Il s'agit « d'aller plus loin ». Plus loin que la loi de financement de la Sécurité sociale de 2002 qui introduit déjà l'idée d'une prime à l'installation des médecins dans les zones désertées par la profession. Une mesure dont on attend d'ailleurs le décret d'application.
La proposition de loi du sénateur socialiste du Tarn, Jean-Marc Pastor, vise à « assurer la présence de médecins généralistes dans les zones médicalement dépeuplées ». L'idée est d'élaborer des mesures incitatives, fondées sur une « politique volontariste d'aménagement du territoire ».
Le ministre de la Santé, Jean-François Mattei, soulignait dans son entretien au « Quotidien » (notre édition du 20 janvier) que « les médecins ne pourront plus continuer encore longtemps à s'installer dans des régions agréables ». Il est urgent pour le ministre, d'encourager les médecins à s'installer dans les régions plus « austères », et de « créer un réel intérêt à exercer dans de tels endroits ».
Un engagement pour six ans
La France compte 327 médecins pour 100 000 habitants, une densité qui se situe dans la bonne moyenne des pays industrialisés (de 170 à 420). Elle présente pourtant de fortes disparités géographiques. Et c'est là le problème : selon les régions, cette densité varie de 192 à 413 médecins pour 100 000 habitants.
C'est dans cet esprit que Jean-Marc Pastor lance l'idée d'un « contrat d'objectif » entre l'Etat et les médecins. S'ils s'installaient dans des zones sous-médicalisées, les médecins bénéficieraient, en plus d'une prime à l'installation, d'un dégrèvement fiscal ; ils seraient dispensés de la taxe professionnelle et une partie de leurs frais de véhicule pourrait même être prise en charge (avec un plafond de 34 000 euros). En échange de quoi, ils s'engageraient à exercer pendant 6 ans dans la zone en question.
Le sénateur du Tarn envisage également l'obligation pour l'Etat de créer des « maisons de santé » ou « services privés d'utilité publique politique de mise en réseaux de soins », afin d'assurer la continuité, la qualité et l'égalité de l'accès aux soins. Cela permettrait de soulager les communes de la charge financière entraînée par ces services. Cela dit, avant d'envisager la création d'une maison de santé, il faudra maintenir les cabinets déjà existants.
Le texte évoque également la mise en place d'un observatoire de la démographie médicale. Un groupe de travail serait chargé de mener une enquête sociologique sur le mode de vie et l'organisation des médecins dans le département, mais aussi d'entendre les usagers de la santé afin d'identifier les besoins et attentes de chacun des acteurs du système de santé.
Volontariat, liberté d'installation et solidarité nationale : tels sont les principes sur lesquels Jean-Marc Pastor entend fonder sa proposition de loi.
Pour Anthony Annereau, président de l'ISNAR (Intersyndicat national autonome des résidents), les idées dégagées dans ce texte sont fidèles aux conclusions du rapport Berland (Anthony Annereau a participé au groupe de travail en amont). « Cela signifie qu'il existe bien un consensus au sein de la profession sur les directions à prendre.Reste à savoir qui déterminera les zones géographiques dites désertées et si les niveaux de dégrèvement seront suffisants. »
15 240 euros durant les trois premières années, 7 620 la quatrième année, 3 810 la cinquième et 1 524 la sixième année, prévoit la proposition de loi.
La durée imposée de 6 ans ne va-t-elle pas à l'encontre du principe de liberté d'installation ?. Le Dr Annereau pose la question et y répond. « De toute façon, remarque-t-il, ces incitations peuvent jouer mais ne changeront pas radicalement les données démographiques. Les jeunes généralistes choisissent leurs régions d'origine, près de leurs familles ou de leurs amis. »
Pour le Dr Véronique Batardy, vice-présidente du SNJMG (Syndicat national des jeunes médecins généralistes), il ne faut pas limiter les incitations fiscales dans le temps. « Au bout de 6 ans, ces médecins n'auront plus qu'une envie : partir ! » De plus, ces prérogatives représentent pour elle une belle injustice entre jeunes médecins et ceux qui sont installés dans ces zones depuis longtemps. « Il me paraît indélicat d'aider les plus jeunes alors que l'exercice de la médecine dans ces endroits est aussi difficile pour tout le monde. J'imagine mal l'ambiance entre confrères dans ces régions... »
D'après un proche collaborateur du sénateur Pastor, le Dr Nicolas About, président (UMP) de la Commission des affaires sociales du Sénat, semble intéressé par l'idée. Pour preuve, la nomination d'un rapporteur sur la proposition de loi est à l'ordre du jour de la prochaine réunion de la commission jeudi prochain.
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