Douleur chronique et syndrome de stress post-traumatique
« DOULEUR CERVICO-TRAPÉZIENNE quotidienne de type myofascial, sans particularité à l'examen neurologique et radiographique, accompagnée d'une symptomatologie anxio-dépressive, existant depuis un accident de la voie publique survenu quatre mois auparavant... ». Une situation clinique terriblement banale, et donc exemplaire, mais qui conduit souvent les praticiens focalisés sur la composante anxio-dépressive à ne considérer que celle-ci, voire à soupçonner leurs patients à profiter d'arrêts de travail répétés.
Les enjeux du diagnostic.
Or, ces sujets souffrent réellement. C'est l'occasion pour le Dr François Boureau de rappeler l'existence du syndrome de stress post-traumatique (Ptsd pour posttraumatic stress disorder), qu'il est impératif de rechercher chez tout patient souffrant d'une douleur chronique à début brutal. Cette symptomatologie, aujourd'hui bien individualisée, est en effet trois fois plus fréquente chez les sujets souffrant de douleurs chroniques que dans la population générale (1). Tout en sachant que si la douleur a habituellement commencé dans un contexte traumatique, c'est parfois la douleur aiguë initiale, mal traitée ou négligée, qui peut jouer à elle seule le rôle de déclencheur traumatique. D'où l'importance de prendre en charge correctement les douleurs aiguës, en assurant, après évaluation soigneuse de l'intensité de la douleur, une antalgie d'emblée maximale (c'est-à-dire en recourant, si besoin, à des antalgiques de palier 3) et en organisant, éventuellement avec l'aide d'un spécialiste, des séances de debriefing. Ces dernières doivent permettre d'expliquer et de légitimer les réactions du patient, d'encourager le récit de l'accident, en favorisant l'expression des émotions. Un suivi régulier constitue la dernière étape de cette stratégie qui vise à limiter l'installation d'un Ptsd, dont le risque de survenue est d'autant plus élevé que le traumatisme a été « sévère, soudain, imprévu, prolongé, répétitif et/ou intentionnel » (2).
Plusieurs critères du DSM IV permettent d'identifier ce syndrome. Outre l'exposition à un événement traumatique, le fait que celui-ci soit sans cesse revécu, avec évitement persistant des stimuli qui lui sont associés, des symptômes durables traduisant une hyperactivité neurovégétative (difficultés d'endormissement, irritabilité ou accès de colère, difficultés de concentration, hypervigilance, réactions de sursaut exagérées), une durée de la perturbation supérieure à un mois, une souffrance cliniquement significative, interférant de façon importante avec la vie sociale, professionnelle, etc., en constituent la trame diagnostique dont les éléments doivent interpeller le clinicien, sous peine d'oblitérer un pan entier de la prise en charge qui doit aller bien au-delà de celle d'un syndrome anxio-dépressif.
Eviter d'éviter.
Certes, les antidépresseurs sont actifs sur le Ptsd, qu'il s'agisse des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, comme la sertaline, la paroxétine ou la fluoxétine, mais il réclame également une action thérapeutique plus spécifique, en l'occurrence une thérapie cognitivo-comportementale. Celle-ci vise la modification d'une réponse apprise selon un mécanisme de conditionnement répondant et opérant.
Dans le premier mécanisme, la réponse peur est provoquée par un stimulus inconditionnel pénible, associé à un stimulus neutre (le contexte de survenue), lequel devient le stimulus conditionné de la réponse peur. Il faut alors employer des techniques de désensibilisation, voire d'immersion. Face au conditionnement opérant (une fois le comportement d'évitement installé, celui-ci est renforcé par la diminution de la réponse peur), le traitement s'appuie sur des techniques de relaxation, d'inoculation du stress, en apprenant au patient à éviter d'éviter.
Si ces méthodes peuvent parfois dépasser les compétences du médecin généraliste, qui ne doit pas hésiter à déléguer une partie du traitement au psychiatre, l'individualisation du Ptsd est de son ressort. Il a, de même, un rôle à jouer dans la prise en charge initiale : bon nombre de douleurs ont été insuffisamment calmées au stade aigu. Le recueil des circonstances de l'accident et de ses conséquences en termes de responsabilités, procédure, litiges, éclaire aussi les symptômes cliniques et doit conduire le praticien à accompagner le retentissement émotionnel de la situation.
Au stade de Ptsd, en dehors de l'apprentissage des techniques de relaxation et de la mise en place d'une thérapie cognitivo-comportementale, la reconnaissance de cette pathologie spécifique par le médecin généraliste lui permet encore de fournir au patient des explications précieuses sur l'origine de ses troubles, de l'encourager à parler de son accident et, plus encore, à se confronter à nouveau à la situation stressante et à son contexte.
D'après un entretien avec le Dr François Boureau, centre d'évaluation et de traitement de la douleur, hôpital Saint-Antoine, Paris.
(1) McWilliams LA, Cox BJ, Enns MW. Mood and Anxiety Disorders Associated with Chronic Pain : an Examination in a Nationally Representative Sample. Pain. 2003 Nov ; 106 (1-2) :127-133.
(2) Tomb DA. The Phenomenology of Post-traumatic Stress Disorder. Psychiatr Clin North Am. 1994 Jun ; 17 (2) :237-250.
La douleur myofasciale
« Radiotransparente », la douleur myofasciale n'en est pas moins une entité pathologique bien individualisée. Il s'agit d'une douleur spontanée, généralisée, pouvant simuler, par exemple, une sciatique ou une névralgie du nerf d'Arnold. Il faut chercher un point douloureux musculaire (point gâchette) dont la pression reproduit la douleur spontanée. Le traitement comporte l'infiltration d'un anesthésique local du (ou des) point(s) gâchettes, associée à des conseils de contraction-détente des groupes musculaires intéressés.
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