Evolution indolore
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) considère le glaucome comme la troisième cause de cécité dans le monde, responsable de 15 % des cas déclarés de cécité ; avec une incidence de 2,4 millions de personnes par année.
Le glaucome est une maladie qui menace la vision car elle évolue de façon indolore entraînant une perte progressive du champ visuel sans toucher au début l’acuité visuelle centrale (calculée en dixièmes). Lorsque l’acuité visuelle baisse, il s’agit déjà d’une forme de glaucome très avancée dont le pronostic visuel est très compromis malgré une prise en charge thérapeutique adéquate.
Le nerf optique est en effet constitué d’environ 1 200 000 fibres visuelles et la perte physiologique liée à l’âge concerne 5 000 fibres visuelles par an environ.
Angle ouvert, angle fermé
Glaucomes primitifs à angle ouvert (Gpao) et à angle fermé.
Ce sont des neuropathies optiques chroniques progressives qui ont comme particularité commune des modifications morphologiques de la tête du nerf optique et des fibres nerveuses rétiniennes en l’absence d’autres maladies oculaires ou de pathologies congénitales (définition de l’European Glaucoma Society, 2003).
On peut ainsi considérer que le Gpao est une accélération de cette perte physiologique liée à l’âge. Elle est généralement et dans la grande majorité des cas liée à une augmentation de la pression intraoculaire.
Il existe toute une gamme de traitements qui permet de contrarier l’évolution de la maladie et de prévenir ainsi cette perte progressive de la vision qui peut aboutir à la cécité totale (absence de perception lumineuse).
Un retard de prise en charge thérapeutique (prescription de lunettes sans contrôle ophtalmologique par exemple) peut avoir des conséquences dramatiques sur un glaucome car même si la pression oculaire est abaissée fortement, la perte physiologique liée à l’âge survenant sur un nerf optique très altéré par un glaucome diagnostiqué tardivement peut être fatale à moyen ou à long terme pour la vision du patient.
Le glaucome primitif à angle ouvert est la forme de glaucome la plus fréquente ; il en existe de nombreuses formes cliniques classées suivant l’âge (il existe des formes infantile et juvénile), l’existence de signes ophtalmologiques associés (comme la dispersion pigmentaire ou la pseudo-exfoliation du cristallin) ou encore d’autres pathologies ophtalmologiques.
Le glaucome à angle fermé (GFA) peut également se manifester de façon chronique, raison pour laquelle l’examen de l’angle irido-cornéen doit être systématique devant tout glaucome ou suspicion de glaucome.
Cette distinction est très importante car l’approche thérapeutique est différente et chirurgicale en cas de GFA (laser ou chirurgie classique).
Chirurgie. Indications
L’objectif du traitement est de trouver le niveau de la pression intraoculaire qui, chez un patient donné, permettra de freiner l’évolution de la maladie afin de lui préserver sa fonction visuelle. Ce niveau de pression intraoculaire peut être différent d’un patient à l’autre et l’on parle plutôt de pression intraoculaire cible. Dans l’état actuel de la science, le traitement permet de freiner, voire de stopper l’évolution de la maladie, mais il n’est pas possible de récupérer ce qui a été perdu (perte de cellules nerveuses).
Il existe trois grands types de traitements qui permettent tous d’abaisser la pression intraoculaire.
–Un traitement médicamenteux sous forme de collyre permet d’abaisser la tension oculaire soit par des médicaments qui augmentent la quantité de liquide drainé hors de l’oeil, soit par d’autres qui diminuent la quantité de liquide produite.
–Le laser: il existe différents types de lasers adaptés à différentes formes de glaucomes (Laser Argon, Laser Yag, Laser Diode).
–La chirurgie peut être nécessaire pour faire baisser la pression intraoculaire si la maladie continue à progresser.
En règle générale, plus le sujet est jeune et plus la perte en fibres optiques est importante, plus la pression intraoculaire doit être abaissée et plus l’indication thérapeutique est chirurgicale.
D’une façon générale, lorsque plus de deux traitements par voie topique sont nécessaires pour contrôler la pression intraoculaire, un traitement chirurgical – trabéculo- plastie au laser ou « chirurgie » – doit être considéré.
La trabéculoplastie au laser sera proposée s’il existe une cataracte débutante en attendant que celle-ci progresse pour envisager une chirurgie dite combinée cataracte et glaucome plus tardivement car l’intervention laser n’a qu’une durée d’efficacité relativement courte à moyen terme (sauf dans certains cas comme dans le glaucome pigmentaire).
La chirurgie sera plutôt proposée chez les sujets jeunes et/ou en cas de mauvaise compliance thérapeutique.
Il est important de ne pas perdre de précieuses années en changeant trop souvent de traitement et de combinaisons thérapeutiques car la perte en fibres optiques est irréversible. De trop nombreux changements thérapeutiques doivent faire suspecter une mauvaise compliance ou un problème diagnostique.
Une chirurgie proposée trop tard à un stade où il existe des altérations majeures du nerf optique et du champ visuel avec menace du point de fixation sera encore plus risquée, mal comprise par le patient souvent alors déçu de la chirurgie car opéré trop tardivement ; celle-ci ne permettant pas d’améliorer la vision.
Les techniques
Lasers
Il existe principalement trois types de chirurgie au laser dans le traitement des glaucomes.
L’iridotomie périphérique est indiquée dans la prévention et le traitement des glaucomes par fermeture de l’angle.
L’intervention consiste à réaliser un microtrou (iridotomie) dans l’iris pour égaliser les pressions entre les chambres antérieure et postérieure de l’oeil.
L’intervention est réalisée en ambulatoire en consultation d’ophtalmologie. Une lentille est placée sur l’oeil après anesthésie de contact par collyre. Le faisceau laser est focalisé en périphérie de l’iris (iridotomie périphérique).
Le microtrou est réalisé en quelques impacts. Un traitement anti-inflammatoire en collyre est prescrit pendant quelques jours.
L’intervention est efficace si elle est réalisée précocement lorsqu’il existe un adossement entre la racine de l’iris et le trabéculum avant la formation de synéchies, sinon une trabéculectomie doit être réalisée (cause d’échec de l’iridotomie).
On vérifiera par la suite que cette iridotomie a réouvert l’angle irido-cornéen, levant ainsi les contre-indications liées au « glaucome par fermeture de l’angle ».
Si le patient a une cataracte, l’ablation du cristallin permet également de réouvrir l’angle irido-cornéen, puisque la cause de la fermeture de l’angle est l’augmentation de la taille du cristallin avec l’âge, qui pousse en avant la racine de l’iris et ferme ainsi l’angle.
La trabéculoplastie est indiquée dans les glaucomes à angle ouvert.
L’intervention est réalisée comme pour l’iridotomie, en consultation. Le faisceau laser est en revanche focalisé dans l’angle irido-cornéen et une série d’impacts sont placés sur une hémicirconférence du trabéculum permettant d’améliorer l’évacuation de l’humeur aqueuse. L’efficacité du laser se juge au bout de trois à quatre semaines. Un traitement anti-inflammatoire est également prescrit. Le « récepteur » du laser est le pigment trabéculaire expliquant que ce type d’intervention soit plus efficace si l’angle est pigmenté. La trabéculoplastie n’est donc pas indiquée chez les sujets jeunes ou si l’angle est pâle. Elle permet d’alléger un traitement médical, mais son efficacité diminue avec le temps (10 % par an).
Ces interventions par laser n’ont pas de retentissement sur la vision sauf dans les heures qui les suivent pendant lesquelles la vision est généralement floue.
Le cyclo-affaiblissement est indiqué dans les glaucomes réfractaires (déjà opérés par chirurgie filtrante). Elle est réalisée au bloc opératoire. Elle consiste à diminuer la production d’humeur aqueuse en affaiblissant une partie du corps ciliaire.
Chirurgie «classique»
Elle est réalisée au bloc opératoire et consiste à réaliser sous la paupière supérieure une bulle de filtration créée avec le propre tissu de l’oeil (sous la conjonctive). Cette évacuation de l’humeur aqueuse est créée par la réalisation d’une ablation localisée du trabéculum (trabéculectomie).
La chirurgie réalisée sous microscope établit ainsi une communication entre la chambre antérieure et les espaces sous-conjonctivaux. Le principal risque de la chirurgie est la cicatrisation excessive de l’oeil qui entraîne une fibrose de cette bulle de filtration. Lorsqu’il existe des facteurs de risque d’échec (sujets ayant tendance à faire des chéloïdes comme les sujets noirs, oeil déjà opéré, sujet jeune, inflammation oculaire), des antimétabolites (5 fluoro-uracile, mitomycine) peuvent être utilisés en per- et postopératoire, en topique éventuellement complété par des injections sous-conjonctivales.
En cas de remontée de la pression intraoculaire, un traitement par collyre hypotonisant pourra être réintroduit.
Comme pour toute chirurgie il existe des risques opératoires : infection, inflammation, fibrose, tension oculaire trop basse (hypotonie) pouvant induire des cataractes.
Des améliorations ont été réalisées ces dernières années en créant cette bulle de filtration sans pénétrer dans la chambre antérieure (chirurgie non perforante appelée encore sclérectomie profonde ou trabéculectomie externe). Le risque d’hypotonie et de cataracte est ainsi diminué.
Grâce notamment aux nouvelles techniques chirurgicales comme la trabéculectomie non perforante (sclérectomie profonde) ou la trabéculectomie avec sutures ajustables, les risques opératoires sont maintenant réduits et la chirurgie ne doit donc pas être proposée comme traitement de dernière intention.
La surveillance de la maladie est capitale car la chirurgie permet de contrôler la maladie sans pour autant la faire disparaître. Elle est essentiellement fondée sur la mesure de la PIO, l’analyse clinique du nerf optique (au fond d’oeil) et le relevé du champ visuel réalisé au moyen d’appareils informatisés (périmètre automatisé). On pourra également s’aider de nouveaux moyens d’analyse informatisée du nerf optique ou des fibres visuelles.
Le patient doit être éduqué comme dans toute maladie chronique et un rythme de surveillance doit être adapté (généralement tous les six mois). Grâce à une prise en charge adéquate et adaptée à chaque patient, une évolution fatale pour la vision peut ainsi être évitée.
Institut du glaucome, fondation de l’hôpital Saint-Joseph, Paris.
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