POUR LA PREMIÈRE fois, cette année, le 25 avril est célébré en tant que Journée mondiale contre le paludisme. Ainsi en a décidé l'Assemblée mondiale de la santé qui réunit chaque année les 192 pays membres de l'OMS (Organisation mondiale de la santé), lors sa 60e session en mai 2007. La Journée mondiale remplace la Journée africaine de lutte contre le paludisme instituée lors du sommet d'Abuja en avril 2000 par 44 pays africains qui s'étaient engagés à réduire le fardeau que constitue encore pour l'Afrique cette maladie décrite dès l'Antiquité, dont le parasite, Plasmodium falciparum, et le vecteur, l'anophèle, ont été identifiées depuis plus de cent ans. Aujourd'hui, elle demeure la maladie parasitaire la plus répandue dans le monde : 40 % de la population mondiale vit dans une région impaludée et de 350 millions à 500 millions de personnes sont infectées chaque année, avec plus de 1 million de décès. L'Afrique regroupe 60 % des cas et 90 % des décès liés à la maladie, avec une vulnérabilité particulière des femmes enceintes et des plus jeunes. Toutes les trente secondes, un enfant y meurt du paludisme.
Maladie sans frontières.
Cependant, comme l'affirme le partenariat Faire reculer le paludisme, organisateur de la journée, l'infection à Plasmodium falciparum est une «maladie sans frontières». Elle affecte aussi l'Asie, l'Amérique latine, le Moyen-Orient et même certaines parties de l'Europe. On compte chaque année 12 000 cas de paludisme en Europe occidentale. Les moustiques vecteurs peuvent voyager clandestinement parmi les passagers ou les cargaisons de marchandises lors des vols internationaux, tandis que le réchauffement climatique et les changements environnementaux favorisent l'implantation dans de nouveaux territoires. Rappelons que la maladie est présente dans le département français de Guyane et la communauté territoriale de Mayotte.
En dépit du sombre tableau qui vient d'être dressé, auquel s'ajoute encore l'impact considérable sur des économies déjà fragiles – la maladie entraîne chaque année une perte de 12 milliards de dollars dans les pays d'Afrique subsaharienne –, la mobilisation d'aujourd'hui, officiellement lancée à Livingstone en Zambie, est placée sous le signe de l'optimisme. «C'est l'occasion de présenter les résultats positifs enregistrés dans les pays d'endémie depuis plusieurs années afin de relever le défi qui se présente à nous. La situation est bien meilleure aujourd'hui car nous disposons maintenant d'outils efficaces tant pour la prévention que pour le diagnostic ou le traitement de la maladie», déclare le Pr Awa Marie Coll-Seck, directrice du Partenariat.
Des outils efficaces et des résultats positifs.
Des moustiquaires imprégnées longue durée (cinq ans) de nouvelle génération sont maintenant disponibles. Depuis 2004, leur production a doublé, passant de 30 à plus de 60 millions. «L'objectif est de pouvoir en distribuer entre 150millions et 250millions afin de couvrir 80% des personnes exposées en Afrique», souligne le partenariat. Face à l'émergence de nombreuses résistances à la chloroquine, de nouvelles combinaisons thérapeutique à base d'artémisinine (ACT) ont été développées, mais leur coût accentue les difficultés d'accès. Elles sont «de 10 à 20fois plus onéreuses que les traitements traditionnels». Grâce aux campagnes de distribution de moustiquaires et d'antipaludiques, plusieurs pays, comme l'Ethiopie, le Vietnam, le Brésil, ont réussi à réduire de 50 % le nombre de décès liés au paludisme. En Ethiopie, plus de 20 millions de moustiquaires imprégnées et la fourniture d'ACT dans le secteur public (1 million en 2004 et 5 millions en 2007) ont permis de réduire le nombre de morts parmi les enfants de moins de 5 ans, de 51 %. Au Brésil, l'utilisation judicieuse des pulvérisations intradomiciliaires d'insecticide et la fourniture de traitements a fait chuter le nombre de décès de 60 % entre 1989 et 1996, soit 2 millions de cas et 200 000 morts évités.
Toutes ces interventions, de même que les efforts de recherche (vaccins et nouveaux médicaments), ont un coût. Les fonds versés par les donateurs sont passés en dix ans de moins de 100 millions à environ 1 milliard de dollars pour cette année. Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, principal contributeur (70 % du financement international), a approuvé en janvier 2008, 47 projets dans 79 pays pour un total de 3,7 milliards sur cinq ans. «Seulement un tiers des besoins mondiaux sont couverts», déplore le Pr Coll-Seck. Le Partenariat estime que 3,2 milliards seront nécessaires pour atteindre l'un des objectifs du Millénaire pour le développement, à savoir réduire de moitié la charge du paludisme d'ici à 2010. L'appel est lancé d'une collaboration et d'un partenariat entre acteurs publics et privés tant au niveau communautaire que national ou international.
Nouvelle association à doses fixes
Un partenariat innovant entre la compagnie pharmaceutique publique brésilienne, Farmanguinhos/Flocruz et l'organisation à but non lucratif de développement de médicaments contre les maladies négligées (DNDi) a permis le lancement, au Brésil, le 17 avril dernier, d'une nouvelle association à doses fixes d'artésunate (AS) et de méfloquine (MQ).
Facile d'utilisation, l'association ASMQ, la première du genre à être lancée au Brésil pour une maladie négligée, se présente sous forme de comprimés pour un traitement simplifié chez l'enfant et l'adulte (3 conditionnements disponibles et un code couleur pour les différents dosages) : 1 ou 2 comprimés pendant trois jours. C'est la première association dont la durée de conservation est de trois ans dans des conditions tropicales. Non brevetée, elle sera proposée à prix coûtant (2,50 dollars pour un traitement complet chez l'adulte) aux structures publiques des pays endémiques.
C'est la deuxième mise sur le marché d'un médicament développé grâce à un partenariat innovant entre le DNDi et un laboratoire. ASAQ, association entre l'artésunate (AS) et l'amodiaquine (AQ) lancée en mars 2007 avec le soutien de sanofi-aventis, est aujourd'hui disponible dans 21 pays et plus de 1 million de traitements ont été distribués.
Partenariat et coalition
Le partenariat Faire reculer le paludisme (www.rollbackmalaria.org) a été créé en 1998 pour coordonner les actions de lutte avec l'OMS, l'UNICEF, le PNUD et la Banque mondiale. Il est, depuis 2006, membre de la coalition française contre le paludisme lancée en 2006 à l'initiative de l'association Amis du fonds mondial Europe, présidée par le Dr Michèle Barzach, ancien ministre de la Santé. Il s'agit d'un réseau de partenaires publics et privés qui se mobilisent pour développer un plaidoyer auprès de l'opinion publique et des responsables politiques au nord comme au sud. Une trentaine de membres en font partie, des institutionnels comme le ministère des Affaires étrangères ou le ministère de la Santé, des organisations internationales (Fonds mondial, UNICEF, partenariat Faire reculer le paludisme), des associations (Association nationale des étudiants de France), des ONG (DNDi, Médecins du monde, Equilibres & Populations), des instituts de recherche (Pasteur, IRD), des laboratoires pharmaceutiques (GlaxoSmithKline, sanofi-aventis). Le 22 avril, la coalition a organisé à l'Institut Pasteur une conférence pour Agir ensemble pour vaincre le paludisme et rappeler les enjeux de la journée mondiale.
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