L'HYPERACTIVITÉ de l'enfant est une pathologie décrite depuis le milieu du XIXe siècle, sous le terme d'instabilité motrice. Alors que dans les pays anglo-saxons, ce trouble était reconnu comme secondaire à des anomalies cérébrales, en France, comme dans d'autres pays d'Europe, la dimension psychogénétique a été mise en avant, les symptômes étant considérés comme l'expression d'un malaise intérieur, par exemple une dépression ou un mauvais cadrage éducatif. Une attitude qui est à l'origine de la défiance qui a longtemps prévalu vis-à-vis des amphétamines. Les très nombreux travaux menés au cours des trente dernières années ont permis de mieux appréhender cette pathologie, où les troubles de la régulation du comportement vont de pair avec une altération des capacités attentionnelles. Une évolution qui se retrouve dans l'appellation du trouble, le THADA (trouble de l'hyperactivité avec déficit de l'attention) ayant laissé la place, dans le DSM-IV, au TDAH pour trouble déficitaire de l'attention-hyperactivité.
La définition recouvre ainsi les deux grandes dimensions cliniques du trouble : l'hyperactivité et le trouble de l'attention.
L'hyperactivité se traduit par une incapacité à rester en place, l'enfant étant comme « électrisé », ayant tendance à agir avant de réfléchir et dont la motricité est désorganisée, ce qui n'est pas le cas dans la turbulence où la motricité reste structurée. Le trouble attentionnel porte, d'une part, sur l'attention soutenue, la capacité de l'enfant à rester attentif dans la durée s'épuisant très vite, et, d'autre part, sur l'attention sélective, l'enfant étant incapable de fixer son attention sur une activité et faisant ainsi preuve d'une forte distractibilité. Le type même de ces symptômes explique que les manifestations soient très dépendantes du contexte, ce qui a son importance en termes de prise en charge thérapeutique.
Souvent diagnostiqué au CP.
Cela explique aussi le fait que le diagnostic du TDAH soit le plus souvent porté vers l'âge de 6 ou 7 ans, «concrètement lors du cours préparatoire (CP) où les contraintes sont plus fortes qu'en maternelle et où les troubles de l'attention retentissent sur l'apprentissage», souligne le Pr Manuel Bouvard. En pratique, plus de huit consultations sur dix « partent » de l'école. Le diagnostic est parfois évoqué plus précocement, chez un enfant d'âge préscolaire, du fait d'une meilleure sensibilisation des enseignants à ce trouble, mais aussi lorsque la dimension motrice, hyperactivité et impulsivité, est au premier plan. À l'inverse, il est des formes de diagnostic plus tardif, vers 10-11 ans, souvent lorsque les troubles de l'attention, et leur impact délétère sur les capacités d'apprentissage, sont au premier plan.
Il faut rappeler qu'il s'agit d'un trouble fréquent, qui touche quelques 3 à 5 % des enfants. Les données épidémiologiques françaises manquent, mais on estime qu'environ 400 000 enfants âgés de 6 à 15 ans sont concernés, par des formes du trouble de légères à sévères. Par ailleurs, alors que, pendant longtemps, on estimait que le TDAH touchait 4 fois plus souvent les garçons que les filles, les données plus récentes plaident plutôt pour un sex-ratio de 2 garçons pour 1 fille, ces dernières présentant plus souvent des formes attentionnelles, de diagnostic plus difficile.
Un bilan global.
Le diagnostic n'est porté qu'après un bilan global, prenant en compte l'avis des parents, celui des enseignants et les résultats du bilan complémentaire incluant des tests psychologiques, un bilan orthophonique, voire psychomoteur. «Il ne faut pas se précipiter, savoir reconnaître une hyperactivité secondaire à une grande carence éducative ou à la prise de médicaments, en particulier de corticoïdes.»
Autres diagnostics différentiels : le tableau de manie de l'enfant et les troubles de la relation.
«Tout l'enjeu de la prise en charge de ces enfants est d'éviter l'échec et le rejet scolaire, ce qui passe notamment par un aménagement de l'environnement, en se rappelant que ces enfants supportent peu ce qui est nouveau. Ils sont, en revanche, “mieux” si un adulte, qui sert de régulateur externe, est présent», explique le Pr Bouvard.
Par ailleurs, les enfants souffrant de TDAH ont des difficultés en famille, avec, à l'extrême, possibilité de maltraitance.
En l'absence de prise en charge adaptée, le risque est la désocialisation, car, par son comportement, l'enfant perturbe le groupe et les activités communes. À l'adolescence, on constate fréquemment une mauvaise estime de soi, avec une incidence élevée de comorbidités : troubles du comportement, notamment des conduites, et troubles anxieux, voire dépression. Ces adolescents ont également un risque de toxicomanie multiplié par 4. L'hyperactivité ne s'arrête pas à l'adolescence et persiste dans 30 à 50 % des cas à l'âge adulte.
Trois grands volets.
La prise en charge comprend trois grands volets :
– Biologicomédicamenteux : le méthylphénidate, traitement de référence, est efficace dans plus de 75 % des cas, avec un résultat parfois stupéfiant en quelques jours.
– Psychoéducation : l'objectif est d'optimiser le rôle de régulateur externe des adultes entourant l'enfant. Cela passe par l'apprentissage, par les parents et les enseignants, de méthodes simples, par exemple travailler avec l'enfant sur des séquences courtes, ne faire qu'une seule activité à la fois, donner à l'enfant l'occasion de « bouger utile »…
– Psychothérapie, avec implication de la famille, l'objectif étant de redonner confiance à l'enfant.
D'après un entretien avec le Pr Manuel Bouvard, hôpital Charles-Perrens, Bordeaux, coauteur de l'ouvrage « Comment soigner mon enfant hyperactif », aux éditions Odile Jacob.
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