DEPUIS la découverte du virus de la grippe espagnole sur un cadavre retrouvé dans un sol gelé du nord de la Russie, de nombreuses équipes de chercheurs analysent les mécanismes possibles de la virulence particulière de cette souche. Après des premières analyses menées chez des souris, l’équipe du Dr Darwyn Kobasa (Winnipeg, Canada) a, pour la première fois, soumis des primates à un test infectieux en les mettant en contact avec soit un virus H5N1-1918 reconstruit (7 macaques), soit un virus H1N1 (3 macaques).
L’ensemble des animaux infectés par le virus H5N1-1918 ont présenté des signes cliniques de la maladie dans les 24 heures suivant l’exposition. La manifestation clinique la plus marquante était une polypnée qui, de 26/min le premier jour, est passée à plus de 70 à J8. De façon concomitante, les capacités respiratoires se sont progressivement abaissées et la saturation en oxygène s’est établie à 36 % en moins de quatre jours. A l’inverse, la fréquence cardiaque et la pression artérielle n’ont pas été modifiées significativement. Chez les animaux témoins ayant reçu du H1N1, les signes cliniques étaient moins marqués.
D’autres tissus que ceux du tractus respiratoire.
L’analyse virologique a permis de retrouver systématiquement le virus H5N1 dans l’ensemble des animaux infectés durant les huit premiers jours de la maladie, alors que, chez les témoins, le virus n’était plus détectable huit jours après la mise en contact avec le virus H1N1. D’un point de vue histopathologique, le virus de la grippe espagnole était présent dans d’autres tissus que ceux du tractus respiratoire haut et bas (coeur et rate), alors qu’il n’était jamais présent dans le cerveau, les reins, le foie ou le côlon. Le tissu pulmonaire des macaques infectés par le virus H5N1-1918 était le seul à présenter des lésions histologiques macroscopiques. De 60 à 90 % des prélèvements étaient le siège de lésions hémorragiques ou oedémateuses. Les auteurs ont noté une majoration importante du taux d’IL-6, d’IL-8, de CCL2 et de CCL5 chez les animaux infectés par le virus H5N1-1918. En revanche, il n’existait pas de modification des autres cytokines : IL-2, IL-4, interféron gamma et TNF alpha. Chez les macaques témoins, le niveau de l’IL-8 et celui du CCL5 étaient identiques à ceux des autres signes. Chez les animaux infectés par le H5N1, le taux d’IL-6 a été majoré d’un facteur 6 à 19 en moins de 48 heures. L’ARN messager IL-6 était par ailleurs exprimé à un niveau élevé jusqu’à huit jours après la mise en contact avec le virus de la grippe espagnole, et les gènes de certaines cytokines telles que l’IL-8 et le CXCL 11 étaient eux aussi activés à moyen terme, témoignant d’une majoration retardée de l’activation des chémokines et des cytokines.
Pour les auteurs, «cette réponse immunitaire prolongée pourrait contribuer à l’expression clinique particulière de l’infection par le virus H5N1-1918».
Une réplication importante.
Dans un éditorial, les Drs Loo et Gale (Dallas) proposent un modèle physiopathologique de la grippe espagnole chez les animaux et les humains. Dans un premier temps, le virus, du fait d’une réplication importante et rapide, dissémine dans une grande partie des tissus respiratoires hauts et bas. Lorsqu’un individu est infecté, il se produit une activation majorée de l’immunité innée normale qui se traduit, ensuite, par une réponse aberrante et persistante, avec une activation de la réponse pro-inflammatoire par les cytokines et les chémokines. Cliniquement, cet ensemble de phénomènes conduit à des symptômes cliniques généraux sévères, à une baisse des capacités respiratoires qui peut même conduire à une détresse respiratoire aiguë. Du point de vue histopathologique, il existe des lésions sévères caractérisées par des hémorragies et un oedème. L’ensemble de ces lésions peut conduire, dans 2,5 % des cas environ, à un décès par défaillance multiviscérale ou une pneumonie.
« Nature », vol. 445, pp. 267-268 et 319-323, 18 janvier 2007.
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