Pour illustrer les liens très étroits unissant le diabète et l'obésité, le terme de « diabésité » a été proposé. Un débat d'experts s'est organisé autour de ce nouveau concept avec des répercussions pratiques sur la prise en charge des patients obèses et diabétiques.
LES ARGUMENTS en faveur de mécanismes physiopathologiques communs entre obésité, diabète de type 2 et maladies cardio-vasculaires se multiplient, justifiant le terme de « diabésité ». L'état inflammatoire induit par l'obésité est à l'origine d'une augmentation de la production adipocytaire d'adipokines, de PAI-1 et d'acides gras libres et d'une diminution de celle d'adiponectine.
Ces modifications sont à leur tour responsables d'une dysfonction endothéliale, d'une élévation de l'expression des PPAR alpha, d'un état de stéatose hépatique, d'une insulinorésistance musculaire (y compris au niveau du coeur avec une fonction diastolique altérée), d'une augmentation de l'apoptose des cellules bêtapancréatiques et probablement d'une altération des fonctions cognitives. L'augmentation des acides gras libres au niveau hépatique est responsable d'une insulinorésistance avec augmentation de la production de glucose par le foie, élévation des triglycérides et du VLDL cholestérol associés à une baisse du HDL cholestérol et une élévation des particules de LDL cholestérol petites et denses particulièrement athérogènes.
Ce concept physiopathologique est bel et bien une réalité clinique. K. Narayan (« Diabetes Care » 2007 ; 30 : 1562-6) a mis en évidence chez la femme une augmentation régulière du risque de diabète avec l'élévation de l'indice de masse corporelle (IMC) ; le risque est d'autant plus important que la femme est jeune et l'obèsité sévère. De même, la Quebec Family Study a montré qu'il existe une relation étroite entre le degré d'adiposité viscérale (mesuré au scanner) et celui d'athérogénicité (évalué sur l'hyperinsulinémie, l'hyperapolipoprotéinémie B et le taux de particules de LDL-C petites et denses). Enfin, Rosso, en se fondant sur les données de l'étude Framingham, a mis en évidence une corrélation entre la graisse péricardiaque et les calcifications coronaires.
Perdre du poids dans tous les cas.
Le bénéfice de la perte pondérale pour diminuer le risque de diabète chez les patients en surpoids ou obèses est clairement établi. Dans l'étude Xendos, l'association d'orlistat et de mesures hygiéno-diététiques chez des personnes obèses diminue davantage le risque de diabète que les mesures hygiéno-diététiques seules (réduction de 37 % du risque ; p = 0,0032). Le bénéfice est encore plus grand chez les patients obèses et intolérants au glucose (réduction de 45 % ; p = 0,0024).
La Look Ahead Study a montré l'efficacité d'une prise en charge hygiéno-diététique intensive chez des patients diabétiques de type 2, avec une baisse du poids, du taux d'HbA1c, des chiffres tensionnels et un profil lipidique amélioré. Pour sa part, S. T. Adam a prouvé l'intérêt de la chirurgie bariatrique sur le poids et le contrôle glycémique des patients obèses, avec une réduction de 88 % des diabètes de type 2 après l'intervention par rapport aux témoins.
Et comme l'a souligné Priscilla Hollander (Dallas), la nouvelle classe pharmacothérapeutique des antagonistes sélectifs des récepteurs endocannabinoïdes est dotée de mécanismes d'action ciblant parfaitement les modifications observées chez les patients obèses et diabétiques. Ils diminuent les prises alimentaires et augmentent les dépenses énergétiques (réduction pondérale). Au niveau adipocytaire, ils élèvent la production d'adiponectine et la lipolyse (amélioration de la dyslipidémie et l'insulinorésistance). Au niveau du muscle, ils favorisent la captation du glucose sous l'influence de l'insuline et augmentent l'oxydation des acides gras. Enfin, ils diminuent la synthèse hépatique des acides gras et améliorent le profil lipidique.
Le rimonabant, premier représentant de cette nouvelle classe, a fait l'objet de nombreux travaux, en particulier chez les patients diabétiques et obèses ou en surpoids : étude RIO-Diabetes (rimonabant versus placebo chez des patients diabétiques déjà traités par metformine), étude SERENADE (rimonabant versus placebo chez des patients diabétiques naïfs de traitement) et étude ARPEGGIO (rimonabant versus placebo chez des patients diabétiques traités par insuline) dont les résultats viennent d'être communiqués.
Dans l'étude RIO-Diabetes, la baisse de l'HbA1c dans le groupe rimonabant par rapport au groupe placebo était de 0,7 %, la réduction pondérale était de 3,9 kg et la réduction de la glycémie à jeun de 0,97 mmol/l. Dans l'étude SERENADE, la réduction de l'HbA1c (par rapport au placebo) était de 0,51 %, celle du poids de 3,9 kg et celle de la glycémie à jeun de 0,8 mmol/l.
Une étude sur le rimonabant.
ARPEGGIO est une étude multicentrique, randomisée et contrôlée, en double aveugle, comportant deux groupes de traitement parallèles recevant, soit 20 mg par jour de rimonabant, soit un placebo. Trois cent soixante-huit patients diabétiques de type 2, traités par insuline (au moins 30 U/j depuis au moins 3 mois) et insuffisamment contrôlés par le traitement (HbA1c > 7%) ont été inclus (181 dans le groupe rimonabant et 187 dans le groupe placebo). L'IMC moyen était de 34,6 kg/m2. Le principal objectif de l'étude était d'évaluer l'effet du rimonabant sur le taux d'HbA1c pendant une période de 48 semaines ; les objectifs secondaires concernaient le poids, le tour de taille, les lipides, la glycémie et la tolérance.
Ainsi, au terme de l'étude, les auteurs ont constaté une baisse de l'HbA1c de 0,89 % par rapport au taux de départ dans le groupe rimonabant, correspondant à une réduction de 0,64 % par rapport au groupe témoin (p < 0,0001). Le rimonabant a permis de tripler le nombre de patients ayant atteint l'objectif recommandé avec un taux d'HbA1c ≤ 7% (18,4 % vs 6,75 % ; p = 0,0012), de diminuer significativement la glycémie à jeun par rapport au groupe témoin (– 0,88 mmol/l par rapport au placebo ; p = 0,0193) et de réduire le poids par rapport au placebo (– 2,56 kg ; p < 0,0001).
Les patients ayant pu réduire la dose journalière d'insuline de plus de 10 % ont été plus nombreux dans le groupe rimonabant que dans le groupe placebo (16,8 % vs 5,8 % ; p < 0,0012) et il y a eu moins d'ajouts d'insuline (14 % vs 34,9 % ; p < 0,0001). Le taux de triglycérides a baissé de 4 % dans le groupe rimonabant et s'est élevé de 7,6 % dans le groupe placebo (p = 0,02) ; tandis que celui de HDL cholestérol s'est élevé de 3,1 % dans le groupe rimonabant et a baissé de 7,1 % dans le groupe témoin (p < 0,0001).
Le profil de tolérance du rimonabant a été conforme à celui observé dans les études antérieures. Dans le groupe rimonabant, il y a eu davantage de troubles digestifs (nausées = 11 % vs 1,6 % ; diarrhée = 7,3 % vs 6,4 %) et de troubles psychiques (anxiété : 14 % vs 4,3 %, humeur dépressive 10,1 % vs 4,3 %), mais il n'y a pas eu plus d'effets indésirables graves. ARPEGGIO fait partie du programme de phase IIIB évaluant l'intérêt du rimonabant dans la prise en charge du diabète de type 2 et des maladies cardio-vasculaires.
D'après la communication orale de Priscilla Hollander (Dallas) sur les résultats de l'étude ARPEGGIO et les communications de Michael Jensen (Mayo Clinic, Rochester), d'Umberto Pagotto (Bologne) et de Priscilla Hollander au cours du symposium « Controverses sur la diabésité » parrainé par sanofi-aventis.
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