Le président de l’Université Paris Diderot, Vincent Berger, a décidé l’ouverture d’une enquête administrative « dans le cadre des instances académiques de l’université », après qu’un sujet portant sur la bande de Gaza a créé la polémique.
Le Pr Christophe Oberlin, chirurgien orthopédiste et professeur à l’université Paris VII, a soumis mardi à ses étudiants, dans le cadre d’un certificat de DCEM1 « Médecine humanitaire », une « étude de cas » de droit humanitaire. Il y décrit une situation dans un hôpital de Rafah lors de l’hiver 2008-2009 où des ambulances amènent 22 corps « portant tous le nom d’Al-Daya. Les ambulanciers et les membres survivants de la famille vous déclarent qu’il s’agissait d’un bombardement classique ». La question porte ensuite sur la qualification ou les qualifications « des crimes perpétrés (crime de guerre, crime contre l’humanité, crime de génocide) ».
Réactions sur les réseaux sociaux
Rapidement, des étudiants se sont émus sur les réseaux sociaux et le Dr Mickael Riahi, généraliste, ancien étudiant à Paris VII et aujourd’hui maître de stage, a réagi en lançant une pétition à l’adresse des autorités de tutelles. « Notre propos n’est pas d’ouvrir un débat sur le sujet. Nous savons bien que la situation est sujette à polémique, et qu’il est difficile d’être neutre et objectif dans le conflit. Nous nous interrogeons sur l’opportunité, en faculté de médecine, de proposer aux étudiants un examen aux questions orientées volontairement contre Israël », peut-on lire dans la lettre.
« Le Pr Oberlin a le droit d’exprimer ses opinions dans la vie sociale et politique » explique au « Quotidien » le Dr Riahi. Christophe Oberlin a notamment été tête de la liste EuroPalestine lors des élections européennes 2004 et effectue depuis 10 ans des missions dans la bande de Gaza, qu’il relate dans des livres ou des conférences.
« Mais cela devient grave s’il utilise son statut d’enseignant pour militer », souligne le Dr Riahi. « J’ai pensé aux étudiants devant la question. Que faire lorsqu’on est pris entre l’envie de réussir un examen et ses convictions, même lorsqu’on n’est pas juif ? » se demande-t-il, souhaitant à tout prix que les facultés soient « préservées de toute forme de polémique ou d’incitation à la haine ». La pétition contre le Pr Oberlin réclame des « sanctions exemplaires à son encontre ».
Les autorités interpellées
Vincent Berger, président de l’Université Paris Diderot, a immédiatement fait part de « sa consternation » à la lecture de la question, qui, selon lui, « comporte un caractère polémique regrettable, contrevenant à l’esprit de neutralité et de laïcité de l’enseignement supérieur ». Il considère « que cette question dépasse le cadre pédagogique de la discipline concernée, ne relevant ni de médecine, ni de médecine humanitaire ». Le doyen Benoît Schlemmer dit également « partager l’émotion légitime des étudiants » et rappele « vigoureusement à chacun le principe de neutralité du service public de l’enseignement ».
Le président du Conseil représentatif des institutions juives de France, Richard Prasquier, rappelle, lui que « M. Oberlin n’a pas le droit d’utiliser l’Université pour déverser ses haines sélectives ».
Interpellés par la pétition, le dr Michel Legmann, président du Conseil national de l’Ordre des médecins, la ministre de l’enseignement supérieur Geneviève Fioraso et Marisol Touraine, ministre de la Santé, n’ont pas encore réagi.
Interrogé par l'AFP, il s'est défendu vendredi d'avoir posé une question « polémique ». « Si j'avais proposé une étude de cas sur le Soudan, vous pensez qu'il y aurait eu polémique » ? Demande-t-il. La question visait à tester les connaissances en droit international, notamment les définitions légales des différents crimes, de ses 85 étudiants, affirme-t-il.
Trois autres questions figuraient dans l'examen qui sanctionne 20 heures d'enseignement optionnel. « La première partie de ce cours était un exposé sur l'histoire du droit humanitaire, avec beaucoup de notions de droit à assimiler. La deuxième partie a été une étude de cas », le bombardement de civils évoqué dans l'examen, précise le chirurgien. « Les études de cas présentées en cours par les enseignants sont très largement utilisées en examen », a-t-il souligné.
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