PLUS D’UN PATIENT sur deux atteint d’infection par le virus H5N1 décède, en dépit de l’instauration précoce d’un traitement antiviral. Des analyses anatomopathologiques effectuées chez les personnes décédées ont révélé l’existence d’une hémophagocytose similaire à celle retrouvée chez les patients souffrant de lymphohistiocytose hémophagocytaire (activation macrophagique lymphohistiocytaire).
En 1979, l’équipe du Dr J. Risdall, la première, a publié dans la revue « Cancer » une série de 19 cas d’activation macrophagique, ou hémophagocytose, associés à une infection virale. Il s’agissait d’activation anormale non néoplasique des macrophages dans un contexte d’altération de l’état général, de fièvre et de pancytopénie, s’accompagnant d’hépatosplénomégalie ou d’adénopathies. Cet état était aussi caractérisé d’un point de vue cytologique et histologique par l’existence d’une activité hémophagocytaire prédominante.
Syndrome d’activation macrophagique.
Par analogie avec le tableau clinique et paraclinique présenté par certains malades infectés par le virus H5N1, des chercheurs suédois et chinois de Hong Kong proposent d’étudier, dans les formes les plus graves d’infection par le virus influenza aviaire, l’effet des protocoles thérapeutiques développés pour lutter contre les syndromes d’activation macrophagique survenant dans les suites d’une infection virale. Ils estiment en effet qu’une part non négligeable de la mortalité liée au virus H5N1 pourrait être en rapport avec l’existence d’un syndrome d’activation macrophagique.
Du point de vue clinique, ce syndrome se caractérise par l’existence d’une fièvre (100 % des cas) accompagnée chez la moitié des patients d’hépatomégalie et de splénomégalie. Les adénopathies superficielles sont moins fréquentes (35 %), ainsi que les lésions cutanées (20 %), les manifestations neurologiques centrales ou périphériques et les atteintes cardiaques ou pulmonaires. Du point de vue biologique, on note l’existence de cytopénies (pancytopénies dans 70 % des cas, bicytopénie ou anémies), d’hypertriglycéridémie (20 %), d’hyperferritinémie (80 %), d’une majoration des taux de LDH et des transaminases (70 %), d’une coagulopathie (70 %) et d’une insuffisance rénale (40 %). Histologiquement, le myélogramme se caractérise par l’existence parmi les cellules nucléées médullaires d’au moins 2 % de macrophages CD68+ phagocytant des éléments sanguins. Ces manifestations sont directement liées à une modification des fonctions macrophagiques, en particulier de la sécrétion des cytokines : IL1, IL6, TNF, interféron gamma, G-CSF. Chez les patients souffrant d’infections graves par le virus H5N1, de telles modifications ont aussi été retrouvées. D’un point de vue physiopathologique, différentes hypothèses ont déjà été développées. Il semblerait que, lors des infections virales, en particulier lorsque celles-ci sont liées au virus d’Epstein-Barr, il se produise une activation des lymphocytes T qui, par majoration de la production de cytokines, induirait une activation secondaire des macrophages. Le virus H5N1 pourrait induire une activation lymphocytaire et macrophagique similaire.
L’équipe du Dr J. Henter (Stockholm) propose donc d’appliquer aux sujets souffrant d’infections graves par le virus H5N1 les protocoles thérapeutiques développés pour le traitement des activations macrophagiques lympho histio-cytaires familiales ou acquises. Outre le traitement symptomatique (correction des troubles hydroélectrolytiques, neurologiques, cardiaques, mise en place d’un traitement antiviral), l’équipe propose de bloquer l’activation macrophagique et lymphocytaire par corticostéroïdes, étoposide (cytostatique), immuno globulines, ciclosporine, voire greffe de moelle. Néanmoins, les chercheurs précisent qu’ils n’ont pas eux-mêmes testé ce traitement et qu’ils le proposent sans garantir son efficacité.
« The Lancet », vol. 367, pp. 870-872, 11 mars 2006.
Les formes familiales
Outre les formes secondaires d’activation macrophagique, certaines maladies héréditaires peuvent s’accompagner d’hémophagocytose. Ces lymphohistiocytoses familiales sembleraient être en rapport avec une mutation du gène de la perforine (FHL1 et 2, Chr 9q, 10q) ou du gène MYO-VA et RAB27A Chr 15q (syndrome de Griscelli) et des protocoles de traitement de ces malades fondés sur des greffes de moelle osseuse accompagnées de l’utilisation de traitement cytotoxiques ont été proposés.
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