LA SCLEROSE EN PLAQUES (SEP) découle, on le sait, d'un processus inflammatoire qui détruit sélectivement les oligodendrocytes, cellules formant les gaines de myéline autour des axones dans le cerveau et la moelle épinière.
Si la cause exacte demeure inconnue, un mécanisme auto-immun est incriminé, déclenché peut-être par l'exposition à un virus ou à une bactérie.
Les hypothèses, à l'heure actuelle, tiennent pour principales responsables de la destruction des oligodendrocytes les lymphocytes T activés et les macrophages, qui peuvent produire des cytokines et des molécules oxygène réactives cytotoxiques.
Un nouveau travail suggère que les astrocytes, des cellules de soutien habituellement « dociles », pourraient jouer un rôle majeur dans la destruction des oligodendrocytes.
Les chercheurs, dirigés par Christopher Power (université de Clagary, Alberta), parmi lesquels figure François Mallet (UMR Cnrs-bioMérieux, école normale supérieure de Lyon), publient leurs résultats dans « Nature Neuroscience ».
Le point de départ de ces travaux est l'intérêt porté aux rétrovirus endogènes humains.
Huit pour cent de notre génome est constitué de rétrovirus endogènes humains (Herv), vestiges d'infections rétrovirales survenues au cours de l'évolution des primates, il y a plus d'un million d'années. Bien que la plupart des séquences virales ne soient pas exprimées, certaines le sont, et la fonction de ces protéines virales dans la physiologie et les maladies suscite un vif intérêt.
Un exemple notable est la syncytine, une protéine d'enveloppe virale produite par l'Herv-W. Son expression est élevée dans le placenta en développement, où elle joue un rôle important dans la fusion des cellules trophoblastiques et la formation du syncytia (d'où son nom).
L'équipe a étudié l'expression des gènes Herv dans le prototype des maladies neuro-inflammatoires, à savoir la SEP.
Ils ont ainsi découvert que l'expression de la syncytine, codée par l'Herv-W, est augmentée dans le cerveau des patients atteints de SEP, comparés à des témoins ayant d'autres maladies neurologiques, et précisément dans les astrocytes associés aux oligodendrocytes endommagés.
Lorsqu'ils ont surexprimé in vitro la syncytine dans les astrocytes, ils ont constaté une production et une libération de cytokines pro-inflammatoires et de radicaux libres qui étaient toxiques pour les oligodendrocytes.
Afin de déterminer si la syncytine peut causer une démyélinisation in vivo, les chercheurs ont injecté un vecteur viral produisant la syncytine dans le cerveau de plusieurs souris. Les astrocytes infectés ont produit de grandes quantités de syncytine, provoquant une destruction des oligodendrocytes et des troubles sensori-moteurs.
Bénéfice, chez les souris, de l'acide férulique, un antioxydant.
Mieux encore, le prétraitement des souris par un antioxydant, l'acide férulique, réduit considérablement la destruction des oligodendrocytes et l'apparition de troubles sensori-moteurs.
« La syncytine pourrait donc être impliquée dans la pathogenèse de la démyélinisation active », concluent les chercheurs. « Les propriétés pro-inflammatoires de la syncytine dans le système nerveux démontrent un nouveau rôle pour une protéine rétrovirale endogène, laquelle pourrait offrir une cible thérapeutique. »
Une foule de questions.
Ce travail suscite une foule de questions, qui sont ébauchées dans un commentaire associé des Drs Mattson et Taub (National Institute on Aging Intramural Research Program, Baltimore).
Par exemple, pourquoi l'expression de syncytine est-elle augmentée dans les astrocytes de la SEP ? Le promoteur du gène de la syncytine pourrait être activé par un ou plusieurs facteurs de transcription (CBP, Oct-1, Ap-1 et Sp1), proposent-ils. Et les voies en amont de ces facteurs pourraient inclure des cytokines induites par les lymphocytes et macrophages au début de la SEP.
Des études supplémentaires seront nécessaires pour déterminer l'importance relative de la syncytine dans la SEP, soulignent-ils.
Enfin, quelles sont les implications thérapeutiques ? De nouveaux traitements bloquant la production ou l'action de la syncytine pourraient être envisagés. Et certains antioxydants, comme l'acide férulique, devraient être évalués chez les patients atteints de SEP.
« Nature Neuroscience », 26 septembre 2004, DOI : 10.1038/nn1319.
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