COMMENT FAISAIT Feydeau ? Cette pièce fut créée en septembre 1888, huit jours après celle de « Chat en poche » (justement à l’affiche au Saint-Georges actuellement)... Il l’écrivit avec l’un de ses collaborateurs, Desvallières, et le ressort principal peut évoquer « La Cagnotte » de Labiche : des provinciaux découvrent les manières de Paris et ne les comprennent guère. Comment deux frères et leur sur venus de Loches et qui veulent se marier à Paris, passent-ils de ce qu’ils prennent pour une agence matrimoniale (mais qui est un bureau de placement pour gens de maison) à un institut d’hydrothérapie qui soigne les malades mentaux, c’est tout le secret de cette comédie irrésistible.
Jean-Louis Martinelli, en rapprochant l’intrigue de notre temps avec la complicité du décorateur Gilles Taschet, ne renonce en rien à ce qui fait ici l’essentiel : le langage. Car si l’intrigue est folle, elle n’est que le fruit logique du langage. Les personnages se parlent mais deux conversations se tiennent en même temps. Chaque réplique a deux sens qui fonctionnent parfaitement. L’un suit un fil tandis qu’en face on suit l’autre, et cela à l’infini… de là les décisions absurdes, les confusions, les quiproquos, le rire sans cesse relancé pour le spectateur.
Tout commence donc dans un vaste bureau style ANPE, traité sans souci de réalisme excessif, et tout se termine dans un espace mi-prison mi-SPA pour dépressifs tandis qu’au deuxième acte on est dans un vaste appartement pourvu de tous les aménagements hyper-sophistiqués de commande à distance : autant d’aires de jeu - on y chante et on y danse - qui donnent à la représentation quelque chose d’une comédie musicale qui déraillerait. Tout cela est très bien vu. On est moins convaincu par les costumes de Patrick Dutertre qui y va un peu fort avec certains personnages, les femmes notamment. Mais c’est une
remarque infime comme celle que l’on pourrait faire sur la longueur du film qui sépare l’acte I du II et qui pourrait être très très légèrement raccourci. Broutilles que ces remarques car l’essentiel est réussi et, au fil du temps, la représentation va gagner encore en vitesse et le spectacle sera idéal.
Jean-Louis Martinelli dirige avec précision et intelligence des comédiens formidables, personnalités fortes qui servent la troupe. Présentons Séraphin, chef de bureau, Maxime Lombard, drôle jusque dans la retenue, Saint-Galmier, le très fin Abbès Zahmani, le médecin qui espère se marier avec Léonie, Anne Rebeschini et que ne quitte jamais sa sur Rachel, Martine Vandeville. Saluons le trio des « fiancés » de
Loches, le droguiste, aîné de la famille, Gévaudan, Zakariya Gouram, son frère Alfred, Mounir Margoum, leur sur Laure, Sophie Rodrigues.
Feydeau va au plus fou : les trois provinciaux, engagés comme domestiques, sont persuadés qu’on leur a trouvé de beaux partis, un chacun. Trois et trois. Évidemment, il y a du surnombre : la maîtresse de Saint-Galmier, qui espère aussi convoler, Michette, interprétée par Christine Citti, excellente. N’oublions pas Laurent d’Olce, Edéa Darque, tous les figurants, indispensables dans le premier acte et louons la présence au piano de Séverine Chavrier qui accompagne le spectacle. Musique, chansons de variété, chansons contemporaines qui s’inscrivent assez bien. Les comédiens mériteraient qu’on analyse avec
plus de soin leur travail. Ils sont la base de la réussite de ce spectacle. Jouer Feydeau est très difficile. Ils sont vraiment épatants ! Allez donc d’urgence les applaudir !
Théâtre de Nanterre-Amandiers, à 20 h 30 du mardi au samedi, à 15 h 30 le dimanche. Durée : 1 h 50 sans entracte. Jusqu’au 11 avril (01.46.14.70.00). Rens. www.nanterre-amandiers.com. La pièce est disponible dans l’édition Omnibus ou en Garnier-Flammarion.
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