LE SANG périphérique semble contenir divers biomarqueurs permettant le diagnostic et le suivi évolutif de la maladie d’Alzheimer. Une équipe britannique vient en effet de montrer, via une approche protéomique, qu’il existe au moins une quinzaine de protéines dont la concentration plasmatique est modifiée chez les patients atteints par la maladie d’Alzheimer. Le dosage sanguin de certaines de ces protéines pourrait même permettre de suivre la progression de la maladie, leur concentration variant suivant les différents stades cliniques de la pathologie.
De nombreuses études visant à identifier des marqueurs biologiques spécifiques de la maladie d’Alzheimer ont focalisé leur attention sur les protéines circulant dans le liquide céphalo-rachidien. Hye et coll., quant à eux, ont choisi d’étudier celles présentes dans le sang périphérique, cela pour plusieurs raisons : tout d’abord, le prélèvement d’échantillons de liquide céphalo-rachidien par ponction lombaire, de manière répétée et chez des sujets âgés et malades, n’est pas anodin ; le sang périphérique est bien moins problématique à recueillir. Par ailleurs, sachant que plus de 500 ml de liquide céphalo-rachidien passent chaque jour dans la circulation sanguine, l’analyse du plasma est finalement un moyen indirect d’étudier le contenu protéique du liquide céphalo-rachidien. Enfin, dans le cas de la maladie d’Alzheimer, l’altération de la barrière hémato-encéphalique observée au cours de la maladie conduit vraisemblablement à un enrichissement du sang périphérique en protéines normalement présentes, surtout dans le cerveau.
Hye et coll. ont donc analysé le sang de patients atteints par la maladie d’Alzheimer et celui de témoins sains, à la recherche de différences concernant leur contenu protéique. Ils ont utilisé une stratégie d’analyse globale en se fondant sur l’électrophorèse en deux dimensions. Cette technique permet de séparer la plupart des protéines d’un échantillon biologique en fonction de leurs propriétés physico-chimiques et de leur poids moléculaire. Elle conduit à l’obtention d’un profil protéique spécifique de chaque échantillon examiné, qui se présente sous la forme d’un ensemble de taches réparties aléatoirement, de diamètre et de densité variables. Ces taches correspondent à différentes protéines ou mélanges de protéines. Leur diamètre et leur densité renseignent sur leur quantité dans l’échantillon analysé.
Une première série d’analyses, effectuée à partir du sang de 50 malades et de 50 témoins, a permis aux chercheurs d’identifier différentes taches spécifiquement associées au plasma des malades ou des témoins. Ces différences suffisent à déterminer le statut d’individus (« malades » ou « sains ») avec une sensibilité de 56 % et une spécificité de 80 %. Hye et coll. ont ensuite mis en évidence une quinzaine de taches dont la densité varie significativement selon le statut des patients.
Facteur H et alpha 2-macroglobuline.
L’utilisation de la spectrométrie de masse leur a permis de caractériser leur composition protéique. Onze protéines, presque toutes impliquées dans la régulation de l’activité du système immunitaire, ont ainsi été identifiées. Deux d’entre elles ont retenu l’attention des chercheurs : le facteur H (CFH) et l’alpha 2-macroglobuline (alpha 2-M). Ces deux protéines sont celles dont la concentration plasmatique varie le plus en fonction du statut des patients. L’analyse de leur concentration plasmatique par Immunoblot a montré que leur quantification suffit à diagnostiquer la maladie d’Alzheimer avec une sensibilité de 62 % et une spécificité de 60 %. De plus, l’expérience a mis en évidence une corrélation entre l’élévation de la quantité de ces deux protéines dans le sang des patients et la sévérité de leur maladie.
L’ensemble de ce travail démontre donc l’existence de biomarqueurs spécifiques de la maladie d’Alzheimer dans le sang périphérique. Les résultats préliminaires obtenus suggèrent en outre que ces biomarqueurs devraient permettre le développement de tests diagnostiques fiables et efficaces. Ces tests pourraient faciliter le dépistage précoce de la maladie, ainsi qu’un suivi de sa progression et de la réponse aux traitements.
Hye A. et coll. « Brain », 2006, vol. 129, pp. 3042-3050.
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