POUR LIMITER le risque d’apparition de radiodermites de haut grade – qui contraignent à espacer les cures de radiothérapie –, l’équipe du Dr Frank Pajonk (Fribourg, Allemagne) a mis en place des protocoles dermatologiques fondés sur l’application de crèmes hydratantes associées à des extraits de thé noir ou vert appliqués de façon topique, en l’absence de desquamation. Des études préalables avaient en effet prouvé que l’application de ce type d’extraits pouvait contribuer à limiter l’apparition des lésions cutanées de grade 2 + en période d’irradiation de tumeurs solides.
Sur l’ensemble des lésions non desquamantes.
Les oncologues allemands ont fait appliquer par les patients un extrait de thé vert ou noir trois fois par jour sur l’ensemble des lésions non desquamantes. L’effet était mesuré quotidiennement par une infirmière. Les 60 patients inclus présentaient soit des lésions de la tête et du cou, soit une tumeur pelvienne. Chez les sujets atteints d’un cancer de la tête et du cou, l’application de thé vert n’a pas permis de limiter l’apparition de lésions de grade 2 + par rapport à celle de thé noir. En revanche, chez les sujets atteints de néoplasie pelvienne, le thé vert appliqué localement a permis de limiter la durée d’évolution des lésions de radiodermite grave.
L’analyse en sous-groupe a permis de montrer que c’est chez les sujets recevant des protocoles de radio-chimiothérapie que cet effet protecteur a été le plus marqué. «Néanmoins, le nombre de ces patients étant peu important, il est difficile de conclure de façon définitive à un effet protecteur du thé vert par rapport au thé noir dans cette indication», analysent les auteurs.
Taux des cytokines pro-inflammatoires.
Pour mieux comprendre les mécanismes d’action du thé vert et du thé noir, le Dr Frank Pajonk a procédé à une mesure du taux des cytokines pro-inflammatoires activant les monocytes sur des cultures de cellules mises en contact avec un lyophilisat d’extrait de thé obtenu à partir d’une infusion de deux sachets de thé dans une eau à 70 °C pendant dix minutes. Les résidus secs des deux types de thé ont contribué à faire diminuer de façon dose-dépendante les taux d’IL1 bêta, IL6, IL8, de TNF-alpha et PGE2 induits en réponse à l’inflammation.
Au cours de l’étape suivante, les chercheurs ont analysé l’impact des extraits de thé sur les signaux de la transduction dans les cellules immunitaires (macrophages et monocytes) irradiées, puisque des travaux avaient déjà montré que les polyphénols extraits du thé inhibent la fonction protéasome de cellules non irradiées. Pour cela, ils ont mesuré en continutrois activités protéasomes de cellules irradiées en présence de différentes concentrations d’extraits de thé vert : chymotriptyque, triptyque et 26 S peptidyl-glutamyl. A la concentration de 2 %, les extraits de thé vert inhibent totalement l’activité protéasome chymotriptyque 26 S. Les extraits de thé noir étaient encore plus efficaces dans ce domaine, puisque, même à une concentration de 0,5 %, ils inhibaient totalement les activités protéasome chymotriptyque 26 S et peptidyl-glutamyl 26 S. En revanche, l’activité triptyque n’était pas inhibée de façon dose-dépendante par les extraits de thé noir.
Prenant en compte ces données, les auteurs ont voulu vérifier si les extraits de thé pouvaient avoir un effet sur l’activité de clivage NF-kappa B par un mécanisme caspase dépendant. Les deux types d’extrait, à des concentrations comprises entre 0,4 et 4 %, ont majoré l’activité NF-kappa B, alors que, si les extraits étaient plus dilués, il se produisait une baisse de cette activité. Ces modifications sont liées à une action directe sur les cascades intracellulaires p38 MAPK et par un effet inhibiteur des kinases I kappa. Pour les auteurs, « les seuls polyphénols du thé ne peuvent suffire à expliquer l’ensemble de ces actions, et l’activité protectrice des extraits de thé vis-à-vis des radiations ionisantes pourrait faire appel à d’autres constituants du thé qui n’agiraient pas seulement sur l’inflammation ».
« BMC Medicine » 2006, 1er décembre.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature