LE DYSFONCTIONNEMENT d’une protéine impliquée dans les changements de conformation des protéines, la prolyl cis/trans-isomérase Pin1, jouerait un rôle central dans la formation des plaques et des neurofibrilles associées à la maladie d’Alzheimer. Une étude conduite dans le modèle de la souris vient en effet de démontrer que la protéine Pin1 est essentielle à la protection des rongeurs contre la neurodégénérescence liée à l’apparition de ces amas protéiques anormaux.
La protéine Pin1 a été identifiée en 1995 par l’équipe du Dr Kun Ping- lu, à l’école de médecine de la faculté de Harvard. La caractérisation de son activité a montré que cette isomérase joue un rôle crucial dans la prévention de l’ensemble des pathologies associées à la formation d’amas de protéines Tau (on parle de « tauopathies ») : Pin1 permet la déphosphorylation des formes pathogènes de Tau et entraîne ainsi le désenchevêtrement des protéines et la dissolution des neurofibrilles associées aux tauopathies. En 2003, les chercheurs américains ont mis en évidence que le dysfonctionnement de Pin1 augmente le risque de neurodégénérescence associée aux neurofibrilles de protéines Tau.
L’équipe de Ping-lu a depuis poursuivi ses travaux en recherchant une éventuelle influence de l’isomérase Pin1 sur la formation des plaques bêta-amyloïdes.
Les scientifiques ont étudié l’effet de Pin1 sur le traitement de la protéine précurseur des peptides bêta-amyloïdes, la protéine APP. Normalement, cette protéine précurseur est clivée en fragments peptidiques qui participent à la croissance et à la survie neuronale. Mais dans certaines conditions, le traitement d’APP s’oriente vers une voie alternative et pathologique : la protéine est alors fragmentée en peptides bêta-amyloïdes Abêta40 et Abêta42.
Clivage de la protéine en peptides bénéfiques.
En utilisant une lignée cellulaire qui surexprime le gène codant pour Pin1 et une seconde lignée dans laquelle l’isomérase n’est pas synthétisée, Pastorino et coll. ont montré que Pin1 exerce une forte influence sur le traitement d’APP. Une concentration élevée de Pin1 favorise le clivage de la protéine en peptides bénéfiques à la survie des neurones, alors que l’absence de l’isomérase va, au contraire, conduire à une production importante de peptides Abêta40 et Abêta42.
Ce résultat a conduit les chercheurs à générer une lignée de souris génétiquement modifiées pour ne plus exprimer le gène codant pour l’homologue murin de la protéine Pin1. Grâce à ces animaux, l’équipe américaine a pu démontrer que l’isomérase évite la neurodégénérescence liée à l’âge, non seulement en prévenant la formation de neurofibrilles de protéines Tau, mais aussi en s’opposant à la synthèse des peptides bêta-amyloïdes insolubles. Chez les animaux mutants qui ne synthétisent pas la protéine Pin1, la quantité d’Abêta42 synthétisée est multipliée par un facteur 30 à 50.
Selon les résultats d’une expérience se fondant sur l’utilisation de la spectrométrie par résonance magnétique nucléaire, Pin1 agirait en rétablissant la conformation des molécules d’APP phosphorylées de manière anormale et orientée de ce fait vers une voie de clivage pathologique.
Pastorino et coll. « Nature » du 23 mars 2006, pp. 528-534.
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