A 33 ANS, l'ancien lieutenant de Lance Armstrong, Tyler Hamilton, est tombé à l'occasion d'un contrôle sanguin diligenté lors de la Vuelta, le tour d'Espagne, vendredi dernier. Six jours auparavant, il avait remporté la victoire dans la huitième étape de l'épreuve, s'imposant dans le contre-la-montre de 10,1 kilomètres à Almussafes, le jour anniversaire des attentats du 11 septembre. Quelques semaines plus tôt, cet ancien équipier de l'US Postal, aujourd'hui coureur vedette de la formation suisse Phonak, avait été couronné à Athènes lors du contre-la-montre des JO, le 18 août, premier devant le Russe Viatcheslav et un autre Américain, Bobby Julich.
« Si le cas reste positif, ce sera une première pour cette forme de dopage », a souligné le président de l'Agence mondiale antidopage (AMA), Dick Pound. L'AMA vient tout juste de valider scientifiquement le procédé qui a été étrenné par l'Union cycliste internationale (UCI) pour la Vuelta. Un procédé qui permet de détecter des cas de transfusion homologue, avec un sang fourni par un donneur compatible.
Les soupçons planaient depuis les années 1970.
Depuis le début des années 1970, à l'époque des victoires à répétition des coureurs de demi-fond finlandais en athlétisme, les soupçons de dopage sanguin planent sur les sports d'endurance. « Ce procédé a été mis à mal à partir de 1985, estime le Dr Gérard Din, président de l'Institut de biotechnologies de Troyes, conseiller auprès du président de l'UCI Hein Verbruggen, en raison des risques de contamination par le VIH et le VHC, mais l'entrée en application du test EPO par voie urinaire a sans doute relancé l'intérêt des milieux du dopage pour les méthodes sanguines. »
Ces méthodes ont notamment été mises au point par un institut d'hématologie de Sydney, qui s'appuient sur la quantification des antigènes des groupes sanguins et qui sont mises en œuvre dans deux laboratoires spécialisés, à Athènes et à Lausanne (Suisse).
« Dans le cas des transfusions homologues provenant d'un donneur compatible, le procédé d'analyse vient d'être scientifiquement validé, qui met en évidence des différences antigéniques caractéristiques même entre sangs compatibles », explique le Pr Michel Rieu, conseiller scientifique du Comité de prévention et de lutte contre le dopage (Cpld).
Pratiquement, bien qu'aucune enquête n'ait pu formellement l'établir à ce jour, on soupçonne que le sportif dopé est accompagné pendant la compétition par un comparse qui le fournit avec son sang, éventuellement enrichi en érythropoïétine de manière à le reconstituer plus rapidement et à renouveler fréquemment les transfusions. Les risques anaphylactiques sont naturellement inhérents à de telles pratiques, sans parler de l'hypertension, des thromboses, etc., en particulier lorsque les transfusions sont répétées à un rythme soutenu et pour des volumes sanguins élevés.
Les autotransfusions comporteraient à cet égard des risques moindres, mais les méthodes de détection, qui reposent sur l'examen des courbes de Gauss caractéristiques du vieillissement des globules rouges, émergeraient actuellement sans bénéficier encore de toutes les validations scientifiques requises. La mise en œuvre de ces autotransfusions est rendue délicate par la nécessité de disposer de moyens sécurisés de stockage sanguin, tandis que, dans le cas des transfusions homologues, prélèvements et injections peuvent s'effectuer quasi simultanément.
« Il serait cependant naïf d'imaginer que le recours à ces techniques pourrait être à la portée de tous, estime le Pr Rieu : déterminer la compatibilité sanguine nécessite des analyses biologiques sophistiquées. »
Quoi qu'il en soit, dans l'attente des résultats de la contre-expertise, Tyler Hamilton, comme souvent les champions en pareille situation, proteste haut et fort de sa bonne foi, assurant devant la presse : « Cette affaire me fait l'effet d'un coup de tonnerre (...) Ma famille, mon équipe et mes amis le sont tout autant. Mais je peux vous garantir une chose, c'est que je suis innocent à 100 %. »
Selon des informations recueilles dans l'entourage de son équipe par l'AFP, Hamilton a encore fait l'objet d'un contrôle antidopage sanguin le 19 août au lendemain de sa victoire aux jeux Olympiques d'Athènes ; le quotidien sportif espagnol As affirme que son sang a été examiné plus minutieusement après la nouvelle du cas positif sur la Vuelta.
Pour l'équipe Phonak, il s'agit de la deuxième affaire de dopage de l'été, après le contrôle positif à l'EPO du Suisse Oscar Camenzind. L'ancien champion du monde, licencié par sa formation, a mis fin à sa carrière, avant d'être suspendu pour une durée de deux ans par le comité olympique suisse.
L'AMA interdit les bêta 2-agonistes
Réuni à Montréal (Canada), le comité exécutif de l'Agence mondiale antidopage (AMA) a adopté la nouvelle liste des produits et des méthodes interdits à partir du 1er janvier prochain. La liste, qui sera rendue publique le 1er octobre, comprend quelques changements par rapport à celle de 2004 : l'application cutanée de glucocorticoïdes n'y figure plus, tandis que les bêta 2-agonistes, souvent prescrits dans le traitement de l'asthme et sujet à polémiques parmi les experts, seront désormais interdits pendant et en dehors des compétitions. De plus, les perfusions intraveineuses à des fins non médicale sont « explicitement » interdites. « Il s'agit surtout d'une clarification », a commenté le président de l'AMA, Dick Pound.
Un précédent par la preuve matérielle
Deux athlètes, les skieurs de fond autrichiens Marc Mayer et Achim Walcher, avaient été sanctionnés en mai 2002 pour avoir recouru au dopage sanguin. Mais leur disqualification avait été entraînée par la découverte d'un matériel de transfusion dans la maison occupée par leur équipe, et non à la suite d'un test de détection. Le Comité international olympique avait estimé que les poches de sang retrouvées trahissaient une thérapie sanguine interdite par le règlement. L'enquête avait démontré que, contrairement au cas Hamilton, il ne s'agissait pas de transfusion homologue, mais d'une forme d'autotransfusion. Le sang était prélevé sur les athlètes et soumis à un rayonnement ultraviolet avant de leur être réinjecté.
L'injection de sang est considérée comme une manipulation et constitue une violation du code antidopage, avait déclaré à l'époque le CIO, soulignant que les Autrichiens n'avaient pas été en mesure de fournir la preuve qu'ils recouraient à cette technique dans le cadre d'un protocole thérapeutique.
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