LES DIVERSES MESURES que le gouvernement a prises pour l’emploi ont soulevé, comme on sait, protestations et manifestations. Personne ne semble avoir remarqué l’étrange parcours du Premier ministre en seulement quelques mois. Dominique de Villepin a été nommé pour infléchir la politique libérale de Jean-Pierre Raffarin ; il a donc cherché, à la demande de Jacques Chirac, à créer des emplois de type social. Paradoxalement, il en est arrivé, avec le CNE, puis le CPE, à porter atteinte au droit français du travail, ce qui a été dûment dénoncé par l’opposition. Et ce qui n’est pas du tout du goût de M. Chirac.
Qu’est-ce qui a brutalement renvoyé le chef du gouvernement et, avec lui, le président vers une politique libérale qui soulève une aversion incontrôlable en France, et plus particulièrement dans l’opposition ? Qu’est-ce qui pouvait bien valoir que le Premier ministre prenne le risque d’un soulèvement populaire et parlementaire de la gauche ? Rien, sinon la nécessité. Un emploi fabriqué par l’Etat ne sera jamais durable, ni même réel. Seuls comptent les postes de travail créés naturellement par l’accroissement de la production.
Trente pour cent de plus.
Les inconvénients de l’économie libérale, surtout dans les pays qui réduisent à presque rien le filet social, sont nombreux et sérieux. Mais s’il faut choisir entre deux maux, le plein emploi, fût-il précaire, est préférable au chômage assisté. Toute la philosophie de Dominique de Villepin – qui, lui, est guidé par la cause sacrée de l’emploi, non par une quelconque ferveur idéologique – est là. Il peut se tromper, il peut échouer, même s’il ne réunit pas contre lui toutes les forces du conservatisme syndical. Mais il sait que le seul moyen de créer des emplois réels, c’est de mettre en place les conditions favorables au développement de l’entreprise, donc à l’embauche.
"LE PIB PAR HABITANT POURRAIT BIEN ETRE LA STATISTIQUE LA MOINS IMPARFAITE EN MATIERE DE NIVEAU DE VIELà-dessus, le rapport de l’Ocde montre que le niveau de vie moyen des Allemands est inférieur de 30 % à celui des Américains. Tout simplement parce que la productivité est plus élevée aux Etats-Unis qu’en Allemagne et parce que le taux de chômage chez nos voisins d’outre-Rhin représente plus de deux fois le taux de chômage américain, tombé à 4,7 % le mois dernier. Bref, pour que le niveau de vie des Européens se rapproche de celui des Américains, il faudrait, par exemple, que la France crée un million et demi d’emplois du jour au lendemain et l’Allemagne, au moins deux millions.
Cet objectif est hors de portée parce que nous traînons un boulet social qui n’encombre pas l’économie américaine. Nous disposons d’une foule de dispositions qui protègent le chômeur et nous en ressentons d’autant plus le besoin que nous avons beaucoup de chômeurs. Cette belle panoplie humanitaire est bien moins impressionnante aux Etats-Unis, qui en ressentent moins le besoin parce qu’ils ont deux fois moins de chômeurs (à 4,7 %, on n’est plus très loin du seuil en deçà duquel le chômage devient irréductible).
Les Etats-Unis ne sont pas un paradis : proportionnellement, le déficit budgétaire est à peine inférieur au nôtre, la dette est sensiblement égale, le commerce extérieur, atrocement déficitaire. Nous sommes atteints de tous ces maux, mais la différence, c’est que notre produit par habitant est inférieur de 10 000 dollars par an à celui des Etats-Unis et que l’écart entre les niveaux de vie américain et français augmente chaque année : selon l’auteur du rapport de l’Ocde, Jean-Philippe Cotis, en 2020, le revenu européen sera de 50 % inférieur au revenu américain.
Nous pouvons donc considérer comme une horreur le système socio-économique d’outre-Atlantique ; nous pouvons jurer que jamais nous ne souhaiterons vivre comme les citoyens américains ; que rien ne vaut la douce France. Mais, dans ce cas, nous pouvons dès aujourd’hui signer notre défaite. Si nous ne regardons pas ce qui se fait ailleurs et si nous ne nous en inspirons pas, on pourra parler de déclin français en 2020.
La prochaine grande réforme américaine sera sociale et sera sans doute conduite par les démocrates. On peut être assuré que sur la base d’un niveau de vie aussi élevé, l’Amérique disposera de tous les moyens nécessaires pour se donner une protection sociale digne d’un pays riche.
Une politique fiscale forcenée.
De la même manière, nous ne relancerons notre économie que si nous adoptons quelques-unes des recettes qui ont donné de bons résultats ailleurs. Un seul exemple : Bill Clinton a assuré huit ans de prospérité aux Américains ; au moment où il quittait la Maison-Blanche, l’Amérique s’apprêtait à entrer en récession ; celle-ci n’a été évitée ou n’a été de très courte durée que grâce à la politique forcenée de diminution des impôts que George Bush a conduite. Une politique qui fut qualifiée alors d’injuste, de malhonnête, et fut présentée comme un acte de soumission aux intérêts particuliers auxquels le président devait son élection. Ce jugement était le bon. Mais la croissance a repris et elle est forte encore aujourd’hui.
Bush, président des riches, Bush, l’homme qui accable les pauvres.
Lisez M. Cotis. Il dit qu’il a examiné les paramètres sociaux susceptibles de fournir un indice de qualité de vie, de façon à échapper à une évaluation strictement comptable du niveau de vie. Mais il a dû abandonner. «En définitive, écrit-il, le PIB par habitant pourrait bien être la statistique la moins imparfaite en matière de niveau de vie.»
Cessons de nous réjouir de ce que les autres soient en enfer. Essayons plutôt d’améliorer notre paradis, sans exclure aucun moyen, y compris ceux que nous avons mis à l’index par idéologie.
> RICHARD LISCIA
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