LE VIRUS isolé chez le chat décédé le 10 novembre dernier en Vendée est bien un virus de chauve-souris : un Lyssavirus de génotype 5 (EBLV-1, European Bat Lyssavirus). «Il s'agit du virus qui circule habituellement en France et que nous connaissons bien», explique au « Quotidien » Hervé Bourhy, codirecteur du Centre national de référence pour la rage (Institut Pasteur). Les analyses effectuées à l'Institut Pasteur confirment l'hypothèse évoquée dès que le cas de rage a été connu. En effet, la France est officiellement indemne de la rage, depuis 2001. Le dernier cas de rage canine autochtone remonte à 1924 et le dernier cas de rage du renard, à 1998. Toutefois, des cas de rage animale d'importation ont pu être observés régulièrement, le dernier en 2004 chez un chien importé illégalement du Maroc. En revanche, le virus a été isolé en France chez la chauve-souris en 1989, mais toutes les données montrent que les virus hébergés par la chauve-souris (EBLV-1 et EBLV-2), différents de ceux du chien et du renard, «circulent en Europe depuis plusieurs centaines d'années».
Si l'on ne peut parler d'émergence d'une zoonose, «le cas vendéen est le premier cas avéré de passage du virus d'une chauve-souris à un carnivore domestique», souligne le spécialiste.
Tableau d'encéphalite.
Néanmoins, «étant donné la distribution des chauves-souris sur le territoire français et le mode de vie du chat, un risque même minime existait, et il vient d'être confirmé». « La Revue de médecine interne » a d'ailleurs publié, en avril 2006, le cas d'une patiente qui avait été mordue à la main par une chauve-souris attrapée par le chat de ses parents à Chemellier, en Maine-et-Loire, alors qu'elle essayait de séparer les combattants. La patiente a consulté le centre antirabique d'Angers où elle a apporté le chiroptère encore vivant. L'animal sacrifié a été adressé au CNR, qui avait alors confirmé une rage. La jeune femme a alors bénéficié d'une vaccination contre la rage.
C'est également au CNR que le chat décédé en Vendée a été examiné : «Il présentait un tableau classique d'encéphalite», confirme Hervé Bourhy. L'animal, qui appartenait à un couple de pharmaciens de Fontenay-le-Comte, sortait peu et fréquentait surtout le grenier et le toit de ses propriétaires. «Le risque existe d'une transmission possible à d'autres espèces animales avec lesquelles le chat a pu être en contact», explique le directeur du CNR. Une enquête vétérinaire est en cours – deux chiens ont été en contact avec l'animal, mais ils sont vaccinés. Les mesures de recensement et de surveillance régulière des animaux du quartier pourraient être complétées ces prochains jours par les services vétérinaires.
Sur le plan humain, le risque de transmission existe, mais il est limité. En Europe, tous virus confondus, «les lyssavirus de chauves-souris ont été à l'origine de quatre décès humains, deux pour le EBLV-1, deux pour le EBLV-2, ce qui est peu comparé aux données de la mortalité due à la rage du renard ou à celle du chien dans les pays où elles sévissent», poursuit Hervé Bourhy. Les décès sont tous survenus hors de France chez des personnes qui n'avaient pas bénéficié de traitement. Au niveau national, «une cinquantaine de personnes consultent chaque année après une morsure de chauve-souris. Le traitement associe des immunoglobulines et la vaccination. Aucun échec de traitement n'a été à ce jour observé», souligne le Dr Maryvonne Goudal, médecin au centre antirabique (CNR).
Toutes les personnes qui, à Fontenay-le-Comte, ont pu être en contact avec le chat infecté ont été vues par un médecin du centre antirabique de Nantes et traitées, si nécessaire. Parmi elles, une quinzaine ont bénéficié du traitement antirabique.
Eviter tout contact.
Quant à la transmission à l'homme par d'autres chauves-souris contaminées, «c'est un risque habituel avec lequel nous vivons depuis un certain nombre d'années en France et que l'arsenal de surveillance permet jusqu'à aujourd'hui de contrôler», précise Hervé Bourhy.
Les recommandations habituelles, telles qu'elles ont été formulées par le Conseil supérieur d'hygiène publique de France (avis du 8 juin 2001), sont inchangées. Elles visent à limiter l'exposition du public au virus de la rage. Pour cela, tout contact direct avec les chauves-souris, une espèce protégée, doit être évité : «Ce sont des règles de bon sens, précise le directeur du CNR . Si l'on trouve une chauve-souris dans une pièce, il suffit d'éteindre la lumière et d'ouvrir la fenêtre. L'animal en général s'en va. Il ne faut jamais manipuler une chauve-souris à mains nues et, en aucun cas, il ne faut jouer aux apprentis chiroptérologues et aller examiner des colonies de chauves-souris sans avoir suivi de formation et s'être fait vacciner contre la rage.»
Rage humaine, maladie d'importation
La rage humaine est encore très répandue dans le monde, en particulier en Asie et en Afrique, avec 55 000 décès par an, dont 60 % d'enfants. En France, elle est devenue exceptionnelle et, depuis 1924, c'est une maladie d'importation contractée lors de voyages au Maghreb ou en Afrique noire, par contamination à partir d'un chien dans 90 % des cas. «Toute l'Asie et l'Afrique sont des pays d'endémie où le risque de rage est important. Périodiquement, des cas de personnes infectées à l'étranger sont observés, soit parce qu'elles ne se sont pas protégées avant de partir, soit parce qu'elles n'ont pas pris sur place les précautions pour ne pas entrer en contact avec les populations de chiens des pays où elles se rendent en vacance», rappelle Hervé Bourhy, du Centre national de référence de la rage.
Le médecin face à une morsure
En cas de morsure, griffure, léchage ou contact avec un animal suspect, le médecin doit :
– appeler le centre de traitement antirabique le plus proche ;
– vérifier que la plaie a bien été nettoyée ; compléter si nécessaire (laver au savon de Marseille, bien rincer avant d'appliquer l'antiseptique) ;
– vérifier l'immunité antitétanique ;
– prescrire une antibiothérapie, si nécessaire.
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