DEPUIS 1960, date à laquelle Albert Starr a mis au point une prothèse valvulaire qui porte son nom (1), des progrès successifs ont permis la réalisation de valves artificielles mécaniques de plus en plus élaborées. Les prothèses à ailettes comportant deux demi-disques, comme la valve de Saint-Jude, sont ainsi réputées pour leur excellent profil hémodynamique. Les ingénieurs qui ont conçu cette dernière valve ont également mis au point la valve ATS, caractérisée par des charnières originales. Les deux ailettes pivotantes ne tournent plus sur un picot placé sur un axe dans la cavité. Grâce à de petites encoches, elles s’articulent en tournant sur des saillies hémisphériques situées sur la paroi interne de l’anneau. Cela évite la création de zones de turbulence et de stase au sein des microcavités que comportent les autres prothèses. Ce « pivot ouvert » permet ainsi un lavage permanent des saillies de la valve par le flux sanguin pendant les phases d’ouverture et de fermeture de la valve (2).
Une expérience portant sur 1 056 patients/année.
Entre 1995 et 2004, 197 prothèses valvulaires ATS ont été implantées chez 182 patients consécutifs, sans aucune sélection préalable. Ils étaient âgés de 57,9 ± 12 ans. L’intervention a été un remplacement valvulaire aortique dans 134 cas, un remplacement valvulaire mitral dans 33 cas et une implantation mitro-aortique chez 15 patients. Les réinterventions chirurgicales ont concerné 45 patients : 36 redux (deux fois), 5 tridux (trois fois) et 4 quadridux (quatre fois). Chez 89 malades, enfin, un ou plusieurs gestes opératoires au niveau d’un autre orifice valvulaire, annuloplastie ou hétérogreffe, ont été associés à l’implantation de la prothèse valvulaire.
Les opérés étaient le plus souvent de classe fonctionnelle II (61 %) ou III (34 %), plus rarement de classe I (1 %) ou IV (4 %). Chez 89 patients sur 182, enfin, un ou plusieurs gestes associés ont été nécessaires, en particulier 20 interventions de Bentall (implantation d’un tube valvé sur l’anneau aortique), 20 remplacements de l’aorte ascendante et 17 pontages aorto-coronaires.
L’intervention a été réalisée sous circulation extracorporelle avec protection myocardique par rétroperfusion du sinus coronaire. Au cours du suivi, une échocardiographie a été réalisée en période pré- et postopératoire, ainsi qu’au sixième mois, puis tous les ans. Un traitement anticoagulant standard a été prescrit, l’INR cible étant fixé entre 2,5 et 3,5 pour les valves en position aortique et entre 2,5 et 4 pour les prothèses en position mitrale.
La mortalité hospitalière a été de 1,6 %, soit trois patients. La période de suivi a été en moyenne de 5,3 ans, avec des extrêmes de 4 à 116 mois. Sept patients ont été perdus de vue, soit 3,8 %. Aucune défaillance structurelle de la valve n’a été constatée pendant la durée du suivi ni aucune infection.
Une excellente qualité de vie.
La courbe de survie déterminée selon la méthode de Kaplan-Meier a mis en évidence un taux de survie de 86 % à cinq ans et de 80 % à neuf ans. Neuf accidents thromboemboliques ont été retenus, tous transitoires, sauf 2 accidents vasculaires cérébraux régressifs sans récidive et un accident majeur après diminution importante du traitement anticoagulant pour saignement après prostatectomie chez un malade après implantation d’une prothèse mitrale, qui a guéri après changement de la valvule. Ainsi, sur un total de 1 056 patients/année, le taux de complications thromboemboliques a été de 0,85 pour 100 patients/année. Il y a eu 10 complications hémorragiques, soit 0,9 pour 100 patients/année, dont un seul décès par hémorragie cérébrale chez un homme de 86 ans.
Enfin, la nuisance liée au bruit a été évaluée à l’aide d’un questionnaire. Au total, 9 patients sur 10 ont déclaré ne pas percevoir le bruit de la valve. Il peut d’ailleurs être difficile de faire la distinction stéthacoustique entre une prothèse ATS et une bioprothèse. En effet, ce bruit est produit par les mouvements des ailettes. Or, à l’ouverture, l’angle de ces ailettes dépend du débit sanguin, ce qui minimise la première composante de ce bruit. A la fermeture, un « coussin » sanguin visqueux au niveau du pivot ouvert décélère leur mouvement, ce qui contribue également à diminuer ce bruit (3).
Ainsi, la valve ATS est la première valve à pivot ouvert. L’absence de cavité au niveau de sa charnière la rend beaucoup moins thrombogène que les autres modèles. L’INR peut ainsi être diminué par rapport aux recommandations relatives aux autres prothèses. Grâce à ses caractéristiques structurelles, le bruit de cette prothèse est faible, le plus souvent non perçu, ce qui améliore la qualité de vie des opérés.
D’après un entretien avec le Pr Daniel Guilmet, consultant, service de chirurgie cardio-vasculaire du Dr M. Debauchez, hôpital Foch, Suresnes.
(1) A.M. Matthews. The Development of the Starr-Edwards Heart Valve (en ligne). www.tmc.edu/thi/starr.html.
(2) Z. Feng, et coll. In Vitro Investigation of Opening Behavior and Hydrodynamics of Bileaflet Valves in the Mitral Position. « Artif Organs », 2002 ; 26 (1) : 32-39.
(3) E. Tayama, et coll. ATS Prosthetic Valve Motion : an in Vitro Analysis. « J Heart Valve Dis », 2000 ; 9 (3) : 408-414.
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