DES CHERCHEURS de l’université de Floride (Orlando) ont identifié un gène dont l’activité, ou plus exactement la perte d’activité, joue un rôle central dans la neurodégénérescence associée aux accidents ischémiques transitoires. Ce gène code pour la protéine ADAR2, une protéine impliquée dans l’édition des ARN messagers (voir encadré). Peng et coll. ont montré que son expression est réduite dans les neurones postischémiques.
Les mécanismes conduisant à cette altération de l’exécution du programme génétique restent à déterminer, mais les travaux américains ont d’ores et déjà montré que des stratégies visant à maintenir l’expression de ce gène à la suite d’une ischémie pourraient avoir des bénéfices thérapeutiques importants.
Afflux massif et toxique d’ions calcium et sodium.
Les altérations cellulaires induites par les accidents ischémiques transitoires sont liées à une stimulation excessive des récepteurs au glutamate. Ce phénomène entraîne un afflux massif et toxique d’ions calcium et sodium vers l’intérieur d’une population particulière de neurones dits « vulnérables ».
Pour lutter contre ce phénomène, les stratégies consistant à bloquer l’activité des récepteurs au glutamate ne peuvent malheureusement pas être envisagées : elles conduiraient, en effet, à un dysfonctionnement global du système de neurotransmission glutaminergique et provoqueraient plus de dégâts que de bénéfices.
Peng et coll. sont donc partis à la recherche d’une solution plus spécifique et ciblée qui permettrait d’obtenir une inhibition de la toxicité induite par l’ischémie, tout en préservant la fonction normale des récepteurs au glutamate.
Les chercheurs se sont intéressés aux récepteurs Ampa qui sont les récepteurs au glutamates les plus représentés dans le système nerveux central, en particulier au niveau des régions cérébrales qui abritent les neurones « vulnérables ». Ces récepteurs sont composés de plusieurs sous-unités. L’une d’elles, GluR2, contrôle la perméabilité du récepteur aux ions calcium. Cette protéine existe sous deux formes distinctes : la forme Q qui laisse passer le calcium, et la forme R, obtenue par édition de l’ARN messager, qui est, quant à elle, imperméable au calcium.
Peng et coll. ont découvert que près de 100 % des sous-unités GluR2 du cerveau adulte sont imperméables au calcium. Mais, tout au moins dans le modèle du rat, un AIT multiplie la perméabilité au calcium des récepteurs par un facteur 18. Ce phénomène est associé à une diminution de l’expression du gène qui code pour la protéine ADAR2, l’enzyme nécessaire à l’édition des ARN messagers de GluR2. Ainsi, dans les neurones postischémiques, une carence en ADAR2 pourrait conduire à la formation de récepteurs Ampa qui contiennent des sous-unités GluR2 non éditées, donc perméables à l’ion calcium. Ce phénomène inducteur d’afflux ioniques massifs participerait à la neurodégénérescence.
Des récepteurs Ampa imperméables au calcium.
Pour vérifier cette hypothèse, Peng et coll. ont produit une lignée de rats chez qui il est possible de forcer l’expression d’ADAR2. Chez ces animaux, la neurodégénérescence induite par l’ischémie cérébrale est réduite. L’expression forcée d’ADAR2 permet l’édition de l’ARN messager du gène codant pour GluR2 et donc la production de récepteurs Ampa imperméables au calcium. Inversement, dans des lignées de rongeurs chez lesquels l’expression d’ADAR2 est bloquée par un ARN interférent, une ischémie transitoire conduit à une perte de neurones accrue.
Ces résultats suggèrent que des stratégies thérapeutiques visant à maintenir, ou même à renforcer, l’expression d’ADAR2 dans le système nerveux central pourraient permettre de préserver les neurones vulnérables. > ELODIE BIET
« Neuron », vol. 49, 719-733.
Un gène, deux ARN messagers
L’édition des ARN (ou « RNA Editing ») est une étape facultative du processus d’expression des gènes qui conduit à la modification de la séquence primaire des ARN messagers. Cette réaction intervient entre l’étape de transcription de l’ADN en ARN et celle de traduction de l’ARN en protéine. Elle permet de produire plusieurs protéines à partir d’un seul gène. Dans le cas du gène GluR2, l’édition de l’ARN messager par ADAR2 va conduire à la substitution d’un codon glutamine (Q) par un codon arginine (R).
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