HASARD du calendrier : le 6e Congrès national des unités de consultations en soins ambulatoires (Ucsa) se déroulait à la veille du second tour de l'élection présidentielle. Moment jugé inopportun par les personnalités invitées à s'exprimer devant 250 médecins, infirmiers et personnel administratif. «Aucun officiel n'est venu», a regretté le Dr Pierre-Yves Robert, responsable de l'Ucsa de Nantes et vice-président de l'Association des professionnels de santé exerçant en prison. Ni le député-maire de Nantes, Jean-Marc Ayrault, ni la députée des Yvelines, Christine Boutin, n'ont fait le déplacement. «Leur parole est pourtant importante, estime le Dr Pierre-Yves Robert. Elle donne des objectifs, des éléments de réflexion.»
Un constat amer.
La communication du Dr André-Jean Rémy, médecin à l'Ucsa de Perpignan, sur le devenir des détenus atteints d'hépatite B ou C et d'infection par le VIH après leur sortie de prison aura donné matière à réflexion aux participants. Au terme d'une enquête réalisée en 2006 auprès des 185 Ucsa (la moitié d'entre elles ont répondu) et dont il a été le coordonnateur, le Dr Rémy fait le constat suivant : «La prise en charge postcarcérale des personnes atteintes par le VIH et les hépatites est très variable et souvent insuffisante.» Parmi les dossiers des détenus étudiés, la prévalence du VIH était de 1,2 %, 4,7 % pour l'hépatite C et 1,3 % pour l'hépatite B.
Le problème n'est nullement négligeable et le constat est amer pour les soignants des Ucsa : «Les professionnels qui travaillent dans les prisons ont le sentiment d'avoir beaucoup oeuvré dans les murs de l'établissement, souligne le Dr André-Jean Rémy. Mais le problème vient souvent de la collaboration difficile entre les Ucsa et les services sociaux de l'administration pénitentiaire. La seule récupération des informations qui concernent le statut social d'un détenu est ardue. Il faudrait qu'un référent de la Cpam vienne en prison faire le point avant la sortie. La situation socio-économique de la personne est difficilement compatible avec un suivi médical et thérapeutique correct après sa libération.» La question de l'hébergement, particulièrement aiguë, constitue l'une des incertitudes qui compromettent le bon suivi du détenu libéré.
Dans ce contexte, le suivi médical postcarcéral est inégal, selon les Ucsa. Selon l'état des lieux dressé par l'étude, une ordonnance de sortie n'est délivrée systématiquement que dans 40 % des cas. Une fois sur deux, des médicaments sont distribués au détenu au moment de sa sortie. Dans un tiers seulement des situations, une lettre destinée au médecin traitant est systématiquement remise à la personne libérée. Encore faut-il qu'un médecin traitant ait pu être désigné, ce que l'absence de logement rend difficile. «Pourtant, comment espérer améliorer l'état de santé du malade sans son médecin traitant, s'interroge le Dr Rémy. Sans lui, le patient ne peut pas avoir un parcours de soins efficace.»
Le fait de ne pas connaître la date de sortie n'aide pas à préparer dans de bonnes conditions le suivi à l'extérieur des murs. L'étude montre que, seulement dans une Ucsa sur deux, la liste des détenus libérables est transmise systématiquement aux soignants.
Dans cette course contre le temps, «le principal problème des prisons, surtout en maisons d'arrêt», selon le Dr Rémy, la constitution d'un dossier médical avec une ordonnance du traitement antirétroviral et un rendez-vous pour une consultation de médecine spécialisée est une piste sérieuse d'amélioration de la prise en charge postcarcérale. C'est le défi lancé aux 185 Ucsa de France.
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