Entorses du genou de l'enfant et de l'adolescent
TANT DANS LE déterminisme lésionnel physiopathologique que dans l'épidémiologie lésionnelle, la traumatologie de ces genoux squelettiquement immatures, présente un profil particulier.
Au sein même de ce grand groupe pédiatrique, les différents stades de la croissance modifient la physionomie des lésions susceptibles de se produire.
Chez le jeune enfant, les plans ligamentaires sont plus résistants aux contraintes que la plaque de croissance ; les fractures métaphysaires et les décollements épiphysaires auront donc plus de risque de survenir que des entorses proprement dites.
En revanche, dans l'adolescence, les cartilages de croissance sont plus résistants que les structures ligamentaires, approchant des conditions prévalant chez l'adulte.
La petite taille, la masse corporelle plus faible, la brièveté des segments du membre inférieur, le sport pratiqué à plus faible énergie sont autant de paramètres expliquant la survenue de fractures métaphysiaires plutôt que de décollements épiphysaires.
Du point de vue épidémiologique, il faut tout de suite noter une sous-estimation de l'incidence réelle des lésions ligamentaires, et ce en raison d'une relative bonne tolérance de certaines d'entre elles.
Les enfants traumatisés ne sont pas obligatoirement examinés par un chirurgien orthopédiste, et il existe d'importantes variations saisonnières
faussant parfois l'exactitude des recensements épidémiologiques.
L'attention des observateurs est souvent polarisée sur le ligament croisé antérieur, dont la rupture en pleine substance, est moins fréquente que chez l'adulte alors que sont retrouvées des fractures décollements épiphysaires et des fractures de l'éminence intercondylienne antérieure.
Le groupe sous-représenté des lésions du ligament croisé antérieur se particularise par le fait que, avant l'âge de douze ans, la très grande majorité de ces lésions se fait par avulsion osseuse tibiale, alors que, après douze ans, la très grande majorité a lieu dans le ligament lui-même.
Le sport est devenu la principale source de cette traumatologie alors que dans les années soixante, c'était l'accidentologie routière qui en était la plus grande pourvoyeuse.
Les sports de glisse (ski, snowboard...), les sports de saut (basket...), le football (plus l'américain que l'européen...), le développement d'un esprit de compétition forcené sont autant d'éléments expliquant la transformation épidémiologique de ce dernier quart de siècle dans la production de lésions traumatiques, chirurgicales ou non, du genou.
Sans doute, plus encore que chez l'adulte, toute démarche reconstructrice en milieu pédiatrique nécessite une solide expertise anatomique.
A l'exception du faisceau superficiel du ligament latéral interne (ou collatéral médial d'insertion métaphysaire au-delà de la physe de croissance), les ligaments collatéraux, médial et latéral, ainsi que le ligament croisé antérieur possèdent des insertions épiphysaires.
Les tunnels traditionnels de reconstruction utilisés devront obligatoirement restés cantonnés dans cette physe, parallèlement au cartilage de croissance du côté fémoral ; du côté tibial, la virole périchondrale ne peut en aucun cas être violée.
Les ménisques sont, sur ce terrain pédiatrique, beaucoup mieux vascularisés que chez l'adulte avec, pour les zones préférentielles, un meilleur potentiel de cicatrisation.
Le genou est l'articulation à plus fort potentiel de croissance de l'organisme, ce qui explique les enjeux de la moindre perturbation iatrogène.
La radiographie des crêtes illiaques avec leur stade d'ossification renseigne sur la probabilité de fin de croissance des membres inférieurs.
La maturité osseuse du genou de l'enfant est proche de quatorze ans chez la fille et de seize ans chez le garçon, mais il s'agit d'un âge osseux ne concordant pas toujours avec l'âge d'état civil.
Les ligaments de l'enfant possèdent un certain degré de laxité ; cela ne veut pas pour autant dire que cette laxité entraîne une instabilité. Cela n'empêche pas d'exiger un relevé des laxités aussi rigoureux que chez l'adulte et surtout d'effectuer un examen comparatif différentiel.
C'est tout particulièrement au stade aigu post-traumatique que l'examen réclame d'être individualise à chaque situation.
L'examen clinique superficiel indique immédiatement la présence ou non d'une hémarthrose. En l'absence de cette dernière, l'examen se concentre sur les points anatomiques des insertions ligamentaires périphériques et sur la recherche d'une laxité frontale, stigmates de l'entorse périphérique.
L'hémarthrose, qu'elle qu'en soit l'abondance, oriente vers une forte probabilité de lésion articulaire. Beaucoup moins souvent que chez l'adulte, l'hémarthrose est synonyme de rupture du croisé antérieur ; tout particulièrement chez la fille, l'origine fémoro-patellaire peut tout à fait être en cause.
Le bilan radiographique nécessite quatre incidences : face, profil, fémoro-patellaire, cliché d'échancrure. Il peut être élargi à la demande en cas de doute.
C'est en fait l'IRM qui a fini par s'imposer, comme l'examen de référence.
Les éléments en faveur d'une rupture du ligament croisé antérieur sont la discontinuité, l'anomalie de signal du ligament croisé, la modification de l'angle de Blumensaat, des contusions osseuse latérales, la translation tibiale antérieure, la découverture de la corne postérieure du ménisque externe, et l'angulation du ligament croisé postérieur.
Mais l'absence de discontinuité à l'IRM n'élimine aucunement une rupture du ligament croisé antérieur.
Des lésions associées à la rupture du ligament croisé antérieur sont bien explorées par l'IRM qu'il s'agisse de lésions chondrales (ou ostéo-chondrales) ou méniscales.
Il faut savoir que l'IRM retrouve parfois de fausses anomalies du signal méniscal et qu'il importe de confronter les résultats de cette imagerie, parfois trop sensible, à l'expérience clinique.
Au terme de cette démarche diagnostique, plusieurs entités lésionnelles méritent d'être individualisées.
Les entorses périphériques.
Prédominant au compartiment médial, ces entorses qui atteignent indifféremment le ligament collatéral médial (ligament latéral interne) ou le ligament collatéral latéral (ligament latéral externe) sont de gravité variable (grade 1 a III) suivant qu'existe une simple élongation, une déchirure partielle ou une déchirure complète.
Leur tableau clinique est parfois celui d'un faux accident méniscal avec flexum élastique douloureux. Les radiographies standard éliminent une fracture parcellaire ou un décollement épiphysaire associé. Le traitement repose sur l'immobilisation en attelle amovible ou une genouillère plâtrée, quelque fois la mise en décharge, rarement la réparation chirurgicale d'une déchirure complète.
Le pronostic de ces lésions est plutôt favorable, bien que les délais de récupération soient parfois prolonges.
La fracture de l'éminence intercondylienne antérieure (Feica.)
Elle représente l'avulsion du pied d'insertion sur le tibia des ligaments croisés : soit le ligament croisé antérieur sur la surface préspinale, soit le ligament croisé postérieur sur la surface rétro-spinale.
Cette entité lésionnelle était autrefois appelée sous le terme de fracture arrachement de l'épine ou du massif de l'épine tibiale.
Son mécanisme de production est un traumatisme du genou, soit en flexion, soit en hyper-extension.
Ces lésions nécessitent un bilan radiographique très soigneux.
Le traitement poursuit un double objectif : rétablir la congruence articulaire en évitant un butoir à l'extension lié à cette espèce de clapet osseux ; restaurer la continuité ligamentaire du ligament croise antérieur en faisant consolider son pied d'insertion.
Si les lésions sont peu ou non déplacées, le recours au traitement orthopédique par remise en quasi extension sous anesthésie, suivie d'une immobilisation plâtrée suffit dans certains cas à l'obtention d'une réduction pratiquement anatomique.
Dans les situations de déplacement important, la chirurgie traditionnelle ou arthroscopique autorise une réduction anatomique suivie de fixation suivant des modalités variables selon les écoles.
Une prise en charge chirurgicale spécialisée expérimentée diminue considérablement le risque de complications.
La rupture ligamentaire du croise antérieur.
Elle peut se situer au plafond, en plein corps ou au plancher.
Elle peut être partielle, encore plus souvent chez l'enfant que chez l'adulte.
Elle s'accompagne volontiers de lésions associées, tout particulièrement méniscale interne ou externe.
Le traitement chirurgical initial en urgence ne présente guère d'intérêt.
Il est préférable de mettre en route un traitement conservateur avec immobilisation antalgique de courte durée (environ deux semaines), suivie d'une période de rééducation ré-équilibrant le couple quadriceps-ischio-jambiers. Au terme de cette rééducation, le retour contrôlé et progressif aux activités sportives se fera sous surveillance. En cas de lésions méniscales, il faut éviter la méniscectomie intempestive, et favoriser l'attitude la plus conservatrice possible observation ou suture.
Lorsque la rupture du ligament croisé antérieur évolue vers une instabilité antérieure chronique du genou, l'attitude thérapeutique est délicate.
Le recours à une reconstruction ligamentaire se justifie souvent malgré les exigences techniques liées à l'âge.
Le greffon substituant le ligament croisé antérieur peut être les tendons ischio-jambiers ou un élément tendineux (avec ou sans greffon osseux d'attache) prélevé sur l'appareil extenseur.
Les résultats sont dans l'ensemble satisfaisants du point de vue de la restitution de la stabilité et de la protection du capital méniscal et cartilagineux.
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