De notre correspondante
à New York
« L A beauté de cette surprenante découverte réside en partie dans le fait que la protéine POT1 a été conservée à travers l'évolution de l'organisme monocellulaire au mammifère », commente dans un communiqué le Dr Peter Bauman (Howard Hughes Medical Institute, université du Colorado à Boulder), qui a mené cette recherche sous la supervision de Thomas Cech (prix Nobel de chimie en 1989). « Les chercheurs connaissent depuis longtemps la composante ADN des télomères et ont décrit les protéines qui se fixent près des extrémités des télomères », explique le Dr Thomas Cech, dans le même communiqué. « Mais une coiffe protéique tout au bout des chromosomes n'avait été trouvée que dans certains organismes monocellulaires comme les protozoaires et la levure. » Les télomères, qui sont des complexes d'ADN et de protéines à l'extrémité des chromosomes, protègent, on le sait, les chromosomes de la dégradation et servent de substrat pour l'extension par la télomérase. Dans les cellules normales, la télomérase est inactive ; à chaque division cellulaire, une partie de l'ADN télomérique est perdue, et ce processus pourrait agir comme une horloge biologique signalant à la cellule d'arrêter de se diviser et d'entrer en sénescence au bout d'un certain temps. En revanche, la télomérase est activée dans la majorité des cellules cancéreuses, et cette enzyme reconstruit ou réplique l'ADN télomérique à chaque division, ce qui permet la prolifération infinie de ces cellules.
ADN simple brin et protéine
Que ce soit chez les protozoaires ciliés, la levure ou le mammifère, l'ADN télomérique se termine par une extension ADN simple brin. Chez la levure bourgeonnante ( Saccharomyces cerevisiae), la protéine Cdc13 se fixe à cet ADN simple brin, protégeant ainsi le bout des chromosomes, et recrute la télomérase. Chez un protozoaire cilié ( Oxytricha nova), la protéine TEBP se fixe à cet ADN télomérique simple brin et semble agir, d'après sa structure, comme une coiffe protectrice à l'extrémité des chromosomes.
En examinant les bases de données des génomes de divers organismes séquencés, les Drs Bauman et Cech se sont aperçus que la levure de fission ( Schizosaccharomyces pombe) possède un gène codant pour une protéine partiellement similaire à la protéine TEBP du protozoaire cilié. Les chercheurs ont nommé ce gène de la levure S. pombe : Pot1 (pour Protection of Telomeres).
A la différence du protozoaire cilié, la levure se prête bien aux expériences génétiques. Les chercheurs ont inactivé le gène Pot1 chez la levure afin de comprendre exactement le rôle joué in vivo par la protéine. La délétion du gène Pot1 chez la levure a un effet immédiat sur la stabilité des chromosomes, qui ne se maintiennent plus selon une forme linéaire normale et perdent rapidement leur ADN télomérique. « Nous avons maintenant apporté la preuve que ce groupe de protéines joue un rôle pivot en prévenant la dégradation rapide des extrémités des chromosomes in vivo », notent les chercheurs.
Les chercheurs ont ensuite identifié une protéine homologue de POT1 chez l'homme (hPOT1). La protéine POT1 humaine se fixe bien in vitro à l'ADN télomérique humain. Il reste maintenant à savoir si la hPot1 protège aussi les télomères humains, comme son homologue le fait chez la levure. Il reste aussi a savoir si POT1, comme la protéine Cdc13, recrute la télomérase à l'extrémité des chromosomes.
Des perspectives dans le cancer ?
Il est trop tôt pour savoir quelles seront les implications médicales de cette découverte. Puisque la réplication des télomères est un processus qui est actif dans la plupart des cancers, la protéine POT1 pourrait jouer un rôle en régulant la réplication des télomères. « S'il en est ainsi, des médicaments qui empêchent POT1 de se fixer à l'ADN pourraient offrir de nouveaux agents anticancéreux », observe le Dr Cech dans le communiqué. Cela pourrait aussi déboucher sur des agents freinant le vieillissement cellulaire. Mais « on ne le saura qu'avec le temps », ajoute le Dr Bauman.
« Science » du 11 mai 2001, pp. 1171 et 1075.
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