M. RAFFARIN n'a pas le temps. Il ne va pas redresser l'économie, réformer le système de soins, sauver l'Unedic, réduire les déficits publics, et surtout calmer les protestataires de tout bord avant les élections européennes, qui ont lieu le 13 juin et que la droite va perdre probablement.
Quel que soit le Premier ministre, quelle que soit la composition du gouvernement, la tâche exige de la patience, beaucoup de travail et d'efforts, et, désormais, un parcours sans faute : trop d'erreurs de communication ont été commises par le passé ; trop d'hésitations, en outre, ont empêché que des projets fussent menés à bien parce que la population s'opposait à leur réalisation.
Ecouter la gauche ?
Il faut un plan précis. Quand Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée, visiblement agacé par le chef du gouvernement, multiplie les interventions publiques pour dire qu'il faut écouter la gauche, tourner le dos au libéralisme économique, introduire plus de préoccupations sociales dans les réformes, il enfoncerait des portes ouvertes si la critique ne venait de lui et ne traduisait les convictions d'un camp, les gaullistes, par opposition aux centristes et aux néolibéraux.
Qu'en outre M. Debré ait des ambitions personnelles, cela ne fait aucun doute ; que le président de la République le laisse parler pour voir l'effet de ce qu'il dit n'en fait pas non plus.
Mais ce drôle de débat entre personnes censées appartenir au même bord et sur le mode des discours à la cantonade ne donne nullement le sentiment que l'exécutif de ce pays sait exactement où il va. Qu'il ait été sonné par le résultat des élections régionales, certes. Mais qu'il ne réagisse pas à cette défaite par un plan soigneusement élaboré ne fait qu'accroître la confusion.
SI LES PREMIERS MINISTRES SONT INTERCHANGEABLES, A QUOI CHIRAC CROIT-IL ?
A travers Raffarin.
Si M. Raffarin est Premier ministre, il faut qu'il puisse se conduire comme tel et qu'on cesse de voir à travers lui son successeur. Tandis que s'estompe (inexorablement ?) l'ombre d'Alain Juppé, on émet des hypothèses sur Dominique de Villepin, Nicolas Sarkozy et maintenant Jean-Louis Debré. Il est vrai que M. Debré a tout fait, du haut du perchoir, pour séduire la gauche. Il est vrai que le président de l'Assemblée nationale est celui qui, aujourd'hui, représente le mieux les idées de De Gaulle (l'économie de marché mise au service des travailleurs) ; il est vrai qu'en bon Jacobin il n'a que faire de la décentralisation chère à M. Raffarin, qui s'y accroche d'autant plus maladroitement qu'elle se transforme en nouvelle pomme de discorde avec la gauche.
Mais, enfin, on aimerait savoir : dans tout ça, à quoi M. Chirac croit-il ? Est-il le héraut du gaullisme social ? Est-il libéral ? Croit-il à la décentralisation ? Croit-il à l'utilité des déficits ou à la vertu des équilibres fondamentaux ?
Le chef de l'Etat doit avoir pour Premier ministre un homme qui appliquera les idées présidentielles, et non un homme assez populaire pour franchir les caps électoraux. En tout cas, la première proposition est plus importante que la seconde, et le fait qu'on puisse penser successivement, dans le landerneau politique, à M. Sarkozy, M. de Villepin, M. Debré, laisse imaginer le pire : à savoir que M. Chirac n'aurait aucune conviction personnelle et qu'il veut seulement un Premier ministre qui règle ses problèmes politiques.
Le grand désordre.
Aussi quand M. Debré dit : il faut écouter la gauche, on a le sentiment que cette droite-là est prête à appliquer un programme diamétralement opposé au précédent, pourvu qu'elle obtienne un regain de popularité.
C'est absurde : si vous voulez une politique de gauche, prenez la vraie, pas l'ersatz ; et si vous voulez ne pas perdre de temps, faites ce que vous dites et dites ce que vous faites. On comprend que M. Raffarin soit affaibli et M. Chirac perplexe. On ne comprend pas le désordre qui règne dans la majorité. Pendant que M. Sarkozy reçoit l'ordre de réduire les déficits publics, le ministre de la Culture, Renaud Donnedieu de Vabres, reçoit celui de passer un compromis avec les intermittents du spectacle. On en est au point où l'insolvabilité de l'Unedic apparaît comme un danger moins grand qu'une révolte des intermittents ou des « recalculés ». A la confusion des idées s'ajoute celle des actes : la générosité est sociale, l'avarice européenne, et on tente d'être généreux et avare à la fois.
Le gouvernement précédent de M. Raffarin avait les idées plus claires et une logique dans l'action. Tout à coup, le pouvoir ne supporte plus l'impopularité. Le voilà qui part dans tous les sens et semble invoquer des démiurges pour le sauver de l'échec. Il valait mieux s'en tenir aux réformes, quitte à en arrondir les angles.
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