'une session orale à la fin du Pcem2 ».
Les Sages insistent également sur le fait que l'initiation à l'éthique « reste à encourager dans toutes les branches formant aux professions de santé, de l'odontologie à la pharmacie, en passant par la formation des kinésithérapeutes ou des psychologues cliniciens », professions paramédicales et administratives comprises.
Reste à déterminer le contenu du programme de formation en éthique. Pour le Ccne, il doit s'agir d'un programme « clairement déterminé sur le plan national ». « Le fait qu'un cours en éthique ait à privilégier les dimensions d'échange et d'interactivité ne saurait occulter la nécessité de lui assigner une orientation pédagogique à visée cognitive », ajoutent les Sages.
Ils répondent également à la question du choix des enseignants : « Qu'il s'agisse de confier un cours d'éthique (de préférence sous la forme d'un séminaire) à des professionnels non médecins, à des cliniciens ou à des chercheurs, le Ccne suggère qu'un prérequis indispensable devrait être l'obtention d'un doctorat portant sur un sujet de thèse attestant leur double compétence. » Les membres du Ccne considèrent que l'éthique médicale devra bénéficier, dans un avenir proche, « d'une consécration institutionnelle » par le biais de la création de quelques postes universitaires spécifiques.
Des espaces éthiques régionaux.
Enfin, concernant la formation continue, le Ccne se montre tout à fait favorable à la création, dans chaque région, d'une institution hospitalo-universitaire telle que l'espace éthique régional. « Comme pôle d'enseignement et de recherche, un espace éthique régional présente la particularité d'être ouvert non seulement aux personnels de santé, mais aussi, entre autres, aux juristes, philosophes, psychologues, scientifiques, représentants associatifs », soulignent les Sages. Ainsi, le Ccne se dit pleinement disposé à « apporter sa caution et son soutien aux initiatives régionales coordonnées par les CHU dotés d'espaces éthiques » et est favorable à un partenariat, « dans le cadre d'un compte rendu de l'Observatoire des espaces éthiques régionaux aux journées annuelles du Ccne ». Quant aux comités d'éthique locaux, le Ccne propose qu'ils se transforment en « comités d'aide éthique à la décision médicale » afin de dissiper toute équivoque : ces structures, contrairement aux espaces éthiques, ont pour but de proposer une réponse à une question pratique.
« Quelles que soient ses formes institutionnelles d'expression, l'éthique médicale ne saurait être l'éthique des seuls médecins », conclut le Ccne.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature