La responsabilité du médecin est particulièrement engagée dans la prescription des traitements de l'asthme, toujours sous-tendue par la crainte d'une tératogénicité. La barrière placentaire n'est pas infranchissable, les études menées chez l'animal ne permettent pas d'éliminer formellement une toxicité chez le fœtus humain, et ni l'apparente innocuité du médicament chez l'adulte ou l'enfant, ni la structure chimique du médicament, ni même l'absence d'effet tératogène avec les molécules de même classe thérapeutique ne peuvent totalement rassurer. S'il importe de rester vigilant, on doit aussi garder à l'esprit que la plupart des complications fœto-maternelles sont liées au non-contrôle de l'asthme, d'autant plus susceptible de s'aggraver pendant la grossesse que la hantise d'une teratogénicité amène bien souvent à le réduire si ce n'est l'arrêter inopinément. Il est essentiel d'informer franchement la future mère des risques potentiels liés au traitement mais aussi de ceux encourus par le bébé même pour de petites hypoxies.
Préférer les corticoïdes inhalés
Les informations concernant l’usage des corticostéroïdes (CSI) inhalés sont rassurantes, en particulier avec la beclométhasone et le budesonide pour lesquels on a plus de 25 ans de recul. Il existe un risque tératogène (fentes labiales et labiopalatines) chez l'animal, mais une méta-analyse récente des études n'a pas mis en évidence d'augmentation des malformations fœtales ni des complications obstétricales type HTA gravidique ou pré éclampsie. Le danger serait plutôt celui de la réduction ou de l'arrêt des CSI responsables d'une aggravation de l'asthme. "Pour le GINA" insiste le Pr Benoît WALLAERT (Lille) "les CSI, en réduisant très significativement la survenue des exacerbations, ont une indication formelle pour le traitement de fond de première intention dans l’asthme persistant de la femme enceinte". Par contre les corticoïdes par voie orale sont associés à un surrisque de fentes palatines, de diabète gestationnel, d'accouchement prématuré, d'HTA gravidique et de pré éclampsie, sans qu'on puisse toutefois exclure le rôle confondant de la sévérité de l’asthme. "En pratique" explique le Pr Pascal DEMOULY (Montpellier) "on préfèrera les CSI mais une exacerbation sévère peut justifier la prise de CS systémiques, le risque étant inférieur au bénéfice".
Avec les ß2agonistes de courte durée d'action, la tératogénicité animale est exceptionnelle et les données humaines sont rassurantes; le salbutamol est fréquemment utilisé à visée tocolytique dans les menaces d'accouchement prématuré, et même par voie IV et à forte dose ne semble pas responsable d'une toxicité avec un recul cliniques de plusieurs dizaines d'années. On n'a pas mis non plus en évidence de risque avec le gaz propulseur des aérosols, le HFA 134a (tétrafluoroéthane). On n'hésitera donc pas à recourir aux ß2agonistes de courte durée d'action, salbutamol et terbutaline pour enrayer la crise d'asthme. En ce qui concerne les ß2agonistes à longue durée d'action, leur teratogénicité semble faible à forte doses chez l'animal; les données chez la femme sont rares et plutôt rassurantes, "cependant l'absence de risque déclaré n'est pas une absence de risque ! Par précaution, la question de leur utilité devra toujours être discutée, mais s'ils permettent seuls de contrôler un asthme persistant, il n'y a pas non plus de raison de les arrêter" explique Pascal DEMOULY. L'effet myorelaxant utérin est moins marqué avec la voie inhalée qu'avec la voie orale, il est néanmoins préférable d'arrêter les ß2agonistes avant l'accouchement pour éviter le risque hémorragique.
Les bronchodilatateurs anti-cholinergiques inhalés sont peu absorbés par les muqueuses, et aucun effet tératogène animal ou humain n'a été mis en évidence. Il semble toutefois préférable de ne pas les prescrire systématiquement au cours du premier trimestre de la grossesse et de ne les réserver qu'aux exacerbations d’asthme en association aux ß2mimétiques inhalés. En l'absence de données sur l'ipratropium, le plus récent, on l'évitera au cours du premier trimestre
La théophylline s'est révélée tératogène chez l'animal mais pas chez l'homme. Par contre elle majore nausées et reflux gastro-œsophagien, et surtout le risque de prématurité et d'éclampsie. Il est donc recommandé de ne pas débuter un traitement par théophylline en cours de grossesse et d'interdire les bolus en cas d'exacerbations; il est cependant licite de continuer un traitement déjà institué permettant de bien contrôler la maladie, sous surveillance des taux thérapeutiques et en l'absence de RGO.
Les cromones inhalées sont autorisées pendant la grossesse, car elles ne sont pas absorbées et aucune tératogénicité animale n'a été mise en évidence. Leur place réelle est cependant limitée du fait d'une efficacité assez modeste. Elles ne sauraient constituer un traitement de fond de l'asthme mais constituent une alternative thérapeutique en association aux CSI en alternative thérapeutique. Les galéniques locales, collyres ou gouttes nasales se révèlent par contre bien utiles dans le traitement des rhinites ou des rhinoconjonctivites allergiques.
Prudence pour les molécules les plus récentes
On reste toujours circonspect avec les nouvelles thérapeutiques. Les données de l'industrie ne font pas état d'une tératogénicité chez l'animal avec le montelukast, antagonistes des récepteurs des leucotriènes, mais en l'absence de données cliniques, il reste préférable de l'éviter au cours du premier trimestre de la grossesse; même chose pour l'omalizumab, anticorps monoclonal anti-IgE humanisé, dont l'innocuité en cours de grossesse n’a pas été établie.
L'immunothérapie sublinguale n’a pas été étudiée spécifiquement en cours de grossesse. Le risque lié à l'immunothérapie spécifique (ITS) par voie sous-cutanée est celui d'une réaction anaphylactique et donc d'une hypoxie fœtale. Aussi si une ITS est engagée on peut la poursuivre sans toutefois augmenter les doses et il est par contre fortement recommandé de ne pas l'initier pendant la grossesse.
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