DE NOTRE CORRESPONDANTE
QU'IL S'AGISSE de réaliser enfin son projet professionnel – intégrer l'armée – ou simplement profiter d'un repas en famille, d'une séance de cinéma ou d'une soirée en boîte de nuit, Pierre, le patient du Pr Eric Truy, chirurgien à l'hôpital Edouard-Herriot*, à Lyon, qui est à l'initiative de cette «première», se dit pleinement satisfait d'avoir subi l'intervention.
Depuis sa naissance, il souffrait d'une aplasie majeure auriculaire unilatérale, définie comme l'association d'une malformation importante du pavillon de l'oreille et du conduit auditif externe, ainsi que d'une malformation de l'oreille moyenne et de son contenu, les osselets. Cette affection est relativement rare, puisqu'elle concerne 1 pour 10 000 à 20 000 naissances en France ; elle est bilatérale dans 20 à 30 % des cas. Les patients concernés subissent en général une opération de chirurgie réparatrice à l'âge de 8 ans, mais leur audition n'est pas corrigée pour autant. Pour ce qui le concernait, «Pierre souffrait d'une perte de 60décibels», a indiqué le Pr Truy, en rappelant que, à ce niveau, son patient entendait à peine les paroles prononcées autour de lui.
Un « test » concluant.
A la mi-décembre 2006, l'équipe d'Eric Truy a donc décidé de tenter sa première opération dans le cadre d'une aplasie auriculaire et a choisi un « patient test » en raison des fortes motivations professionnelles qu'il avait exprimées au préalable. L'intervention, d'une durée de cinq heures, a consisté à implanter une prothèse acoustique sur la chaîne d'osselets, dotée d'un microphone très sensible et d'une batterie rechargeable par induction à travers la peau. «Nous avions toutefois des contraintes, explique le chirurgien, puisque ce type de prothèse, qui est sur le marché depuis 1996 et est utilisé dans d'autres indications, devait être posé sans déstabiliser le résultat de la reconstruction esthétique, sans léser le nerf facial au passage, s'adapter à des conditions malformatives variées et, bien entendu, être efficace.»
Pour y parvenir, l'équipe a fait appel à un système de chirurgie assistée par navigation autorisant des actes moins invasifs et un accès direct aux zones cibles, à travers des incisions plus petites. Les tests audiométriques récemment réalisés ont démontré que le patient avait réduit sa perte de 60 à 20 décibels et, donc, récupéré une audition proche de la norme, «puisque l'on considère qu'une perte entre 0 et 20décibels est normale », fait observer le Pr Truy.
Seul inconvénient : le patient doit penser à recharger quotidiennement sa batterie durant une heure et devra probablement la changer dans dix à douze ans. D'ici à la fin de 2007, l'équipe lyonnaise envisage de ne réaliser que deux ou trois autres interventions de ce type pour la même indication. En effet, le coût de la prothèse, soit 2 500 euros, dont le service médical rendu reste à évaluer avant qu'elle puisse éventuellement être remboursée, reste entièrement assumé par les Hospices civils de Lyon via le budget des stratégies et technologies innovantes.
En Europe, 10 patients atteints d'une aplasie auriculaire auraient déjà bénéficié de cette prothèse, et plus de 400, dans des indications différentes. « Nous sommes particulièrement en avance en Europe, rappelle à ce titre le chirurgien lyonnais, puisqu'un tiers des patients équipés ont été implantés en France, un tiers en Europe et un dernier tiers aux Etats-Unis.» Il estime que cette première française ouvre des perspectives encourageantes pour les patients souffrant d'aplasie bilatérale.
* Département d'ORL, de chirurgie-cervico-maxillo-faciale et d'audiophonologie.
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