L’AUGMENTATION du risque cardio-vasculaire avec les coxibs a été suspectée pour la première fois, en 2000, lors de la présentation des résultats de l’étude Vigor, qui comparait le rofécoxib (Vioxx) au naproxène. L’excès d’événements cardio-vasculaires dans le bras rofécoxib par rapport au bras naproxène était observé dès le troisième mois de l’étude, vraisemblablement en rapport avec la différence d’effet sur l’agrégation plaquettaire de ces deux produits. A l’époque, les explications données étaient plutôt rassurantes. Un programme d’études a pu être entrepris dans la prévention au long cours – trois ans – des récidives de polypes colorectaux, que ce soit avec le rofécoxib (étude Approve) ou avec le célécoxib (Célébrex) (études APC et PreSAP), et ce, en concertation avec la FDA (Food and Drug Administration), parce que les coxibs avaient une tolérance digestive qui permettait ce traitement prolongé à fortes doses. Ces études ont démasqué, aussi bien pour le rofécoxib que pour le célécoxib, un excès d’événements cardio-vasculaires au-delà du 18e mois de traitement. Ces résultats ont relancé la polémique et ont eu pour conséquence le retrait, par la firme, du rofécoxib en 2004, alors que le célécoxib était maintenu. La réévaluation, par l’Agence européenne pour l’évaluation des médicaments (Emea) en Europe et la FDA aux Etats-Unis, du rapport bénéfices/risques des coxibs n’a pas remis en cause leur bénéfice. Leur autorisation de mise sur le marché a été maintenue. Cependant, un certain nombre de mentions sur la nécessaire prise en compte du risque cardio-vasculaire ont été ajoutées dans leurs mentions légales. Par ailleurs, une étude à long terme dans la maladie d’Alzheimer, qui comparait le célécoxib au naproxène, a également été interrompue du fait d’un excès de risque cardio-vasculaire dans le groupe traité par naproxène. La question de l’éventuelle toxicité cardio-vasculaire des Ains classiques a donc aussi été posée.
Deux groupes d’experts.
Constatant que le rapport bénéfice-risque n’était pas remis en cause, le groupe Celisco (Comité d’expertise de l’inhibition spécifique de la Cox-2), constitué de rhumatologues et de gastro-entérologues, et le groupe Cardiocouncil, constitué de cardiologues et de néphrologues, ont établi des recommandations de prescription des Ains qui seront rappelées lors de cette session du MEDEC.
Actuellement, on reconnaît toujours aux coxibs une moindre toxicité digestive comparativement aux Ains classiques (diminution de l’ordre de 50 %). De façon un peu simpliste, il avait été considéré que, si les coxibs étaient mieux tolérés, ils devraient réduire la consommation des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP). Une réponse partielle a été apportée par les résultats de l’étude Cadeus (B. Begaud, N. Moore, Bordeaux) réalisée en partenariat avec l’assurance-maladie. Elle a porté sur 46 000 patients : 22 000 traités par Ains classiques, dont un tiers par ibuprofène, 11 000 par célécoxib et 11 000 par rofécoxib. Les patients inclus dans cette étude présentaient des différences notables : ceux traités par ibuprofène étaient relativement jeunes, prenaient un traitement antalgique à court terme ; ceux traités par coxibs étaient plus âgés de dix ans et plus à risque à la fois cardio-vasculaire et digestif ; certains étaient sous aspirine. Néanmoins, aucun excès d’événements cardio-vasculaires ou digestifs n’a été observé dans un groupe ou dans l’autre, par rapport à l’incidence attendue.
Si l’on prend en compte l’âge et les facteurs de risque, on observe une moindre co-prescription des IPP chez les patients sous coxib que chez ceux traités par Ains classiques.
Sur le plan cardio-vasculaire, des événements précoces, au cours des trois premiers mois, ont été mis en évidence dans l’étude Vigor comparant le rofécoxib au naproxène qui possède une puissante activité antiagrégante plaquettaire. Les patients étant privés d’aspirine, il y a eu un excès d’IDM par effet thrombogène. En dehors de l’étude Vigor, aucune étude comparant des coxibs à des Ains à court terme n’a pu reproduire ce résultat. Quant au célécoxib, l’étude Class, réalisée sur le même modèle, n’a pas montré d’excès de risque cardio-vasculaire à court terme. Dans les grandes études réalisées avec les coxibs dans des indications gastro-entérologiques (étude Approve avec le rofécoxib, études APC et PreSAP avec le célécoxib) et neurologiques (Adapt), les résultats n’ont mis en évidence une toxicité cardio-vasculaire – IDM et AVC – qu’au-delà du 18e mois. C’est le cas également du naproxène dans l’étude Adapt effectuée dans la maladie d’Alzheimer. Enfin, un article récent incrimine de la même manière l’aspirine qui peut combiner un effet bénéfique sur le plan cardio-vasculaire en raison de son effet antiplaquettaire et un effet toxique également sur le plan cardio-vasculaire, à long terme.
Il existe donc une certaine toxicité cardio-vasculaire des coxibs, comme des Ains classiques. Cela a été reconnu essentiellement par la FDA. L’Emea a révisé son jugement sur les coxibs, sans les mettre en perspective avec les Ains classiques. Au total, les effets cardio-vasculaires des coxibs sont mis en évidence dans des conditions quasi expérimentales : prise quotidienne, à long terme, à forte dose (étude Approve et APC), ou en comparaison avec des Ains fortement antiagrégants plaquettaires chez des patients ne recevant pas d’aspirine (étude Vigor). Cette toxicité cardio-vasculaire n’est pas retrouvée dans les conditions de la vie réelle (étude Cadeus).
D’après un entretien avec le Dr Bernard Avouac (Créteil).
Journée de rhumatologie « Recommandations d’experts : quel est le bénéfice-risque des Ains ? ». Présidé par le Dr Bernard Aouac.
Session parrainée par le laboratoire Pfizer, jeudi 16 mars, 14 h 30-16 h, code C10c.
Pour s’inscrire : www.lemedec.com ou secretariat@lemedec.com.
Renseignements : 0.800.204.408.
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