Contributions - Quand le médecin devient malade

Une question de confiance

Publié le 23/02/2015
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Voici un témoignage exceptionnel : Joël Ménard, professeur de médecine, spécialiste mondial de l’hypertension, rapporteur de la mission Alzheimer, supporter enthousiaste de notre système de santé est, du jour au lendemain brusquement passé de la lumière à l’ombre, de l’autre côté du miroir. Il est devenu en quelques heures un grand malade après une opération chirurgicale très lourde.

Ce passage d’« acteur de la santé publique » à « objet de soins » ne peut pas faire l’objet d’une formation ni pour le thérapeute, ni pour le médecin devenu patient : chacun réagit en fonction de ses doutes ou de ses certitudes mais un point est essentiel : il n’existe pas de soins de qualité sans la confiance absolue du patient.

Cette question est fondamentale. La confiance du patient ne se décrète pas. Elle est la résultante de ce que nous savons à la fois de notre système de santé (imaginons, comme c’est le cas ailleurs, aux États-Unis par exemple, que la qualité des soins soit fonction de l’argent dépensé par le patient ou par son assurance : quelle inquiétude si l’on sait qu’on ne peut pas se payer les meilleurs soins, les meilleurs médicaments, les meilleurs praticiens !), de l’empathie avec les soignants, de l’environnement immédiat, du sentiment d’être regardé et écouté et de bien d’autres facteurs encore…

La certitude d’être aux mains de l’une des meilleures équipes possibles, d’un accès au plateau technique sans limites si nécessaire, apporte un sentiment de confort extrême, un sentiment de sécurité sans égal… C’est le cas de Joël Ménard : il connaît et admire le système de santé français et a demandé à en bénéficier sans aucun des privilèges auxquels, à sa place, d’autres auraient pu prétendre… Mais ce sentiment de sécurité ne doit pas être aveugle : à tout instant un infirmier, un médecin, un soignant peut se tromper, ne pas savoir s’adapter à un changement de l’homéostasie du patient. C’est arrivé à Joël Ménard qui, par pudeur, souci de discrétion, a préféré « idéaliser » son séjour…

Une grande leçon : il est essentiel d’écouter le patient, il arrive que lui seul sache que quelque chose ne va pas dans la chaîne de soins. Il faut donc, à tout instant, lui donner la possibilité d’appeler « au secours » parfois par-dessus ses soignants. Cette possibilité doit être institutionnalisée, sachant que les règles de fonctionnement de l’hôpital sont faites par et pour les « bien portants » alors qu’il faudrait tout construire autour du patient… Mais la parole est à Joël Ménard.

Dr Gérard Kouchner

Source : Le Quotidien du Médecin: 9389