PAR LE Pr THOMAS SIMILOWSKI ET LE Dr JESUS GONZALEZ-BERMEJO*
LES LÉSIONS traumatiques de la moelle cervicale peuvent entraîner la paralysie des muscles respiratoires, en plus de la tétraplégie. Les patients concernés sont dépendants d'une assistance respiratoire externe et doivent vivre reliés par un tuyau à un ventilateur externe. Cela altère une qualité de vie déjà très appauvrie, et complique considérablement la prise en charge et le retour au domicile. Il est possible de délivrer ces patients de ce lien vital en provoquant des contractions diaphragmatiques par une stimulation électrique des nerfs phréniques. Le service de pneumologie et de réanimation du groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière (Pr Similowski, Dr Gonzalez) anime depuis 1996 une activité de stimulation phrénique implantée unique en France, au sein d'une filière de soins qui inclut en particulier le service de chirurgie thoracique de l'hôpital européen Georges-Pompidou (Pr Riquet, Dr Le Pimpec-Barthes) et le service de médecine physique et de réadaptation de l'hôpital marin d'Hendaye (Dr Soudrie). Les indications de cette technique sont relativement limitées. En effet, l'intégrité du nerf phrénique est nécessaire, ce qui restreint l'application aux tétraplégiques hauts (C3 et au-dessus) qui sont heureusement rares (et de plus en plus rares).
Par ailleurs, la technique d'implantation est relativement lourde (thoracotomie, dissection nerveuse) et l'investissement initial, élevé (60 000 euros).
Dans ce contexte, une nouvelle approche, la stimulation intradiaphragmatique, a été développée depuis quelques années aux états-Unis (1). Elle permet également de restaurer la respiration diaphragmatique chez les tétraplégiques, à un moindre coût d'investissement (21 000 euros), et au prix d'une technique chirurgicale plus simple et moins lourde (coelioscopie). La première implantation en Europe de ce type de stimulateur chez un tétraplégique a été réalisée avec succès le 13 décembre 2007 à la Pitié-Salpêtrière, par le Pr Fabrice Ménégaux (chirurgie générale) et son équipe, en collaboration avec l'équipe de pneumologie. Il s'agissait d'un patient de 20 ans, accidenté de la route en 2005, chez lequel les explorations initiales avaient contre-indiqué l'utilisation de la stimulation phrénique en raison d'une dégénérescence phrénique liée à l'extension à C4 des lésions médullaires.
Après 6 semaines, la stimulation a permis d'obtenir une autonomie ventilatoire de 8 heures par jour, l'autonomie complète étant prévisible à relativement court terme. Le patient a quitté le circuit de l'hospitalisation « lourde » pour un circuit de médecine physique et de réadaptation, en attendant de pouvoir prendre possession à la fin 2008 de son futur domicile, spécialement réalisé aux normes « grand handicapé », en cours de construction.
La stimulation diaphragmatique, implantée par coelioscopie, devrait se développer rapidement dans les années futures, chez les blessés médullaires, mais également dans d'autres indications. Au premier plan de celles-ci se trouve la sclérose latérale amyotrophique, pour laquelle cette technique pourrait ralentir la progression de l'atteinte diaphragmatique et retarder le recours à l'assistance ventilatoire externe. Le centre de référence SLA de la Pitié-Salpêtrière (Pr Meininger) devrait ainsi intégrer au début 2008, avec le service de pneumologie et de réanimation, un essai multicentrique nord-américain visant à valider ce concept.
Le processus administratif qui conduira à cette technique des soins dans l'arsenal thérapeutique français (CCAM, CEPP, pour le remboursement, lignes budgétaires...) est lancé, mais d'ores et déjà le centre de stimulation diaphragmatique de la Pitié-Salpêtrière collecte des fonds pour pouvoir faire bénéficier au plus vite certains patients qui relèvent de cette nouvelle technique.
* Service de pneumologie et de réanimation, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris.
(1) Stimulateur diaphragmatique RA4/NeurX, Synapse Biomedical, Oberlin, Ohio, états-Unis.
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