Art
Ingres l'appréciait alors qu'il le formait. Il envisageait même de l'emmener avec lui lorsqu'il fut désigné comme directeur de la Villa Médicis, mais pour des raisons financières il dut y renoncer.
Venu de Saint-Domingue, où il est né en 1819, Théodore Chassériau se révèle comme un petit prodige. Adolescent, il est déjà très apprécié, et les personnalités les plus en vue du monde artistique, littéraire et mondain se le disputent. Ardent, impétueux, doué, il défie les habitudes et se lance avec une pétulance presque suicidaire dans la conquête du public qu'il subjugue par son incroyable dynamisme. Le Salon accueille ses toiles dès 1836. Grâce à une importante commande en 1839, il peut enfin faire le voyage italien. Le peintre est « lancé » et, du même coup, il est sollicité pour des travaux importants de décoration.
Ce seront les décors aujourd'hui encore visibles d'une chapelle à Saint-Merri ( Histoire de Sainte Marie l'Egyptienne), pour la chapelle des fonts baptismaux de Saint-Roch, l'hémicycle de Saint-Philippe-du-Roule (une Descente de croix), et celui qu'il avait conçu pour la Cour des comptes, dont le bâtiment fut incendié lors de la Commune (c'est aujourd'hui l'emplacement du musée d'Orsay), nous privant d'un ensemble qui fut loué à l'époque de sa mise en place et considéré comme l'une de ses plus remarquables réussites. Chassériau y développe « cette grâce étrange » dont parle Théophile Gautier, soulignant là qu'il sait rester fidèle à lui-même en passant de la peinture de chevalet au mur, évitant les pièges d'un art déclamatoire.
Chassériau est la mobilité même, l'ardeur ; et la rigueur instaurée par Ingres ne peut le contenir. Elle ne lui a donné qu'un cadre à un développement de la couleur où il va rejoindre l'autre grand du moment : Delacroix. Il l'a détroussé, disent même ceux qu'il affole par sa vertigineuse facilité.
Une alternance de douceur et de virilité
Mais un voyage en Algérie le conduit aux mêmes ardeurs chromatiques que Delacroix, à un rafraîchissement de sa palette. Loin de se contenter d'une figuration exotique et pittoresque, il saisit les personnages dans le développement corporel du combat, dans l'action violente. Et c'est cette alternance de douceur et de virilité qui caractérise cette uvre qui déconcertait autant qu'elle ravissait ses contemporains.
Sa ligne ondoyante, fuselée, suave en certains de ses accents, épurée pour dire la beauté du corps, s'anime sous l'apport d'une couleur aux intensités expressives. « Etre franc dans le dessin et la couleur, mettre de la saillie », se donne-t-il comme consigne.
En retrait de cette activité picturale attachée aux richesses du corps (il a peint les nus les plus suaves de sa génération), Chassériau distille dans des portraits d'une étrange rigueur, d'une retenue jouant l'intensité dans la présence du modèle. D'où un fascinant Lacordaire, et ces figures frappées d'une mélancolie toute romantique.
Goncourt parlait de son « style inquiet » alors qu'il faudrait plutôt souligner qu'il est frissonnant, d'une ardeur qui bousculait l'enseignement reçu, et le projetait dans cette modernité de la peinture qui se veut expression, reflet d'une émotion, au rythme de l'ardeur créative.
Une uvre qui est un peu comme une flambée romantique au cur d'une époque charnière. La pesanteur de la Restauration de cette société, si pertinemment épinglée par Balzac, ne pouvait l'atteindre. Il donnait la mesure d'un rêve qui rien ne pouvait effacer. Il est de tous les temps.
Galeries nationales du Grand-Palais. Jusqu'au 27 mai. Tous les jours sauf les mardi et le mercredi 1er mai, de 10 h à 20 h (mercredi de 10 h à 22 h). Entrée : sur réservation (de 10 h à 13 h), 9,1 euros, tarif réduit le lundi, 6,6 euros. Entrée sans réservation (à partir de 13 heures) 8 euros, le lundi 5,5 euros.
Catalogue édité par la RMN, d'autant plus important qu'il y a peu d'ouvrages sur l'artiste.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature